FGO a écrit:En fait je dirais elle aurait pu se laisser voir si le rythme avait été bon mais la franchement c’est juste chiant hélas
Il ne reste que les paysages et les décors
Quand à tolkien pour les enfants pas totalement
Certes il y a conte de fées heroic fantasy etc
Mais avant tout c’est inventer un monde et recréer une mythologie faisant défaut à son pays donc c’est bien moins simpliste qu’on veut nous la faire croire et il était aussi universitaire
Keron a écrit:C'est ce que je dis. Matière plus riche avec le périphérique. Mais pas certain que les scénaristes aient réalisé l'importance de cette matière où n'ont pas su faire avec les interdits imposés par les héritiers pour ne pas parler de nombreux sujets.
En fait, sans avoir le droit de parler de tout ces thèmes, fallait-il se risquer à créer une série ?
Ou alors il fallait faire comme le proposait d'autres partenaires, créer une série dans l'univers. Mais sans faire quelque chose de trop historique casse gueule.
Là-dessus, je suis d'accord avec vous. Et cela tient au titre même, qui indique explicitement le thème: les anneaux de pouvoir, donc leur fabrication et leur rôle. Mais le problème est aussi que, d'une part, la “suite” de l'histoire est tout à fait connue (par les films ou par les livres) et que, de l'autre, les “événements antérieurs” sur lesquels Tolkien a beaucoup travaillé (avant, pendant et après la rédaction du SdA) ont été majoritairement hors d'accès (cf. la question des droits). La conséquence en est l'état d'une question en partie contradictoire, à savoir comment raconter “autrement” une histoire à propos des anneaux, sans (trop) contredire les films (de Jackson) ou les livres (SdA et H.), sachant qu'il faut se passer de toute référence et aux événements et aux thèmes (ou symboles ou images ou personnages, etc.) qui ne seraient pas indiqués dans les livres “post-SdA”…
La tentation est alors grande de faire reposer la proposition sur des rebondissements à surprises (les “twists” dont parle Y. Dahan) — mais la limite intrinsèque n'est alors pas seulement celle de la cohérence, qui serait celle d'une histoire racontée pour elle-même, c'est aussi celle d'insérer cette histoire dans un certain univers qui possède sa propre logique (laquelle est de plus tout à fait connue car nombreux sont ceux qui soit ont vu les films, soit ont lu les livres, soit les deux) : sauf qu'une bonne partie de la logique en question conditionne rétroactivement la possibilité d'une invention “libre”, qui ferait se succéder des événements et des rebondissements en se contentant d'employer des “symboles”, des “images” ou des “signes” tirés de l'univers en question et de “broder” là-dessus.
Un exemple de cette disjonction en est l'écart entre les “explications” que donne Gil-galad sur le déclin des elfes et l'invention des anneaux. La liaison “causale” est impossible à établir, parce qu'en réalité le déclin en question est dû aux méfaits commis par Morgoth, dont l'influence menace l'intégrité de la Terre du Milieu, intégrité que les elfes cherchent à préserver, ce qui explique aussi en partie, mais en partie seulement, l'invention des anneaux et le type de pouvoir dont ils sont porteurs. Mais en partie seulement, parce qu'il y a aussi une volonté de pouvoir qui est à l'œuvre dans la création des joyaux (et là, on est renvoyé à d'autres événements passés — Celebrimbor descend de Fëanor — et ainsi de suite). Or, il est impossible de faire référence à Morgoth comme à Fëanor : donc, le premier est remplacé par un Balrog (possible, puisqu'il y en a un qui intervient dans le SdA) et le second par la question de la survie des elfes (possible, puisqu'il en est question dans le SdA aussi). Sauf que l'on ne voit pas du tout d'où vient l'arbre que le Balrog détruit, ni celui que Gil-galad désigne comme “malade”, ni d'où vient ce déclin, et sauf que l'enfermement de la lumière de l'arbre dans les sous-sols, sous la forme du Mithril, est tout sauf crédible parce qu'on ne sait pas pourquoi le Balrog en voulait à cet arbre, c'est-à-dire d'où vient cette “lumière” puisque, pour le savoir, il faudrait l'histoire des silsmarils ou des Arbres, ce qui est impossible (ce qui explique peut-être que les nains disparaissent de l'histoire dans la saison 1, où ils ne servent que de prétexte).
