oso a écrit:Pio2001 a écrit:
Il se pourrait que la partie la plus intéressante de l'expérience soit justement celle qui consiste à trouver comment enregistrer des instruments pour que leur restitution par une paire d'enceinte soit parfaite.
Je me permets d'intervenir car ce point me semble essentiel et totalement intégré au processus de reproduction.
Et je me permets d'insister, car je suis heureux qu'enfin Pio2001 ait relevé l'intérêt de l'expérience de comparaison direct/reproduction pour évaluer la fidélité
de la technique de prise de son.
Intuitivement, on perçoit immédiatement que la prise de son et la reproduction sont l'image l'une de l'autre. C'est un exercice géométrique avant tout (comme l'exemple du bonzaï dont parle souvent haskil est un exercice d'essence essentiellement géométrique : une homothétie, pour être précis).
Lorsque vous placez un microphone en un point de l'espace, vous captez la vibration de l'air en ce point.
Dès lors, si vous voulez reproduire fidèlement la vibration de l'air en ce point, il est logique de placer le dispositif de reproduction en un point homologue de l'espace dans lequel vous reproduisez la prise de son.
Qu'est-ce qu'une disposition homologue dans l'espace ?
C'est tout simplement de disposer les enceintes (exactement ou à peu près selon les circonstances) comme étaient placées les microphones.
Pour comprendre, prenons un exemple tout simple de ce qui ne peut manifestement pas fonctionner : vous enregistrez un sujet (chanteur, piano, sextet de jazz, peu importe) en stéréophonie à deux canaux avec une technique AB large de deux microphones écartés de quelques mètres, un microphone qui enregistre le canal de gauche et un microphone qui enregistre le canal de droite.
Si sur votre chaîne hifi vous reproduisez ce qui a été capté à gauche sur le canal de droite et ce qui a été capté à droite sur le canal de gauche (une inversion de canaux), vous comprendrez évidemment que vous aurez une stéréo foireuse. C'est tellement évident que vous ne songez même pas à faire l'expérience. Pourtant, cette erreur toute bête est intéressante à analyser et à conceptualiser, car elle permet de prendre conscience de la raison fondamentale, aveuglante, pour laquelle ça ne marche pas : vous introduisez une distorsion géométrique considérable, car vous reproduisez sur une enceinte située à quelques mètres sur votre droite le son qui a été saisi par un microphone posés plusieurs mètres à gauche du sujet et réciproquement !
Un fois que vous avez bien conceptualisé le problème géométrique à partir de cette erreur toute bête, vous pouvez vous poser des questions.
Prenons une prise stéréophonique de type
ORTF : deux microphones écartés d'une vingtaine de centimètres placés à quelque distance du sujet. Comment un telle technique peut-elle permettre de reproduire fidèlement le sujet ? Comment des sons émis à partir de deux points de l'espace écartés de plusieurs mètres (les enceintes acoustiques de la chaîne hifi) devant l'auditeur pourraient-ils reproduire fidèlement des sons captés à l'origine en deux points situés à une vingtaine de cm l'un de l'autre ? La distorsion géométrique entre la méthode de prise de son et de reproduction est considérable !
Prenons une technique de captation multi-microphnique, qui consiste à poser plusieurs microphones autour d'un sujet (par exemple, une batterie) ou au sein d'un sujet (un orchestre : on y pose des microphones partout, devant les vents, les cordes, les bois, les hanches, etc..., quand on ne pose pas des micros-cravates directement sur tous les instruments, et parfois, pour faire bonne mesure, on pose des microphones plus loin pour capter de l'ambiance, paraît-il), à mélanger tout ça à la console pour produire deux canaux qui seront reproduits sur deux enceintes de la chaîne stéréo (ou plus si chaîne multicanale). Comment une telle technique peut-elle permettre de reproduire fidèlement le sujet ? Comment des sons émis à partir de deux (ou plus) points de l'espace écartés de plusieurs mètres devant l'auditeur pourraient-ils reproduire fidèlement des sons captés à l'origine en des points complètement différents de l'espace et mélangés entre eux on ne sait comment ?
Une fois qu'on s'est posé ces questions doit venir le temps de chercher des réponses. Et c'est là où la confrontation entre direct et reproduction intervient, car elle peut permettre de vérifier la fidélité de la reproduction au moyen de telle ou de telle méthode. Ce que j'ai enregistré avec telle méthode et que je reproduis se compare-t-il fidèlement ou non avec l'original ? Dans la réponse à cette question tient tout entière la haute fidélité.
Évidement, la prise de son et la géométrie de la reproduction de cette prise de son ne sont que les premiers stades de l’expérimentation. Pour que la reproduction soit fidèle, il faut encore que les matériels de la chaîne de captation et de reproduction, du microphone à l'enceinte, soient fidèles.
La comparaison direct/reproduction permet aussi de répondre à la question de la fidélité du matériel.
À ce stade, j'aimerais ajouter une chose.
Les phonogrammes qui sont produits par des moyens artificiels à la console (musique électronique, mixage à partir de prises solos en cabine et montage, application de bidouillages en tout genre : égalisation, réverbération artificielle, compression dynamique, et...), comme c'est le cas de la quasi-totalité des albums de musiques pops, sont vérifiés dans les cabines de mastering par des ingénieurs qui font face à deux enceintes qui sont traditionnellement largement écartées, comme le sont les enceintes d'une chaîne hifi chez un particulier.
Autrement dit, le son produit par tous ces albums est vérifié au moyen d'enceintes qui ont une disposition géométrique comparable à la disposition des enceintes pratiquée dans les expériences de comparaison direct/reproduction.
Par conséquent, il n'existe aucune incompatibilité, mais au contraire une compatibilité totale, pleine et entière entre une chaîne conçue pour reproduire avec fidélité de la musique vivante et une chaîne sur laquelle on écoute des albums produits selon des méthodes d'une toute autre nature, qui ne consistent pas à enregistrer fidèlement, mais qui s'apparentent plutôt à des techniques, ou un art,
de création du son.
Il est donc, par principe, tout à fait possible d'utiliser et de se faire plaisir avec une chaîne élaborée pour obtenir une haute fidélité en écoutant dessus des albums créés au moyen de techniques de production complètement artificielles.
Il n'y a aucune opposition irréconciliable entre les deux mondes*.
C'est simplement la vieille histoire de qui peut le plus peut le moins.
*Seulement, le cas échéant, des adaptions à envisager, comme une modification de la courbe de réponse, ce qui peut être obtenue très facilement et de manière réversible grâce à l'électronique.