indien29 a écrit:
Ce que Cabasse a démontré sur scène, n'est rien d'autre que ce que tout les ingé son font lors de la diffusion d'un concert amplifié, s'assurer du réalisme du son diffusé sur la zone ou se trouve le public.
Ce n'est absolument pas comparable : la sonorisation consiste à amplifier un niveau sonore insuffisant pour toucher toute l'audience avec le niveau naturel des instruments ou des chanteurs, ou bien compenser un déséquilibre de puissance sonore entre les différentes parties d'une formation musicale. Exemple extrême, mais ô combien typique : sans sonorisation, la voie de Freddie Mercury aurait été incapable de toucher toute l'audience du stade de Wembley, encore moins de rivaliser avec le niveau sonore des instruments électro-acoustiques de son groupe.
La comparaison réel/reproduction nécessite que l'installation de diffusion reproduise le plus exactement possible le même niveau sonore que la source d'origine. C'est une imitation du niveau sonore qu'il s'agit de réaliser ; pas une amplification du niveau sonore.
indien29 a écrit:Comme je l'évoquais il y a quelques pages, Harman à fait des démonstrations aveugles entre différents modèles d'enceintes, un panel d'auditeurs écoutait différents modèles d'enceintes et faisaient des commentaires sur leurs préférences.
Ce test comparatif me semble plus à même à juger de façon comparative, des enceintes à l'écoute.
Oui, je connais (intellectuellement ! je n'y étais pas !) ces expérimentations et l'infrastructure utilisée par Harman.
Ces expérimentations sont évoquées par leur auteur (Sean Olive) lui-même sur son blog :
http://seanolive.blogspot.com/2008/12/l ... ained.html
On peut aussi entre-apercevoir sur son blog l'infrastructure expérimentale de Harman... :
http://seanolive.blogspot.com/2010/07/h ... rdise.html
... de même dans cette présentation produite par Harman (page 16) :
https://www.harman.com/documents/AudioScience_0.pdf
Comme le rappelle d'ailleurs Sean Olive dans la synthèse publiée sur son blog, et tu l'as toi même mentionné, cette étude a permis de dégager la préférence de la majorité des auditeurs (auditeurs entraînés comme non entraînés à l'écoute) envers le son des enceintes incluses dans le panel de test.
Cette étude a donc permis de dégager un goût, un choix majoritaire en faveur d'une enceinte ou d'un type de sonorité. Mais la préférence majoritaire, ou la loi du plus grand nombre, n'est pas une loi universelle.
Ce n'est pas parce que les amateurs de café sucré sont majoritaires par rapport au amateurs de café sans sucre que la vérité universelle du goût du café est celui du café sucré.
Tout le monde n'est pas obligé de préférer ce que la majorité du panel d'auditeurs de l'étude de Harman a préféré. Mais je comprends que Harman cherche à savoir ce qui est préféré par la majorité des auditeurs, surtout non entraînés (cad : les personnes lambda, les clients potentiels), puisque cela lui permet de déterminer le type d'enceintes susceptible de séduire la majorité, donc de se vendre le plus.
Mais le plus important est ceci : à partir de quels matériels sonores cette étude a-t-elle été menée ? La réponse est dans le compte-rendu de cette étude (p. 808 du Journal of the Audio Engineering Society de septembre 2003 où il a été publié, p. 3 du pdf) :
https://www.pearl-hifi.com/06_Lit_Archi ... teners.pdf
Je cite les sources (dont un extrait de 20 à 30 secondes de chacune d'entres elles a été utilisé) :
1) James Taylor, “That’s Why I’m Here” from “That’s Why I’m Here,” Sony Records : https://www.youtube.com/watch?v=b6tFKChEq4A
2) Little Feat, “Hangin’ on to the Good Times” from “Let It Roll,” Warner Brothers : https://www.youtube.com/watch?v=1HgAe4gTyT4
3) Tracy Chapman, “Fast Car” from “Tracy Chapman,” Elektra/Asylum Records : https://www.youtube.com/watch?v=JpscHOoGIqQ
4) Jennifer Warnes, “Bird on a Wire” from “Famous Blue Rain Coat,” Attic Records : https://www.youtube.com/watch?v=T3tO37SC60I
En d'autres termes, cette étude a été menée à partir de quatre chansons relativement homogènes* sur le plan du genre musical et de l'esthétisme (elles sont toutes plutôt lentes, assez legato et douces, peu agitées), extraites d'albums manifestement produits à l'aide de mixage de plusieurs pistes et d'introduction d'effets et qui ne comportent strictement aucune source de son naturel non déformé. Même les voies sont retravaillées (c'est patent surtout sur la source 4 : réverbération artificielle et tutti quanti).
La question qu'il faut donc se poser est la suivante : est-ce que le matériel sonore employé dans cette étude est un matériel de référence ?
À l'évidence non, et on comprend donc que l'objectif, parfaitement transparent de l'étude patronnée par Harman, ait été de dégager des préférences (ce qui fait appel au goût) et non de prétendre édicter une référence.
