» 26 Sep 2018 12:26
Il est effectivement difficile de choisir un ampli si on ne comprends pas ce qu'on achète. Je ne jette la pierre à personne, je suis moi-même bien incompétent pour choisir judicieusement une voiture. A part la couleur et la réputation faite à la marque, je ne comprends pas grand chose pour le reste.... et je suis généralement déçu de mon choix.
Concernant les amplificateurs de puissance, voici une description succincte et simplifiée des principaux critères de qualité pour éclairer ceux que ça intéresse.
le gain
Il s'agit du gain en tension de l'étage de puissance de l'ampli. L'étage de puissance est situé entre le bouton de volume ou l'éventuel processeur et la sortie de l'ampli. On peut régler le gain global de l'ampli grâce au bouton de volume, mais le réglage du gain interne est rarement accessible à l'utilisateur. Or, quand l'ampli possède un organe actif entre le bouton de volume et l'étage de puissance, tel un convertisseur ou un égaliseur, le bruit résiduel de cet organe sera amplifié sans que l'utilisateur puisse intervenir. Le gain doit donc être choisi à l'achat en fonction de la sensibilité ou du rendement de l'enceinte. S'il est élevé (35 à 40dB) et que la sensibilité de l'enceinte l'est aussi (92 à 100dB 1W/1m), le bruit résiduel sera audible et les limites de l'enceinte seront vite atteintes. A l'inverse, si le gain est faible (25dB) et l'enceinte peu sensible (85 à 90dB) il faudra beaucoup de niveau à l'entrée et de puissance en sortie pour atteindre le niveau sonore désiré.
Comparer sur une même enceinte deux amplis ayant un gain différent donnera un résultat différent même si le gain global a été équilibré par le réglage du volume.
l'impédance d'entrée
Trop basse, l'appareil qui précéde (micro, lecteur, préampli...) sera trop chargé. Ceci introduit une distorsion et dans certains cas une perte de niveau dans les aigus.
Trop haute, l'ampli captera plus facilement les rayonnements électromagnétiques induits sur sur les câbles ou sur l'étage d'entrée lui-même.
Comparer deux amplis avec des impédances d'entrée différentes conduit à une tonalité et une distorsion différentes.
l'impédance minimale de charge
L'impédance d'une enceinte n'est jamais linéaire. Une enceinte de 4 ohms fera 30 ohms à sa fréquence de résonance et seulement 2 ou 3 ohms vers le vers-aigu par exemple. Si l'ampli n'est pas capable de délivrer le courant demandé par la charge de 2 ohms, son alimentation va s'écrouler, la distorsion va augmenter, les circuits peuvent être endommagés par surchauffe.
le pompage (bursts)
J'ai expliqué le phénomène dans un post précédent. Quand l'alimentation est trop faible, elle ne peut répondre aux sollicitations élevées, généralement à cause de la puissance insuffisante du transfo ou/et la capacité réduite de l'unité de filtrage. Une chute de 10% de la tension d'alimentation entraine une perte de 20% de la puissance. Cette chute n'est pas instantanée. Elle suit la décharge des condensateurs et cela demande un temps proportionnel à leur capacité. Le son est propre à l'attaque du signal et une distorsion apparait rapidement s'il se prolonge au delà d'une à plusieurs secondes.
On observe ce phénomène en appliquant un train d'impulsions (bursts) à l'entrée de l'ampli. Ce sera par exemple, un signal sinusoïdal à pleine puissance pendant 2 secondes, suivi d'un silence pendant 2 secondes, en cycle continu.
Le train sera moins déformé (ou pas du tout) avec une alimentation correctement dimensionnée qu'avec une alimentation faible.
le temps de restauration
C'est le temps que met l'amplificateur pour retrouver ses performances initiales après une chute temporaire de sa puissance. Quand la récupération est rapide, l'effet est davantage audible.
la puissance effective
Découle du critère précédent. Pour un ampli multicanal, la puissance est donnée par le constructeur avec deux canaux actifs. Si on sollicite tous les canaux en même temps l'alimentation s'écroule et la puissance chute. Si l'alim chauffe la dégradation s'accentue encore. La puissance effective se mesure avec tous les canaux actifs à pleine puissance pendant une durée prolongée fixée par la norme.
