L'autre est une correction générale faite à distance par Jean-Luc Ohl d'après les mesures que je lui ait envoyées en suivant tout son protocole. Je l'applique en software uniquement, grâce au plugin de convolution de Foobar2000.
Mon système : moniteurs de proximité Neumann KH-120.
Distance d'écoute : 2 mètres.
Pièce de 3.5 x 6.5 mètres, plafond 2.5 mètres. Aucun traitement acoustique. Réverbération : 0.5 secondes au point d'écoute.
Le correcteur d'aigus des Neumann est placé sur -1. Il agit à partir de 5000 Hz. Les autres correcteurs sont à zéro.
Source : PC.
Avant correction
Ecoute sans correction : très beau médium. Mais le grave est insupportable à cause des résonances de la pièce.
Ohl m'a fourni tout un tas de mesures obtenues avec son protocole, qui inclut une mesure MMM entre autres. Voici les principales, avec les courbes de réponse avant correction :


De mon côté, avec REW, j'obtiens, avec les deux enceintes en même temps, les courbes suivantes, mesurées en plusieurs points dans un rayon de 30 cm autour du point d'écoute.

Une comparaison attentive montre que l'on obtient bien la même chose. Rien d'étonnant, c'est le même micro, placé au même endroit, qui a fait les deux jeux de mesures.
Ma correction REW
La première correction est celle que j'ai fait avec REW. Patiemment mise au point sur une durée de un an. Il s'agit d'un jeu de 16 filtres paramétriques et deux low-shelfs. Ils peuvent être appliqués par n'importe quel convolueur (Foobar, JRiver etc), et chargés dans un petit égaliseur numérique comme le MiniDSP, pour peu qu'il y ait 18 bandes disponibles.

Corriger les résonances dans le grave est simple.
Agir sur la bande 100 - 600 Hz est plus délicat, car les résonances dépendent du point d'écoute.
Choisir le niveau cible pour le grave est très difficile. J'ai opté après de très longues écoutes pour une pente un peu descendante. Un grave un peu en retrait, donc.
Comme je n'écoute pas à pleine puissance, j'ai mis un coup de boost de +6 dB à 35 hz pour étendre la réponse dans l'extrême grave.
Voici le résultat attendu :

La correction Ohl
Le principe de Ohl est radicalement différent. Après avoir pris en compte la taille de la pièce, sa réverbération, la distance d'écoute et le type d'enceinte, il définit une courbe cible. Cette courbe est différente de celles proposées par REW, mais ressemble à celles utilisées par d'autres professionnels. Choisir la bonne courbe en fonction du système est toute une alchimie, et c'est l'un des points centraux du travail de Ohl.
Il réalise aussi des courbes de réponse avec plusieurs fenêtrages, et tient compte de la courbe de réponse psychoacoustique.
Il utilise ensuite OpenDRC pour générer un fichier de convolution qui contient toutes les informations pour égaliser la réponse du système. Ce fichier peut être à phase minimale ou à phase linéaire, au choix. J'ai essayé les deux.
Il ne peut être appliqué que par un covolueur. Mon MiniDSP ne possède pas cette fonctionalité.


Voici le résultat attendu :