Soyons clair : mon propos n'est pas de discuter, encore moins de dénigrer, la qualité ou l'intérêt artistique des extraits des albums utilisés par Harman. Je les trouve moi-même plutôt agréables à écouter. Mais ce sont des musiques très légères, qui n'exigent pas une grande attention ni un effort intellectuel soutenus de la part des auditeurs pour être appréciées. Leur contenu purement sonore est plutôt pauvre.
Ils ne représentent aussi qu'un très maigre échantillon de l’éventail de genres et de styles musicaux que l'on peut écouter sur une chaîne hifi. C'est un échantillon en réalité très réducteur de l'univers de la musique, dans lequel tout le monde ne trouvera pas son bonheur, très loin de là.
Ce sont des albums conçus et fabriqués à la table de mixage, sans nul doute (voir par exemple les conditions de production de l'album de Tracy Chapman). Leur emploi comme source de test ne peut que mener au cercle vicieux que Floyd Toole a décrit :
https://seanolive.blogspot.com/2009/10/ ... usion.html
On tourne en rond en utilisant comme source de test des albums créés avec des matériels et des effets électroniques évalués sur des enceintes qui vont servir à contrôler des albums qui seront utilisés comme source de test etc...
Comme je l'ai déjà écrit cent fois, et je le réécrirais encore mille fois si nécessaire, la seule façon de sortir d'un cercle vicieux, c'est de le briser.
Pour sortir du cercle vicieux de Toole, cet Audio Circle of Confusion, il suffit d'y introduire un son de référence. C'est-à-dire un son dont l'existence ne dépend pas intrinsèquement de l'existence même de la chaîne d'enregistrement, de production et de reproduction électroacoustique et dont la qualité ne dépend pas des performances de cette chaîne. Un son produit mécaniquement, c'est-à-dire une voix, un instrument naturel, ou n'importe quel son répétitif qui existe indépendamment de la chaîne et qui peut donc être comparé à ce que produit la chaîne sur les haut-parleurs.
C'est là l'intérêt de la comparaison réel/reproduction : comparer ce qui est reproduit à une référence.
L'étude de Harman est loin, très loin d'être la base d'une référence qualitative indiscutable pour établir des critères de sélection universelle d'une enceinte acoustique. Je sais bien que cette étude est très souvent citée comme caution scientifique pour établir des critères de sélection des enceintes et que cela fait très sérieux de s'y référer. Quand on la regarde de plus près et qu'on la critique, certes, elle a d'indéniables qualités de rigueur méthodologique et s'appuie sur un effort plus que louable de développer un dispositif expérimental ad'hoc.
Mais enfin, la portée des conclusions de cette étude est extraordinairement limitée par l'étroitesse du matériel sonore soumis aux auditeurs et la nature stéréotypée de la méthode de production du dit matériel. Sans aller jusqu'à invoquer les amateurs de musique dite classique, quels enseignements les amateurs de hard rock, de musique électronique, de polyphonie corse ou de chant grégorien, de musique tribale africaine, de musique militaire, de death metal ou de rap, etc... peuvent-ils tirer de façon sûre et certaine de l'étude de Harman ?
Moi-même, j'ai qualifié d'agréable les quatre plages utilisées dans cette étude et je suis sincère en écrivant cela. Néanmoins, ce genre de musique n'est pas vraiment ma tasse de thé et je n'écouterais pas ça tous les jours. Et soyons honnête : il n'y a rien de vraiment bien méchant à reproduire dans ces quatre plages (d'autant qu'on ne sait pas quels sont les passages de 20 à 30 secondes de chacune d'entre elles qui ont été utilisés...). En tout cas, rien qu'un amateur de musique classique (essentiellement) et de jazz (secondairement) comme moi puisse impressionner. En particulier, la réverbération artificielle ajoutée dans ces plages est, à mon humble avis, un facteur de perturbation d'une évaluation sérieuse de la qualité d'une enceinte parce que cette réverbération masque beaucoup de choses (elle est d'ailleurs là pour ça).
En conclusion, l'expérimentation menée par Harman, pour intéressante qu'elle fut, est comme toute expérience : elle a ses limites de validité. Et la première de ses limites, c'est le caractère très étroit du matériel sonore avec lequel elle a été menée. Une étroitesse qui doit inciter à la prudence avant d'extrapoler de cette expérience des conclusions générales et définitives sur les critères de qualités d'une enceintes acoustiques.
* Ce n'est sans doute pas un hasard. Lire le 1er § de la seconde colonne page 816 de l'étude pour réfléchir à ce sujet. Et j'invite par la même occasion à relire ma conclusion en ayant cette réflexion à l'esprit. Ce paragraphe d'allure anodine dans l'étude de S. Olive doit sérieusement amener à envisager l’hypothèse qu'avec une sélection moins homogène de programmes sonores, c'est-à-dire avec des programmes plus variés, plus différents les uns des autres, l'ordre de préférence entre les quatre enceintes aurait peut-être été différent.