Ygg a écrit:simple question concernant le coefficient en abscisse sur le graph, il ne devrait pas être entre 0 et 1 ?
par exemple moi naïvement j'aurais pensé 0 = il n'absorbe rien et 1 il absorbe tout.
du coup comment interpréter la partie supérieure à 1, le rideau ne peut pas émettre plus de son qu'il reçoit ..
en fait même le reste du graph est bizarre non ? à partir de 250hz un simple rideau absorberait entre 80 et 90% du son reçu .. ?
si quelqu'un a 2 minutes pour expliquer ce point, merci d'avance
Question légitime et récurrente à laquelle j'ai déjà répondu. Je peux résumer mais ça prend quand même plus de 2 minutes.
Le dépassement du coefficient 1 vient du mode de mesure mais il correspond aussi à une réalité.
Configuration:
Les échantillons sont mesurés dans une chambre réverbérante (norme ISO 354 en europe et ASTM C423 aux US) pour que le son attque l'échantillon sous tous les angles d'incidence. La réverbération naturelle dans cette pièce de 200m3 minimum est de l'ordre de 8 à 12 secondes dans le grave et 2 à 3 secondes dans l'aigu, l'absorption venant essentiellement de l'air.
Pour chaque tiers d'octave, on mesure d'abord la réverbération de la pièce vide à une température et hygrométrie donnée et on en déduit l'absorption. On introduit l'échantillon (normalement 9 à 12m²) de matériau déjà stocké depuis plusieurs jours à la même température et humidité, on mesure à nouveau et on déduit l'absorption par le calcul. La mesure est répétée des dizaines de fois avec la source à différents endroits et des micros sur perche rotative à trajectoire oscillante. Enfin, on calcule la moyenne des résultats obtenus.
Phénomènes secondaires:
Il faut savoir qu'à la limite entre une surface absorbante et une surface réverbérante, il y a une rupture d'impédance qui produit un une dispersion et une élévation de l'absorption. Cette élévation présente sur le périmètre de l'échantillon, n'est pas directement prise en compte par la formule de Sabine, si bien qu'on peut trouver des coefficients supérieurs à 1.
Si par exemple, l'échantillon mesure 3x4m la limite de rupture (son périmètre) fait 12 mètres. Si on le morcèle en damier avec des carrés de 1m, la ligne de rupture devient 31 mètres et le coefficient d'absorption va augmenter énormément.
Bien que cette absorption corresponde à une réalité
dans les conditions environnementales décrites, on corrige cette anomalie en exprimant le coefficient d'absorption par sa surface équivalente. Le coefficient alpha devient l'aire d'absorption équivalente A exprimée en m².
Un coeff alpha de 1,5 signifie que 1m² de matériau mesuré dans les conditions décrites par le PV de mesure possède une absorption équivalente à 1,5m² de fenêtre ouverte.
A contrario, on peut aussi mesurer le coefficient d'absorption avec un tube à impédance ou tube de Kundt (norme ISO 10534-2 ou ASTM E1050). C'est un tube avec un HP à une extrémité, un bouchon réfléchissant à l'autre et un micro mobile ou plusieurs micros à l'intérieur. On mesure l'amplitude des résonances à l'intérieur du tube puis on remplace le bouchon par un échantillon de matériau à mesurer et on recommence. Les ondes guidées par le tube sont unidirectionnelles, elle attaquent l'échantillon sous un angle d'incidence nul et l'effet de bord n'existe plus. Le coefficient ne peut plus dépasser 1. On dit: "mesure sous incidence normale".
Sous incidence normale, l'épaisseur de matériau "vue par l'onde" est l'épaisseur vraie. Dans une chambre réverbérante la moyenne des angles d'incidence est 60 degrés. Sous cet angle l'onde voit une épaisseur double (1/cosinus angle), ce qui améliore grandement les performances, surtout aux fréquences basses.
Les fabricants de matériaux utilisent tous la méthode de la chambre pour deux raisons majeures:
1- Ils ne peuvent pas connaître l'angle d'incidence des ondes chez le consommateur.
2- La méthode gonfle les chiffres et c'est bon pour le marketing. Ainsi, un matériau dont le coeff dépasserait 1 alphaSabine s'il était excellent n'aura pas trop mauvaise figure en affichant 0,8 alors que son coefficient sous incidence normale n'est que 0,6. Il en va de l'absorption affichée des matériaux comme les watts pour les enceintes.
La mesure en chambre réverbérante a des effets pervers.
- Elle est basée sur la formule de Sabine qui n'est valable qu'en présence de surfaces isotropes, dans un champ diffus (source omnidirectionnelle), dans un espace réverbérant. Dans un environnement mat, elle devient fausse.
Exemple: Dans une pièce de 6x4x2,m (surface 96m², volume 60m3) dont toutes les surfaces auraient un coeff alpha =1 on trouve quand même un RT de 0,1 seconde, ce qui est normalement impossible.
Dans un environnement mat, il vaut mieux employer la formule de Eyring. Mais là, les coefficients supérieurs à 1 ne marchent pas car le logarithme naturel d'un nombre négatif (1-alphasabine) est impossible.
L'utilisateur est trompé de multiples manières.
1- Il ne tient pas compte de l'imprécision de la mesure. Un même échantillon de matériau, mesuré dans les mêmes conditions dans 10 labos certifiés peut afficher des écarts de 40%.
2- Il ne connait pas toujours le montage de l'échantillon lors de la mesure ni la méthode employée.
3- Il ne tient pas compte de la longueur de la ligne de rupture du matériau chez lui en regard de celle présente dans la chambre réverbérante.
4- Il ne tient pas compte de la directivité de la source, ni de l'angle d'incidence.
5- Il ne tient pas compte de l'environnement mat ou réverbérant
6- Il confond le coefficient alpha et l'aire d'absorption équivalente. Il peut utiliser un coeff de 0,8 avec la formule de Eyring et commettre une erreur importante.
C'est pourquoi je me méfie des coefficients annoncés par les fabricants, même si les normes sont parfaitement respectées car les conditions de mesure ne correspondent jamais à la configuration de l'utilisateur.
Perso, n'ayant pas accès à une chambre réverbérante (bien que j'en ai conçu et construit pour des labos dont l'armée), j'utilise un tube. Je vérifie (au moins par comparaison) avec une mesure au tube quand la taille de l'échantillon le permet et je tiens compte des angles d'incidence.
Dans un HC, un traitement identique n'aura pas le même effet sur le mur du fond et sur les murs latéraux ou le plafond à cause de l'angle et de la directivité de la source. De même, un matériau n'aura pas le même comportement dans une pièce à vivre et dans une pièce d'écoute.
Pour plus de précisions, je recommande la lecture de la norme ISO 354 et du livre "The Sabines at Riverbank" page 78 et 79.