Ecoute comparative des deux corrections
L'équilibre tonal est immédiatement différent. En basculant de l'une à l'autre, le médium de ma correction (donc le médium naturel des Neumann) apparaît artificiellement coloré par des trous dans la courbe de réponse. Le trou original dans la réponse à 2 kHz est peut-être un des principaux responsables.
Avec la correction Ohl phase minimale, le médium n'a pas ce caractère. D'ailleurs, cela me rappelle un peu le son des moniteurs PSI audio que j'étais allé écouter en démo à Lyon. Je m'étais dit qu'elles avaient une sorte de bosse à 2 kHz... en réalité, c'est moi qui m'étais habitué à mon trou à cette fréquence.
L'aigu est très présent avec la correction Ohl. Cela fait ressortir les défauts des enregistrements, qui sont masqués avec ma correction. Dans l'ensemble, sur la pop, je trouve les sifflantes un peu trop présentes. Mais il faudrait écouter plus longtemps pour conclure, et avec du classique aussi.
Mais je note que la courbe cible de Ohl est très plate. Sur AudioScienceReview, par exemple, je vois que les intervenants semblent préférer des courbes cibles très descendantes, de l'ordre de -6 dB entre 100 et 20 kHz.
Une chose tout-à-fait remarquable est que la coloration que je trouve à ma correction par rapport à celle de Ohl est exactement celle qui a été enregistrée par SonicSense sur cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=sZn9alsmSNE
Ils ont enregistré en champ proche des Neumann KH-120, des genelec M030 et des Adam A7X avec un micro de mesure, et comparé le résultat avec l'audio original. Les Genelec et les Adam sont très proches de l'original, alors que les Neumann ont une coloration. C'est cette même coloration que la correction Ohl élimine. Elle corrige donc très efficacement les enceintes.
Côté basses fréquences, par contre, la correction Ohl reste nettement inférieure à une correction par filtres paramétriques individuels. D'une part dans les lignes de basse mélodiques, qui sont de niveau variable avec la correction Ohl, mais constant avec la mienne, et également sur le timbre des percussions. Avec la correction Ohl, le grave semble parfois détaché du reste et sans timbre. Signe qu'il y a un trou quelque part entre 50 et 150 Hz. Ma correction donne une meilleure matière et un meilleur impact au grave.
A l'inverse, dans le bas-médium, à 200 et 300 Hz, la correction Ohl est meilleure que la mienne. Il y a une résonance que je n'ai pas réussi à éliminer et que Ohl traite bien. C'est flagrant sur Nightwish - Stargazers. La première note est trop forte avec ma correction, alors que toutes les notes sont égales avec la correction Ohl. Je pense que c'est dû en partie au fait que je corrige à l'identique à gauche et à droite. J'ai l'impression que la résonance est à droite. Et aussi, cette résonance dépend beaucoup de l'emplacement du micro. La mesure MMM a dû la cibler efficacement.
Enfin, j'ai essayé la version à phase linéaire. C'est amusant parce que la veille, je m'étais inscrit sur le forum AudioScienceReview, et j'y ai reporté mes expériences sur le group delay. Et je me suis aperçu que je n'avais pas encore fait d'ABX directement entre un fichier corrigé à phase minimale et un fichier corrigé à phase linéaire. Ce que j'ai donc fait (résultat 16/16).
Et, coïncidence, le lendemain, Ohl m'envoie sans prévenir deux corrections, une à phase linéaire et une à phase minimale !
Quand j'ai basculé sur la correction à phase linéaire, le time smearing dans les basses fréquences, que j'avais donc attentivement ABXé la veille sur une toute autre correction, m'a sauté aux oreilles ! Il est relativement petit, mais audible (je n'ai pas essayé de l'ABXer).
La correction à phase minimale est meilleure. Le grave est plus propre.
Conclusion
La correction Ohl apporte plus de neutralité. En contrepartie, l'écoute est plus fatigante, car la coloration de base des Neumann flatte l'oreille et adoucit le son (voir la vidéo Youtube de SonicSense).
Elle est très précise et efficace vers 200 - 300 Hz. Mais manque de précision sous 100 Hz, par rapport à ma correction paramétrique.
Si je pouvais associer une correction précise dans le grave à la correction Ohl dans le médium-aigu, je me demande si je préférerais cela à ma correction actuelle ou pas. La mienne fatigue un peu dans le bas médium, vers 500 Hz. Celle de Ohl fatigurerait plutôt vers 2000 Hz, je pense... à moins que je finisse par m'habituer.
L'impression de distance n'est pas la même : avec ma correction, on a au bout d'un moment l'impression générale que le son vient de loin derrière les enceintes. Cela donne une grande profondeur à la scène sonore. La correction de Ohl donne l'impression que les interprètes sont plus proches. A peu près à la distance des enceintes.
Mon premier réflexe serait donc d'essayer la correction Ohl, mais avec une courbe cible plus pentue. Ohl va regarder cela : ce sera la prochaine étape.