Les revenus de la musique classique ont peut-être touché le fonds en 2020. Pour les musiciens de cette catégorie, le streaming représente néanmoins encore un grand écart pas évident à négocier.
Sur un tempo lent, la musique classique commence à conquérir le streaming , un mode d'écoute jusqu'alors principalement adopté par les jeunes pour leur musique. En France, l'équivalent en streams des ventes d'albums classiques a en effet représenté 32 % du total en 2021, contre 11 % en 2017, selon le Syndicat national de l'édition phonographique (SNEP). « Les performances du classique sont encore étroitement liées aux ventes physiques, mais on constate une forte progression des volumes de streams depuis cinq ans », constate le SNEP : 1,2 milliard sur l'année, soit une multiplication par 10 sur la période. Pas de quoi impressionner Adele ou Dua Lipa, qui dépassent régulièrement ce chiffre avec une seule chanson. La musique classique ne représente jamais que 2 % du total des streams.
Mais l'année 2021 marque le premier rebond des revenus de la musique classique enregistrée depuis six ou sept ans. « Si le support CD avait profité au classique, portant sa part de marché de la musique enregistrée à près de 15 % à la fin des années 1980, contre un peu moins de 9 % avant, le streaming a eu l'effet inverse et a réduit cette part à 2 % », explique Alain Lanceron, président de Warner Classics et membre du SNEP.
Le chiffre d'affaires de la musique classique est en tout cas passé de 11,7 millions d'euros en 2020 à 13,9 millions en 2021. « On devrait avoir touché le fond en 2020 », espère Alain Lanceron. Le rebond est certes aussi lié à celui des ventes physiques après une année 2020 de confinements, mais si ce vétéran du secteur espère que la part de marché de ce courant va retrouver les 7 % à 8 %, ce sera grâce au streaming, dont le public commence à vieillir. Car le téléchargement se meurt et les magasins physiques s'étiolent. Même si on ne retrouvera pas de sitôt le pic de 1998 avec un chiffre d'affaires de 97 millions.
Investir le streaming relève du grand écart pour le secteur « core » de la musique classique. Les morceaux sont parfois très longs, complexes à trouver en fonction de l'interprète ou du compositeur et ne s'écoutent pas de façon passive. « C'est particulièrement compliqué pour le lyrique », dit Thibaut Gerhardt, DG de Decca Records France. Difficile, pour Richard Strauss, d'intégrer des playlists « ambiance » ou « relaxante » de sites comme celles de Spotify, alors que c'est plus facile pour certains morceaux calmes de Chopin. En revanche, il y a tout un courant dit « néo-classique » qui s'adapte parfaitement à ces nouveaux usages, avec des artistes comme Ludovico Einaudi ou Max Richter qui cumulent des centaines de millions de streams et qui ont compris l'importance de l'image, des contenus et des réseaux sociaux. Au point que les classements de ventes physiques et en streams diffèrent beaucoup. Certains artistes enjambent cependant les deux catégories. « Un musicien comme Lang Lang sait adopter les codes de la pop et passer des Variations Goldberg aux plus grands thèmes des films Disney », explique Thibaut Gerhardt. Pour ce dirigeant, c'est tant mieux. « Le monde du classique doit se moderniser pour perdurer », dit-il.
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