» 07 Aoû 2018 9:38
Le streaming est à la création audio-visuelle, ce que le fast food est à la gastronomie, un modèle économique tourné uniquement vers le profit au détriment de la qualité.
Le streaming est éphémère. Il ne vit que parce qu’il produit toujours plus, toujours plus vite. Seul moyen de rendre captif ses abonnés. Le streaming qui revendique une liberté d’accès, créé une impatience et une incurie visuel tel le binge watching ou la compression dynamique pour favoriser la diffusion de ses programmes sur les nouveaux supports comme les smartphones.
Tout, partout, tout le temps, la vidéo jusqu’à l’overdose entretenue par des algorithmes de suggestion, eux-mêmes nourris par les statistiques de la consommation des programmes proposés. Il est bien question de consommation et non d’acte culturel. Les gérants des plateformes observent ce que leurs abonnés regardent, quand, comment, combien de fois, de quelle façon, le même œil au-dessus de chaque abonnement, le même suivi que celui conduit sur les déplacements des personnes dans les allées d’un supermarché. Les comportements et les choix sont ainsi influencés dans une illusion de liberté qui n’est que l’expression d’une consommation nomade multi-supports. Une ballade dans la cour d’une prison.
Les canaux de diffusion traditionnels jugés trop lents, trop contraignants, pour les générations X et Y, celles et ceux qui ne se parlent plus que par les réseaux sociaux, constituent des laboratoires de création. Ils créent de l’intérêt, de l’attente voire de l’impatience, conduise à faire des choix et donc à développer un sens critique. L’industrie du 7ème art et des séries n’a pas pour vocation à produire du contenu comme les plateformes de streaming. Toutefois, l’erreur des majors a été de vouloir trop standardiser les productions actuelles pour s’assurer un retour sur investissement le plus garanti, rapide et important possible. Le manque de créativité à coups de séquelles, de préquelles, de reboot, a perdu l’originalité qui marquait la différence avec la frénésie des plateformes, toujours en quête d’un nouveau contenu, qu’importe sa qualité. D’ailleurs, inversement, même des productions de qualité développées pour et par des plateformes peuvent avoir des espérances de vie raccourcies, sans logique autres que financières, c’est bien certes mais ça coute trop cher, ou encore victime d’une fluctuation parallèle défavorable du nombre d’abonnés.
Le consumérisme audiovisuel conduit le consommateur qui n’est plus acteur de ses choix, à croire plus pertinent un modèle sans support physique. Sans choix à faire devant le rayon, sur les affiches, il a pour ça ses réseaux sociaux, ou peut-être même une « appli » ou encore il laisse faire pour lui l’algorithme de suggestion. Il s’en fout, il n’a plus de supports à stocker, c’est moins cher, du moins en apparence. S’il a le bon abonnement, il peut regarder partout et tout le temps, même avec son regard vide et ses écouteurs dans les transports publics, isolé du reste du wagon tel un zombie, mais toujours concentré sur ce qu’il regarde ?
Vivement les musées en streaming via un casque de réalité virtuelle pour consommer de La Joconde à la demande ?!… S’approprier une œuvre ne signifie pas uniquement de laisser traîner ses yeux sur une image tout en surfant sur le net et en consultant ses followers.
Au final, les utilisateurs du streaming eux-mêmes se plaignent de la qualité de ce qu’ils consomment. Histoires déjà vues et revues, technique décevante, ils consomment une partie et laisse le reste comme ils abandonnent sur leur plateau de fast food cette part trop copieuse d’une nourriture sans saveur ni valeur chaque jour de nouveau consommée, convaincus qu’ils sont qu’il n’y a plus d’autre alternative, et puis même s’il en avait une, il faut vivre avec son temps et optimiser son sacro-saint pouvoir d’achat. C’est comme ça, on y peut rien… et bien si, on y peut toujours quelque chose tant qu’on n’abandonne pas son libre arbitre à d’autres qui choisissent pour vous.
Le streaming est le cancer financier du 7ème art qui se développe sur l’incapacité du premier à laisser la créativité s’exprimer au risque de ne pas engranger autant de bénéfices que souhaités. Avant l’émergence du streaming, on voyait des parutions en direct to video pour des films, parfois excellents, qui n’avaient pas trouvé de distributeurs. Parce que déjà, des choix de rentabilité dictaient les programmations des salles. Le streaming s’est lancé en se revendiquant d’être un refuge pour ses programmes et leurs auteurs. En les attirant ainsi dans les mailles de leurs filets, ils ont cherché et obtenu une crédibilité de façade, un peu comme les salades et les fruits frais dans les fast food, c’est bon pour la conscience mais personne n’en consomme.
Films, musiques et demain que laisserez-vous au choix d’une plateforme à votre place ? Quelle nouvelle liberté de choix abandonnerez-vous ? Quelle habitude de « consommation culturelle », ce concept navrant où la culture se résume à un acte de consommation, laisserez-vous disséquer par les think tanks des financiers pour qu’ils continuent de vous vendre des abonnements?