precigou a écrit:Un peu à l’image des médias qui déversent jusqu’à saturation les bilans, rétrospectives et autres best of de l’année écoulée, retournons-nous un peu sur les douze derniers mois de l’univers home cinéphile.
Morosité, c’est le premier sentiment qui me vient en tête. Les forums se vident au propre comme au figuré, la presse est sinistrée, il ne reste que quelques sites et blogs pour relayer la faible actualité du home cinéma. Autrement dit, ce loisir qui était en perte de vitesse depuis 3, 4 ans est aujourd’hui dans une forme de résistance pour ne pas disparaître. Un peu comme la hifi il y a 15 ans, quand internet se démocratisa et que le DVD révolutionna l’expérience du cinéma à domicile.
La disparition du support presse par le déplacement des recettes publicitaires vers le net a condamné un vecteur de communication indispensable à toute activité. N’en déplaise aux adeptes du tout gratuit, y compris pour ce qui est de l’information, ce concept de l’info libre et participative sur le net ne constituera jamais une base solide pour étayer une activité.
Nonobstant ce premier constat, les marques ont continué de vouloir influencer la consommation dans le sens de leurs productions. La 4K est venue chasser des linéaires le full HD en proposant des contenants trop en avance sur le contenu. Passe encore le manque de maturité des premières références vendues, c’est habituel dans l’univers Hi-Tech. Comme le simple gain de résolution n’a pas suffi à convaincre rapidement et massivement au-delà des early adopters, l’HDR a volé au secours du lancement de ce nouveau format, qui finalement vaudrait davantage pour son espace colorimétrique que par la multiplication des pixels ! Encore une fois, la cacophonie des normes et la mayonnaise des acronymes scotchés par les constructeurs en façade de leurs équipements ont dû avoir un effet déterminant (euphémisme) dans l’acte d’achat.
Heureusement que le contenu a suivi (ironie) avec des disques sans zones, mais dont la diversité, la faible parution et la qualité technique obligent à d’interminables débats sur la plus-value ou l’absence de plus-value à acquérir l’un ou l’autre de ses titres. Avec une note technique moyenne de 6.8/10 selon le dernier titre de la presse spécialisée française, on ne peut pas dire qu’il y ait de quoi balayer des linéaires les bluray et bannir définitivement le DVD dans les magasins. D’autant moins, quand on aborde l’aspect sonore des éditions 4K avec la disparition des pistes HD VF. Logique et légitime réagiront les amateurs de VO qui ne jurent que par cet axe linguistique pour tout home cinéphile digne de ce nom. C’est surtout les éditeurs qui minimisent leurs coûts pour augmenter leurs bénéficies en sacrifiant le public francophile. Les mêmes éditeurs qui soutiennent finalement davantage la 4K par la dématérialisation plutôt que sur un support physique, là encore pour maximaliser leurs profits.
Heureusement, il y a le Dolby Atmos ! Raté, c’est également axé sur la VO en plus d’être un énième gadget qui n’engage que ceux qui veulent bien y croire. Il finira par rejoindre la 3D. Cette dernière jugée moribonde fait de la résistance, sa mort annoncée par les visionnaires semble finalement servir sa cause au regard des ventes actuelles. Le consommateur serait-il retors ?
Le mieux est l’ennemi du bien, c’est un peu mon leitmotiv à l’heure de clore cette année où la surenchère technique aura tenté de nous faire croire au progrès plus qu’à la simple augmentation des dépenses par le taux de remplacement des équipements. Il serait plus optimiste de penser que c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure confiture et qu’à ce titre le marché de l’occasion regorge d’excellents matériels qui portent moins de tatouages techniques en façade mais qui offrent de réels plaisirs potentiels, en servant davantage la restitution que le verbeux verbiage commercial. Foncez sur les appareils de seconde main, vos yeux, vos oreilles et votre carte bleue vous remercieront.
Revenir aux fondamentaux et savoir apprécier une installation équilibrée sans chercher un Saint Graal qui n’existe pas. Ce sont les films qu’on regarde et qu’on écoute, pas les jaquettes des disques et les écrans en façade des appareils.
