» 13 Déc 2017 11:57
Les couleurs et les contrastes dans les films sont devenus aussi artificiels que sur les photographies. Que ce soit via Lightroom pour la photo ou le HDR10 en vidéo, nos yeux ont été éduqués pour admirer ce qui n’existe pas. Une sorte de recherche de sublimation du rendu, sensé gommer les imperfections d’un réel qui ne provoquerait plus l’émotion et la surprise.
Des artifices visuels et sonores avec l’HDR et l’Atmos, avant tout au service du taux de renouvellement des équipements. Malheureusement, ces procédés techniques dictent désormais un formatage des films qui conduit à un appauvrissement du niveau artistique des œuvres au profit de la rentabilité des éditions vidéo.
Il faut désormais sacrément s’écarter des sentiers commerciaux pour retrouver une âme cinéphile qui ne soit pas phagocytée par le plan marketing d’un studio, pour les futurs éditions 4K, HDR10, Dolby Atmos. Je ne pense pas que 99 Homes, Suburra, ou encore Les soldats du feu, édité pour ce dernier en simple DVD, qui sont tous les trois des productions entre 2015 et 2017, cadrent avec les désormais malheureuses exigences des home-cinéphiles ou les arguments commerciaux des marketeux de l’électronique. Pourtant, chacun dans leur style, ce sont trois excellents films. Tant sur le plan artistique que technique.
Par contre, ils n’offrent pas les bénéfices cachés de la 4K pour les distributeurs. A savoir qu’un film en 4K bardé des gadgets audio/video dépasse les 50 Go et de ce fait devient moins facilement piratable. L’avènement de la 4K est un cheval de Troie pour le déploiement de la VOD et de la SVOD qui elles-mêmes contribuent à révéler les goûts et les habitudes de consommation. Sur la base de ces informations collectées, les productions à venir sont formatées pour optimiser les gains mais comme chaque forme de « monoculture », il y a un appauvrissement de la qualité de la production. Ainsi voit-on s’empiler d’innombrables suites, remake, spin-off, préquelles de nombreux piliers du 7ème art.
A tel point que la créativité de ces dix dernières années et surtout la liberté de l’exprimer s’étaient déplacées vers l’univers des séries TV, pourtant sans HDR10 ou Dolby Atmos... D’abord méprisé par l’univers du cinéma, c’est devenu le refuge des acteurs et des réalisateurs lassés des dictats marketings. Mais là aussi, le développement de l’internet a permis aux majors de reprendre la main sur le secteur. Désormais, combien de séries n’ont pas de fin ou sont supprimées sans préavis, combien sont accessibles uniquement par un abonnement à une plateforme, mais dans ce domaine là aussi, peut être que le consommateur compulsif de séries à la chaîne sur son smartphone préfère-t-il qu’elles soient 4K HDR10 et Atmos pour être consommées?!
Le développement du DVD avait redonné un souffle au cinéma, qui avait trouvé une extension profitable dans le home cinéma, mais les abus de l’axe consumériste des technologies audio/visuels de ce concept sont en train de renfermer les productions dans un carcan de parc d’attraction. La forme plutôt que le fond et non la forme au service du fond alors qu’il faudrait surtout et avant tout le fond plutôt que la forme !
Le fossé s’est diablement creusé entre cinéphiles et home-cinéphiles, les premiers ont abandonné à leur sort d’early adopters permanents les seconds et le modèle économique du home cinéma s’est effondré. Fermeture de magasins, de titres de presse, baisse continue des ventes de matériels et de disques, que l’empilement successif de nouveaux formats n’arrive pas à endiguer malgré des enceintes au plafond, des algorithmes qui rendent les couleurs plus belles que belles pour faire un clin d’œil au sketch de Coluche sur la magie des lessives….
Cinéphile depuis toujours et home cinéphile depuis plus de vingt ans, je me rappelle le plaisir de découvrir HEAT ou le 5ème élément sur une TV SONY 16/9 de 70 cm à la fin des années 90. Ou encore le bonheur d’échanger avec un vendeur cinéphile de la FNAC qui me faisait découvrir des œuvres. Maintenant, il y a des forums et des réseaux sociaux où les gens se disputent en essayant d’imposer leur point de vue.
Pour moi, inutile de continuer à suivre cette frénésie consumériste qui cautionne la forme au détriment du fond. Il y a de nombreuses électroniques pérennes qui existaient avant l’arrivée de ces artifices qui peuvent aujourd’hui, demain et pour longtemps encore vous apporter le plaisir de regarder un film à la maison dans de bonnes conditions. Un film, vous savez, c’est comme un livre, pour ceux qui en utilisent encore, il y a une histoire, le style d’un écrivain comme le talent d’un acteur et après c’est votre esprit qui fait le reste du voyage et votre esprit, lui, il est mille fois plus performant que ces gadgets audio/visuels pour vous aider à vous immerger dans l’œuvre sans rien vous coûter.