à la demande générale d'Agno, un petit CR
Un casque venu d’ailleurs: l’AgnoQuest
Agno m’avait bien prévenu, ça n’est plus du tout un AudioQuest, vu qu’il a été démonté, remonté, modifié, remodifié, démoulitificatisé, ratamotafilé, décatadystopitisé, etc. un nombre de fois tellement élevé que personne n’a pensé à les compter. Bref, un casque qui vient d’ailleurs. En plus, je reconnais que j’étais un peu passé à côté de ce casque. Non pas que je ne l’avais pas du tout essayé, seulement un peu en passant comme ça, et le peu que j’en avais entendu (dans de mauvaises conditions) ne m’avait pas plus interpellé que ça: pas mauvais, disons, mais pas de quoi se relever la nuit non plus… Et puis, un petit essai chez Agno, puis un autre lors de l’AG de HCFR à Mulhouse aidant, j’ai entendu quelque chose d’excellent: d’où ce prêt de l’AgnoQuest et ce petit CR.
D’abord longuement essayé avec mon petit DAP, histoire de pallier le démontage de mon système (de temps en temps, ça fait pas de mal de tout nettoyer, mais c’est pas une raison pour ne plus écouter de musique). Un petit Atom Heart Mother suivi d’un bon vieux Dire Straits des familles (le premier, avec Sultans Of Swing au début de la face B) – l’oiseau de nuit étant un casque à faible impédance (25 O.) et forte sensibilité (il annonce 99db par mW injecté), ça ne pose aucun problème. Même mon téléphone qobuziformé lui permet de chanter.
Et belle surprise. Beaucoup d’ampleur dans le grave, mais sans que ça ronfle de manière trouble. Un grave bien dégraissé, très net et, si je ne me trompe pas, sans effet de masque ni de gène. Et surtout une très belle aération et beaucoup de “fluidité”. Tu vas me dire que, et d’une, ça veut rien dire “fluidité”, et que, de deux, avec un téléphone… Mais pour moi, c’est quelque chose qui tient (probablement) au taux de distorsion. En tout cas pour ce que j’en sais. Quand celui-ci vient interférer, j’entends un son un peu dur, un peu mécanique et un peu stressant (ou beaucoup, ça dépend), et sinon, le casque donne une impression de naturel et d’évidence. Comme je n’y connais rien et que les considérations techniques ne sont pas mon point fort, je laisserai les spécialistes s’exprimer sur ce point. Mais disons que, quand j’entends ce type de rendu, qui n’est pas si fréquent qu’on pourrait croire, je ne suis jamais surpris après coup, quand je découvre une analyse technique qui souligne ce point. Ici, je trouve sur ce point-là, le même niveau de qualité qu’avec mon HD600 – alors que les deux casques sont vraiment très différents, le Senn restant, en particulier, un peu “timide” dans le grave, mais nettement plus présent dans le haut médium.
Et donc? Et donc, j’ai fini de démonter et de nettoyer tous mes petits joujoux, avec en écoute les albums Heaven and Earth et Live à Varsovie de King Crimson (sortis en 2000)… Faut bien que ça se fasse!
Cette écoute ménagère faite, j’avoue n’avoir pas pu ensuite écouter quoi que ce soit pendant plusieurs jours – il y a des circonstances, comme ça, dans lesquelles la réalité refuse d’obéir (la garce!). Ou comme disait le slogan d’une de mes maisons de disque préférées de jadis, il y a des années où on a envie de ne rien faire – et de rester couché!
Mais, casse l’âne Étienne, ça n’était que partie remise. Deuxième rafale d’écoutes, sur un tout autre système, avec mon petit ordinateur en source (player Audirvana), branché sur mon DAC2 Wyred4Sound et un préampli/ampli casque Audio-GD Phœnix. Ce dernier continue à me convenir autant que lorsque je l’avais acheté (d’occasion), en me disant que je pourrais toujours le revendre, et ce, malgré sa connectique un peu limitée pour moi (pas de sortie tape out) et son poids et son encombrement (2 boîtiers et plus de 15Kg), mais qui marche très bien, tant en préampli qu’en ampli casque. Tout au plus, je continue à entendre une petite impression d’aigu un peu plus “feutré” (pas voilé, mais plus doux) avec les casques que j’y branche, par rapport à mes autres possibilités d’amplification… Possible que ça soit “dans ma tête” (au même endroit où je range les sons que j’écoute, comme par hasard), mais n’empêche (à la ligne: )
Premier album, le Live à Pompeii de David Gilmour (que j’ai acheté dans toutes les versions disponibles, mais là, c’est la version en fichiers 16/44,1 qui a défilé). Superbe écoute, sur laquelle j’ai un peu zappé (en direct live depuis nos studios) entre l’AgnoQuest et mon HD800. Ce dernier présent me semble-t-il, un peu plus d’ampleur dans le grave. Je ne suis pas sûr qu’il “descende plus bas”, mais il ajoute une dimension supplémentaire, et surtout l’équilibre général est différent, avec une image plus large et un registre médium et aigu beaucoup plus présent que sur l’AgnoQuest (même tweaké “à la Agno” – encore lui! – “plus Sorrodje”, un HD800 ne perd pas sa typicité, et c’est heureux). Mais j’utilise le HD800, qui reste l’un de mes casques préférés pour ça, pour des écoutes de type “live”, ou pour visionner des films qui, comme on devrait dire, bombardent le quartier, du genre Die Hard, Star Wars et autres Fast and Furious (c’est pas du Proust, je le concède, mais bon). Le plus dur, d’habitude, dans une comparaison, c’est pas comme au vélo: c’est pas la montée, c’est la descente, je veux dire de revenir du mieux vers le moins. N’empêche que ce casque “tient” bien le pari. Petite réduction de format, qui donne envie de monter le volume, d’autant qu’il encaisse bien, car la voix de Gilmour et sa guitare me donnent parfois l’impression d’être plus lointaines, même s’il n’y a pas de quoi fouetter un chat (ou un chien ou n’importe quelle pauvre bête innocente).