Certains penseront qu’avec leurs solutions dématérialisées ils sont déjà en avance d’un coup. 2016, l’année du cloud, du streaming, de la VOD et du … vinyle ! Un peu schizophrène le consommateur du XXI ème siècle ?! Peut-être aussi a-t-il envie de ressentir un peu les choses, de prendre le temps, d’arrêter de zapper ou qu’un algorithme de suggestion le fasse pour lui. Peut-être se rend-il également compte que des fichiers informatiques n’offrent pas la même démarche intellectuelle que celle de se saisir d’un disque, ni le même résultat visuel et auditif. Peut-être n’a-t-il pas envie que ses goûts soient scrutés, disséqués et revendus à chaque achat sur une plateforme dite culturelle ? Ou bien encore, a-t-il fait le constat que consommer de la culture sans la respecter c’est renoncer à notre exigence de qualité au profit d’un appauvrissement culturel ?
Car, il faut bien reconnaître que la production cinématographique n’a pas grand-chose d’original et de réellement intéressant à proposer. Malgré un turn over incessant des films à l’affiche, la récolte en vidéo quatre mois plus tard est bien maigre et c’est finalement le direct to video, le fond de catalogue et les rééditions qui ont le plus d’intérêt ces derniers temps. Les films produits ne le sont désormais plus qu’avec des garanties de rentabilité qui contribuent à la standardisation des scénarios et à une épidémie virale de suites, de séquelles et de préquelles en tous genres. Les séries offrent désormais plus d’originalité et de liberté aux artistes. Il suffit d’ailleurs d’observer le nombre croissant de réalisateurs, d’acteurs et d’actrices confirmés qui finissent par trouver un refuge à leurs talents sur le petit écran plutôt que sur le grand.
Comment dès lors faire le tri entre le bon grain et l’Ivrée, notamment pour nos jeunes générations dont le sens critique est appesanti par les majors ? Il ne faut surement pas compter sur les réseaux sociaux dont l’abus nuit gravement à la liberté de penser et véhicule plus de contre-vérités qu’autre chose. Laissons donc les gamins regarder sur leur smartphone un film scénarisé sur un ticket de métro tout en tchatant simultanément sur trois réseaux sociaux et en téléchargeant légalement ou pas de la bouillie musicale issue de la téléréalité.
Merci pour cette belle synthèse quant l'environnement dans lequel évolue aujourd'hui la Passion de la Belle Image et du Beau Son, qui caractérise les intervenants de la Communauté HCFR.
puis, precigou a écrit:Une vraie exigence n’est pas de savoir combien d’enceintes doit on encastrer dans son plafond pour espérer entendre le sifflement d’une balle derrière soi ou comment régler l’espace colorimétrique de son écran pour espérer apercevoir plus d’authenticité d’une image. Non, c’est savoir choisir une œuvre digne de ce nom et comprendre que le plaisir que l’esprit en retirera bonifiera ce que les yeux verront et ce que les oreilles entendront. Les outils qui créent l’espace de diffusion ne sont là que pour créer un environnement propice sur la forme et non pour se substituer sur le fond.
Alors revenir aux fondamentaux et savoir dépasser les simples clichés du nombre de HP au plafond, pour s'intéresser à quoi ils peuvent servir pour encore mieux caractériser l'émotion au sein d'une oeuvre...
... c'est très exactement l'objet d'un article HCFR sur le Dolby Atmos qui est en cours d'achèvement. (et à ce sujet dores et déjà MERCI à Antonine G. et Christophe M. de Trinnov)
En effet les idées facilement préconçues ont la vie dure, quant ce à quoi peut correspondre une reproduction sonore aujourd'hui. D'autant plus dans un monde où la généralisation de la consommation facilitée d'un bruit de fond distrayant, prend désormais le pas sur la recherche d'une écoute "naturellement" cohérence, avec sa réelle immersion auditive au sein d'une oeuvre musicale ou cinématographique.
D'où HCFR et sa Communauté de Passionnés, où au travers de la transmission et sa pédagogie, il reste encore toujours possible de dépasser les généralités, pour aller défricher les territoires du Beau Son et de la Belle Image... y compris chez soi.
Hugo