Je pense que considérer nos équipements et nos supports de musique comme une réduction du réel est un égarement de ceux qui se focalisent un peu trop sur la musique classique (même si ce n'est pas le seul genre majoritairement acoustique).
Pour ma part, j'ai été biberonné à la musique électronique. J'ai grandi avec du Vangelis et du Enya dans les oreilles, ainsi que beaucoup de musique africaine (Salif Keita, Ismael Lô, Mory Kante, Papa Wemba, Angélique Kidjo... des musiques bourrées d'électronique), mes premières découvertes musicales personnelles à l'adolescence ont été ce bon vieux Jean-Michel Jarre, Tangerine Dream, les bandes sons de jeux vidéo, puis il y a eu le rock progressif avec Pink Floyd, Marillion, Pendragon, Rush... Des musiques amplifiées, donc, avec beaucoup de synthés.
Le classique et le jazz sont venus plus tard, et sont minoritaires dans ce que j'écoute.
Aujourd'hui j'écoute beaucoup de choses (même si je garde une affection particulière pour les genres qui m'ont bercé) mais finalement quasiment quasiment tous les artistes que j'écoute font un usage abondant d'électronique et leurs concerts sont amplifiés, et donc sont nécessairement des "réductions" (ou plutôt, des restitutions comparables à la mienne chez moi).
Car oui je pense que tu oublies que dans le cas d'un concert rock (puisque tu en parles) ce que tu entends passe par un ampli et des enceintes, tout est électronique, même la voix passe par un micro. Et généralement je préfère ce que j'ai à la maison aux enceintes de scène !
La musique que j'écoute, son support et mon système n'évoquent pas pour moi une réduction du réel parce que ce réel n'existe pas. Les artistes que j'écoute pour la plupart soit ne se produisent pas en concert, soit le font avec du matériel électronique semblable au mien.
Opposer concerts et musique enregistrée n'a, par rapport à ma consommation de musique, aucun sens.
Sans parler de tous les artistes qui sont morts et que nous ne pouvons de toute façon écouter que par l'intermédiaire de nos systèmes.
Par ailleurs, si c'était le cas, il me faudrait encore m'accommoder avec le fait de sortir pour aller au concert, ça prend du temps, ça demande de mettre le nez dehors, et le cavernicole que je suis n'aime pas ça du tout mais alors pas du tout.
J'ai la chance cependant de travailler dans un collège dont le préau sert régulièrement de salle de concert (et il s'agit essentiellement de concerts classiques, même si récemment on a eu un concert de jazz). Et comme j'habite juste à côté je fais l'effort d'y aller.
C'est ce qui m'a inspiré mon dernier post, sur le fait que les concerts en vrai c'est super mais qu'aux oreilles du drogué aux tubes que je suis il manque inévitablement quelque chose.
Même si effectivement la dynamique et l'impact de certains instruments dépassent ce que la plupart des systèmes savent faire.
Oui le son live est assez impressionnant pour peu qu'on soit bien placé, entendre un instrument réel a quelque chose de magique. Je pense qu'on a une salle pas trop dégueu et vu que c'est pas trop grand je pense qu'on a de belles conditions d'écoute. J'y ai passé de très beaux moments.
Mais je suis toujours content de revenir à mes casques qui m'apportent autre chose (et à mes tubes !), et avec lesquels le son que j'entends possède d'autres qualités, subjectives mais aussi objectives je pense, parce que le son qui me parvient dans un concert (même sans amplification), subit forcément des dégradations liées à la distance, à l'acoustique de la salle, et qu'il perd en précision par rapport à ce même son capté en proximité, et je ne suis pas sûr que la captation puis la restitution par mon système soit le chemin implique la plus forte dégradation.
Il est très facile pour moi de faire cette expérience, car montre en main je peux être chez moi en 5 minutes après un concert... Et donc je m'amuse souvent à allumer le système lorsque je rentre (bien que forcément, ce que je peux écouter chez moi n'est jamais la captation de ce à quoi je viens d'assister à l'instant).
Il y a cependant d'autres plaisirs dans les concerts, le fait d'avoir les artistes devant soi joue beaucoup dans l'émotion, même si ça ne change rien à la musique à proprement parler. La communion public/artistes, le fait d'être réuni avec plein de gens a probablement aussi un effet psychologique, tout comme l'éclairage d'ambiance et le côté inédit (le concert n'est jamais parfaitement identique à ce que l'on connaît).
Enfin, il y a le fait de se poser et de ne rien faire d'autre qu'écouter, avoir l'esprit totalement consacré à la musique. Combien d'entre nous prennent encore le temps de faire ça chez eux, écouter sans rien faire d'autre ?
Pour ma part j'en étais capable quand j'ai commencé la hifi, quand j'avais la vingtaine, je pouvais passer des heures à ça, aujourd'hui je ne le fais plus, je ne prends plus ce temps. L'écoute au casque m'aide à me concentrer sur la musique, mais la plupart du temps je m'occupe à faire autre chose pendant ce temps.