MFDS a écrit:Oui et c’est tout à fait aussi fatigant que de lire toujours l’expression « pour respecter la volonté du réalisateur... etc etc » j’espère que ceux qui ont cette pensée n’ont pas modifier le fond d’écran de leur smartphone ou ordinateur ou n’a jamais changé son autoradio etcetc..
Contrairement à la production musicale qui est libre, la production cinématographique est normée, ce qui pose des tas de contraintes aux personnel technique de l'industrie.
J'explique: dans un studio d'enregistrement ou de mixage musique, l'ingénieur peut écouter au niveau qui lui plait, il ne s'occupe pas du temps de propagation, il n'a pas de contrainte de dynamique, etc... Il peut mixer dans un garage ou une salle de bains, pas de problème. La chaine de production occupe une cinquantaine de personnes tout au plus.
Au cinéma, la chaine emploie plusieurs milliers de personnes dans divers pays. Toutes doivent utiliser les mêmes codes, les mêmes niveaux et les mêmes procédures pour que le message sonore reste intact.
La dynamique, par exemple, c'est l'écart entre les sons les plus faibles et les plus forts contenus dans le film. Si votre pièce n'est pas suffisamment insonorisée vous n'entendrez pas les niveaux faibles car ils seront noyés dans le bruit de l'habitation. Si vous écoutez trop fort, vous risquez de saturer l'ampli et de détruire les tweeters. Si vous compressez, vous perdez l'impact qui génère l'émotion. La dynamique d'un film s'étend sur 80 décibels. Celle d'une habitation moyenne bien calibrée n'est que 60 décibels et souvent moins de 40. Sans un minimum de rigueur les 20 à 40 dB manquants sont perdus. Le niveau d'écoute des salles de cinéma est calibré au même niveau que le studio. Une console de mixage cinéma ne possède pas de bouton de volume. L'ingénieur du son n'a pas accès au réglage du niveau d'écoute et le projectionniste non plus, précisément pour que tous les sons puissent être entendus par les spectateurs.
Mais ceci n'est rien en regard des problèmes qui se posent aux ingénieurs et aux efforts qu'ils doivent déployer pour que la balance surround soit la même pour tous les spectateurs.
Le champ surround (hors objets) est un enveloppement sonore qui doit être ressenti sans être vraiment entendu. Quand on éteint les surrounds on doit ressentir un manque. A l'inverse, quand on coupe la façade on entend les surrounds. Quand les deux sont activés le champ surround est transparent. La sensation qui résulte de cette alchimie subtile immerge le spectateur dans l'action de manière subliminale, à son insu. C'est très difficile à faire, ça demande beaucoup de travail et un calage précis des niveaux dans un environnement acoustique bien défini.
On peut bien sûr s'en f..tre complètement et écouter à sa guise avec des formats d'écoute fantaisistes, sans se préoccuper d'entendre tous les sons ou seulement une partie, au mépris du travail effectué en amont, tout comme on chacun est libre d'acheter le meilleur millésime du meilleur Champagne pour arroser la moquette et les copains au mépris du soin apporté par les vignerons et les œnologues ou encore éclairer un Van gogh avec une lumière bariolée. Tout est permis.
Suivre les normes de l'industrie, c'est à la fois la seule façon d'entendre tous les sons du film dans des conditions optimales. C'est aussi une marque de politesse pour les techniciens qui se sont décarcassés des mois (parfois des années) durant pour fournir le meilleur impact sonore techniquement possible. Cela dit, rien n'oblige à les respecter.
Quand on me demande de construire une salle, je dialogue longtemps avec le client pour connaître ses goûts et définir ses attentes. Souvent, sa motivation est davantage orientée vers la décoration plutôt que la qualité sonore. Dans ce cas je mets la casquette décorateur. Plus rarement, il s'intéresse au son. Là je fais un travail différent. Dans tous les cas, je reste son choix et il est ravi.
Actuellement, je dessine un cinéma tordu qui sonnera assez mal. C'est un peu frustrant, mais c'est le choix du client. Dont acte et point barre.
Silame a écrit:Ce qui change au long terme, c'est que lorsqu'on fait un choix, on le fait en connaissance de cause.
Cela dis, à moins d'être un acheteur impulsif, j'ai tendance à penser que plus on s'intéresse aux rigueurs de la norme et moins on achète bêtement.
Merci pour ces paroles sages.
JPL depuis Saint-Martin.