Histoire d’écouter un peu d’acoustique pas trop triturée, je me passe le concert Unplugged de Larry Carlton et Robben Ford, sorti en CD en 2012, je crois, qui est aussi disponible en DVD, et qui offre un concert de 2006 au New Morning de Paris, très bon disque dans ce genre et qu’on peut acquérir d’occasion pour quelques sous. Comme je trouve que le rendu est un peu “terne”, manque un peu de présence dans le haut médium ou l’aigu, sans parvenir à bien cerner exactement où ça se passe, je me décide à zapper un peu avec mon Odin, lequel a, comme on sait, un peu tendance à matifier le haut médium: à la comparaison directe, c’est un peu ça, et même je pense que l’AgnoQuest tasse le message plus que l’Odin… Mais je continue à me demander si ce qui est en cause est l’ampli ou le casque (sait-on jamais)… Donc… je laisse reposer tout ça avant d’y revenir.
Changement de système, pour creuser un peu plus les précédentes impressions. Toujours le même système ordinateur/DAC2, mais relié, cette fois à mon système dédié pour casque, dont l’ampli principal est un AudioValve RKV3 (pour les curieux: j’y ai implanté des PCL805 Siemens, que j’alterne avec un autre set de Telefunken). Sur ce système, j’ai toujours un résultat plus vif et plus incisif que sur le précédent (coloré? oui… sans doute: différemment). Et pour dire de changer nettement d’ambiance, je me passe deux fois de suite, une fois en fichiers, une fois en SACD (lecteur Yamaha CD-S2000) le dernier album de Jordi Savall (sorti au printemps passé), Musica Nova, que je trouve excellent (mais je suis évidemment de parti pris, car je trouve les albums de Savall exceptionnels deux fois sur trois au moins). Sur ce type de musique baroque, force est de reconnaître qu’il y a un manque dans le haut médium. Une petite comparaison avec l’AMT, lequel a beau être un (gros) poil léger dans le grave (mais bon, Savall, c’est pas Johnny à Bercy), présente malgré tout énormément de qualités que je continue à trouver exceptionnelles du bas médium à l’aigu, ne tourne pas à l’avantage de l’AgnoQuest: comme on dit, il “en manque”, à la louche d’après mes notes, autour de 1500/2500Hz. Un peu comme l’Odin, donc – mais pas comme l’Odin, car si j’enclenche l’équalisation que j’utilise avec ce dernier, ça ne compense pas (normal, il n’y a pas de raison que les chaussettes de l’un puissent servir de moufles à l’autre).
Histoire de cerner un peu plus le creux, j’ai utilisé quelques enregistrements artisanaux (d’un ami flûtiste, d’un autre pianiste, et de ma propre guitare) – plus des fréquences de référence (pas agréable, mais difficile de faire autrement). Les timbres ne me paraissaient pas “justes”, mais je n’arrivais pas, faute de taper assez “large” et assez “fort” à rectifier l’ensemble. Disons que le meilleur compromis que j’ai pu trouver a été d’ajouter +3db autour de 1500Hz et +4db autour de 2500Hz (j’avais d’abord essayé +2 de 1200Hz à 2800Hz, plus +3 à 2Khz sans que ça fonctionne) – en baissant le général de 4db évidemment. Il faudrait peut-être même ajouter plus, mais je ne suis pas certain que ça ne fasse pas trop (sur le plan de ce que des drivers peuvent supporter: et comme ça n’est pas mon casque). Petite précision, car je passe sur les détails: j’ai quand même mis deux fois 4 plombes, une après-midi et une matinée à tâtonner à la recherche de ce compromis (le temps de chercher, de me tromper, d’effacer le fichier par erreur, de recommencer, etc.), mais on doit pouvoir faire mieux. Reste que, cela étant fait, ça change à nouveau la donne.
J’ai bien entendu le résultat en écoutant l’album Henricus Isaac (du même Savall, que j’ai acheté en même temps que le précédent il y a peu), ainsi que, dans un tout autre genre, le disque de Stochelo Rosenberg et Romane, Gypsy Guitar Masters (un album qui comprend un CD et un DVD), sorti en 2006. Dans le premier cas, on récupère beaucoup de présence et une aération nécessaire dans le haut médium, et dans le second, le piquant cristallin de deux guitares manouches à la fois très incisives et pas acides pour un sou. Agno dirait sans doute que l’ajout d’une équalisation, c’est “de la triche”. À quoi je répondrai que oui, mais que “tous les coups sont permis”! En tout cas, ce petit exercice me démontre que d’une part la modification d’un casque peut réellement changer la donne: un casque, ça n’est pas des drivers, c’est un équilibre dans lequel interviennent des drivers, des coussinets et des oreillettes, et c’est sur ces deux derniers paramètres que l’on peut énormément changer la donne “initiale” (qui n’est en fait que le compromis proposé par le fabriquant: rien de moins, mais rien de plus). Ajoutons-y un petit trucage logiciel, à la fois facile à implanter quand on utilise la dématérialisation et pas très cher (75€ de logiciel, ça n’est pas une somme si élevée), et on grimpe encore dans l’échelle de l’écoute de qualité. Tu me diras qu’il faut la patience d’Agno pour diyer un casque à ce point. Certes. Et je me demande ce qu’il attend pour ouvrir une échoppe!
Cdlt