la stabilité sous charge capacitive ou inductive
L'impédance d'une enceinte ou d'un câble n'est linéaire, (ce n'est pas une résistance pure). Elle présente une capacitance et une inductance qui peuvent déstabiliser les circuits de l'ampli qui risquent d'osciller et de générer un signal de haute fréquence qui se manifestera en continu ou par intermittence. Il peut produire un souffle audible ou/et une forte distorsion du signal. Il suffit d'un câble trop long ou d'un filtre passif dans l'enceinte pour le déclencher.
la distorsion harmonique
Toute déformation du signal par l'amplificateur génère des fréquences harmoniques qui altèrent le timbre. Le son paraît plus aigu, scintillant. La saturation d'un étage produit un écrêtage du signal qui génère des harmoniques impairs désagréables à l'oreille. C'est l'exemple le plus sévère de distorsion harmonique.
la distorsion de modulation
Quand l'alimentation d'un ampli est commune à tous les canaux, la sollicitation en puissance d'un canal module la réponse des autres canaux.
Il existe d'autres formes de distorsion comme le raccordement des alternances positive et négative sur les amplis en classe B. Cette distorsion est audible à bas niveau, elle dérive avec la température de l'étage de sortie. Un circuit de compensation existe sur tous les amplis. Il est plus ou moins performant. La classe AB évite ce problème.
l'impédance de sortie
La membrane d'un haut-parleur se déplace quand sa bobine est traversée par un courant. A l'inverse, la bobine génère un courant contraire quand la membrane bouge. Ce courant traverse le câble jusqu'à la sortie de l'ampli. Quand celle-ci présente une impédance significative, un diviseur de tension proportionnel au rapport des impédances (enceinte, câble, ampli) est créé. Les impédances étant non-linéaires (dépendantes de la fréquence) le son est coloré.
La coloration sera évidente si on compare deux amplis dont les impédances de sortie sont différentes.
Les amplis à tube ont une impédance élevée à cause du transformateur de sortie. Ils sont très sensibles aux caractéristiques du câble et de l'enceinte.
le facteur d'amortissement
Posez un haut-parleur sur une table et tapotez la membrane. Elle rebondit à chaque impact. Court-circuitez les bornes du haut-parleur. La membrane ne rebondit plus car son mouvement est amorti par le court-circuit. Un bon amortissement se traduit par des basses précises. C'est aussi pourquoi l'impédance de l'ampli et celle du câble doivent être très faibles, proches du court circuit.
Le facteur d'amortissement est très lié à l'impédance de sortie et au taux de contre-réaction (contrôle du gain par le circuit de rebouclage de la sortie sur l'entrée).
la diaphonie
C'est la perméabilité entre les canaux. Quand un canal est excité à pleine puissance et les autres pas, ces derniers doivent rester silencieux. Si ce n'est pas le cas, la scène sonore est confuse et étriquée. Le phénomène se manifeste surtout dans les aigus.
la réponse aux transitoires (temps de montée)
Un signal sinusoidal ou triangulaire présente un temps de montée modéré qui sera correctement respecté jusqu'à 20 kHz par la plupart des amplis.
Un signal carré, fait presque exclusivement de signaux transitoires et très riche en harmoniques, présente un temps de montée quasi instantané. La rapidité des transitoires donne l'impact et la finesse du son. Pour les obtenir, il faut une bande passante étendue dans l'aigu y compris à pleine puissance. 50Khz est un minimum, 100kHz est préférable.
Exemple: la tension de sortie crête à crête d'un ampli de 250W/8 ohms est 127 volts. Pour que la montée du front ne dépasse pas 10% de la période du signal à 20kHz, il faut une vitesse de 25,4 volts/µs. Ce n'est pas le cas sur tous les amplis et cela s'entend.
le temps de propagation
La conversion numérique du signal demande un temps de calcul. Le signal de sortie sera donc en retard sur le signal d'entrée. Si l'installation comprend des amplis de technologie différente on peut observer une désynchronisation des signaux partagés, avec l'apparition d'interférences. Un temps de propagation très court est un facteur de qualité chez un ampli.