En d'autres termes, il faut admettre que la lumière existe d'un côté et que l'obscurité, représentée par Sauron qui va arriver (sans que l'on puisse parler de ce qui lui est arrivé auparavant!), existe de l'autre : alors qu'en réalité, tout indique que, dans la Terre du Milieu, chez les elfes, comme chez les hommes, comme chez les nains, comme chez les hobbits, tout est souvent mêlé parce que, dans ce champ de bataille, les forces s'affrontent. C'est Galadriel tentée par l'anneau mais surmontant la tentation, Gandalf qui explique refuser de le prendre pour ne pas devenir lui-même l'Ennemi, Saruman qui succombe à la tentation, Boromir qui est tenté dès le début et succombe à la tentation, des nains qui ont creusé trop profond dans Khazad-dûm, Aragorn qui (dès la rencontre de Frodo) pourrait s'en emparer, le pourrait à nouveau après l'épisode de la mort de Boromir mais surmonte l'épreuve (alors qu'Isildur avait échoué), Sam qui hésite un instant avant de rendre l'anneau à Frodo, et Frodo lui-même qui se trouve incapable de le jeter dans la Montagne du Destin. Ce qui tient, comme le dit Elrond, à ceci que rien n'est mauvais au début et que même Sauron ne l'était pas. C'est cette ambivalence ou cette sorte de danger intérieur qui crée la tension et l'intérêt de l'histoire : la remplacer par une lutte manichéenne entre deux partis figés ôte énormément de son intérêt, et d'autant plus que tout le monde en connaît déjà la fin. Qui plus est, cela donne des personnages sans grande épaisseur, dont les motifs et les mobiles sont tellement simplifiés que cela ne crée guère de suspense (surtout que l'on connaît l'issue). La rupture est donc telle que la série s'interdit d'être une préquelle au Seigneur des anneaux alors qu'elle ne peut pas ne pas l'être.
Le plus curieux, c'est que, du point de vue matériel, il n'était pas impossible d'utiliser ces éléments en les reliant les uns aux autres : ils figurent dans le chapitre “le conseil d'Elrond” du livre de Tolkien (dont amazon a les droits) et dans les films. Mais dans la série, ils sont directement évacués au profit d'un suspense qui n'est tantôt que celui du film d'action à l'état pur (par exemple, Galadriel, sur un radeau, attaquée par un monstre marin, dont on ne sait ni ne saura plus rien ensuite: ce qui n'apporte strictement rien à la narration et se contente d'être “spectaculaire”) ou d'un film d'aventures (à la Indiana Jones qui affrontent des ennemis exceptionnels et s'en tire toujours : mais là, l'ennemi principal est connu aussi bien que son avenir), tantôt que celui du “whodunit” (sauf que, comme on connaît la suite, ça ne peut pas marcher). Un exemple parmi d'autres en est celui de l'étranger qui, ne devant pas être “identifié” uniquement pour créer un suspense de type rebondissement (qui est-il ? Gandalf ? Sauron ? etc.), n'hésite “entre le bien et le mal” que parce qu'il est amnésique : raison pour laquelle il faut que ce soit Nori qui lui rappelle sans arrêt qu'il “est bon” (ce qu'il répète dans la scène finale, comme s'il devait s'en rappeler sans pouvoir s'en rappeler : ce qui est l'exact contraire de la tentation éprouvée par Gandalf). Sauf qu'évidemment, on ne peut pas y croire, non seulement parce qu'on voit mal pourquoi Halbrand-Sauron ne souffrirait pas, lui aussi, d'amnésie post traumatique (il est arrivé avant et il a eu le temps de guérir ? il était déjà là ? mais qu'a-t-il fait avant ?), mais aussi parce qu'on ne peut pas comprendre comment la “prêtresse blanche” et ses deux comparses peuvent se tromper à ce point (et pas Nori), et encore moins d'ailleurs à quoi a bien pu servir leur intervention ainsi que l'amnésie de l'étranger : sauf à ménager un suspense gratuit, en lançant une fausse piste (faux whodunit : ça n'était pas lui!)… Ce qui est d'autant plus absurde qu'on sait, par avance que, quoi qu'il arrive, Sauron va nécessairement arriver à un moment où à un autre. Et de fait, on l'attend, mais en se disant que l'histoire commencera à ce moment-là, et on l'attend en s'ennuyant puisque ce qui précède ne sert à rien.
Bref, ce qui “marche” dans le SdA (livres comme films) ne peut pas marcher dans la série : la question n'est donc pas celle de la fidélité à une “œuvre”, qu'il s'agisse des livres ou des films, mais la contradiction consistant à utiliser un univers sans l'utiliser, c'est-à-dire à n'en utiliser que des pièces détachées (dont les anneaux!) par des clins d'œil et des allusions, mais en les séparant de la logique propre de cet univers dans lequel tout est censé se tenir. Et comme c'est cette logique qui est indispensable à la narration de l'histoire, celle-ci fait un flop et il ne reste que des rebondissements et un faux suspense. Faux suspense puisque l'on connaît d'avance la suite : Sauron va revenir, les trois anneaux seront forgés, il forgera l'unique, il y aura une guerre, et Sauron la perdra, ce qui interdit d'en faire une série d'action, ou série de “mystère” (whodunit), ou série de pure aventure (mettons à la Indiana Jones). C'est aussi pourquoi il ne reste qu'une suite d'easter-eggs qui arrivent plus ou moins comme des cheveux sur la soupe, des paysages et des décors, et des scènes plus ou moins juxtaposées, ainsi que l'impression persistante d'un “tout ça pour ça”.