le déphasage
Les différents étages d'un ampli possèdent des circuits de compensation destiné à augmenter la stabilité, limiter le risque d'oscillation et atténuer le bruit thermique. Ces circuits produisent un déphasage quasi-nul aux fréquences basses qui devient significatif dans l'aigu. Or, le timbre d'un son est composé d'une fréquence de base (fondamentale) et d'harmoniques. Si les harmoniques (plus aigües par définition) arrivent en retard sur les autres composantes du signal, le timbre est modifié. C'est une cause majeure de l'écart de tonalité observé entre deux amplis.
l'immunité aux interférences (HF)
Quand l'ampli est exposé à un fort rayonnement électromagnétique (un émetteur ou une antenne relais dans le voisinage), l'ampli ne doit pas diffuser la radio ou les messages téléphoniques, c'est évident. Tous ne sont pas égaux devant ce risque.
l'immunité au rayonnement secteur (Hum)
Une boucle dans le circuit de masse, une liaison inadaptée entre la masse audio et la mise à la terre du châssis de l'ampli peuvent aisément engendrer l'apparition d'une ronflette. Le vendeur va vous proposer un cordon secteur à un prix exorbitant qui ne résoudra pas nécessairement ce problème propre à l'ampli. Là encore les amplis ne sont pas tous égaux.
la réjection en mode commun
Souvent deux canaux d'un même ampli peuvent être bridgés pour obtenir un canal unique plus puissant. La qualité du dispositif est fonction de l'équilibre du gain de chaque canal. Le bridge s'obtient en distribuant un même signal avec une phase opposée sur les deux étages de puissance de l'ampli et en reliant la charge entre les points chauds des deux sorties. Si on injecte un signal de même phase sur les deux étages, on ne doit plus rien avoir en sortie. C'est rarement le cas, surtout dans l'aigu, d'où l'apparition d'une distorsion d'amplitude et souvent de phase en fonctionnement normal.
le bruit de fond résiduel (hiss)
C'est le souffle résultant du bruit thermique des composants électroniques dans l'ampli. Ce bruit doit être le plus faible possible, de l'ordre du microvolt.
la tension d'offset
Les étages push-pull des amplis en classe B ou AB qui présentent une dissymétrie ou un déséquilibre dans la gestion de leurs circuits développent un courant continu à leur sortie. Ce courant traverse en permanence les haut-parleurs, risque de les endommager et se manifeste par un "plop" à l'allumage ou à l'extinction de l'ampli. Aujourd'hui, la plupart des amplis possèdent des protections ou des circuits de temporisation pour contrer ce problème, mais pas tous.
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Je n'ai cité qu'une partie des paramètres qui influent sur la qualité sonore des amplis.
Souvenez-vous de mes propos contestés qui ont conduit à la création de ce topic:
Il n'y a pas de raison pour que deux amplis qui ont des caractéristiques identiques ne sonnent pas de la même façon. Encore faut-il se pencher sur les caractéristiques et ne pas choisir l'ampli sur les conseils du beau-frère. Les bancs d'essai des magazines sont souvent superficiels et ne font pas les tests qu'ils devraient.
Le test à l'écoute ne révèle rien de probant. Le problème apparent peut venir du lecteur qui ne supporte pas la charge, du câble trop inductif ou de la courbe d'impédance de l'enceinte, pour ne prendre que 3 exemples. Ainsi un ampli sonnera mieux qu'un autre chez vous alors que ce sera l'inverse chez votre voisin.
Le test d'écoute ne vous donnera jamais la cause du problème.
Si vous ne savez pas, choisissez un ampli certifié. Chez THX, tester un ampli demande un mois de travail (400 tests). Aucun ampli proposé n'a réussi à obtenir la certification du premier coup.
Cela ne veut pas dire que les amplis non-certifiés sont tous mauvais, loin de là. Mais il faut les décortiquer un peu plus pour savoir ce qu'ils ont dans le ventre.
A l'instar des paramètres Thiele et Small qui désormais publiés par la plupart des fabricants de haut-parleurs, les fabricant d'amplis devraient au moins fournir une réponse aux critères cités dans cette courte liste. Si les consommateurs les demandaient en masse, ou si les magazines les publiaient, ça changerait peut-être les choses.