Ben dis donc ça déchaine pas les foules...
C'est dire si le match est joué !
En fait on est typiquement dans la situation où c'est le marketing qui dicte le goût de ce qui doit être.
Ca montre surtout que les gens consomment sans savoir ce qu'ils consomment. Au final les early adopters disent c'est mieux que le BRD (ou l'étalonnage ciné). Personnellement, je dirais surtout que c'est différent ... Pour le "mieux", le débat est complexe... C'est comme en audio, on est très vite dans le subjectif à tous les étages ...
Etalonner un film du point de vu de sa colorimétrie et de sa courbe de tonalité est un métier. L'étalonnage est fait par une personne qui a une connaissance à la fois très pointue et très "intime" de la notion de colorimétrie et de l'équilibre tonal (courbe des gris). C'est aussi une personne qui a énormément d'agilité dans le maniement des couleurs pour corriger une image, lui donner une dominante, accentuer ou pas certains détails en jouant avec la densité des ombres et des lumières et des textures. L'étalonneur choisi aussi le rendu final des couleurs qui peuvent être plus ou moins désaturées, pop, vintage, etc. afin de donner une patine à l'image (celle que souhaite le réal). C'est un travail énorme, qui est décidé puis validé scène par scène, exactement comme qd on développe un fichier RAW en photo. Sauf que là on développe toutes les séquences vidéos qui ont été montées par le réal et le monteur. Ca fait des centaines de plan à développer. Un par un. Bien évidemment les outils software d'étalonnage sont bourrés d'aide pour faciliter ce travail et avoir un workflow efficace.
Si vous ne l'avez jamais fait, je ne peux que vous conseiller de jouer avec Lightroom (ou n'importe quel développeur raw) pour comprendre ce qu'il y a derrière tout cela. Vous pouvez aussi regarder des tutos sur youtube. Vous découvrirez un univers que vous ne soupçonnez pas. C'est le minimum pour comprendre les enjeux du développement numérique et du HDR.
Lors du shooting ciné, la dynamique de la lumière est contrôlée de manière à ce que le capteur puisse la capturer entièrement. Ce travail sur la lumière est absolument énorme. Là aussi c'est un métier (celui du dir. de la photo qui sait par exemple exactement combien de kWatts il doit balancer pour donner l'illusion que le soleil éclaire un appartement ...). En écrivant "l'illusion" j'ai prononcé un mot essentiel. Au ciné, on ne cherche pas le réel (le soleil est bien trop puissant !), on recherche juste l'illusion qui fonctionne.
La dynamique actuelle (nombre de stop) des capteurs des caméra pro et l'encodage de cette dynamique (via des courbes en S particulières) est telle que toute la dyn. utile est capturée. L'étalonneur doit ensuite la compresser pour la faire "tenir" dans la norme de la projection cinéma pour que au final, le spectateur y croit. Forcément, la dynamique du projo, son CR natif (2000:1 au ciné) et son gamma sont des paramètres importants pour l'équilibrage de la scène et notamment son contraste. Ne pas tenir compte de cela, c'est modifier le rendu de l'image telle qu'il a été pensée au départ. A titre d'exemple, je vois souvent des personnes qui s'enflamment devant la "beauté" du rendu complètement sur-contrasté qu'on obtient lorsqu'on diffuse un BRD sur un projo avec un fort contraste natif ou en utilisant des toiles "magiques". ces personnes là veulent des noirs profonds et des images hyper contrastées. Ils oublient que ce faisant, le projo modifie toute la courbe de tonalité de l'image et que le rendu n'est pas ce qui était prévu à la base par les professionnels qui ont pensé ce rendu. Le biais se fait aussi bien sur le contraste, que sur la perception de la colo, notamment des saturations. Le risque, c'est un manque de naturel dans l'image avec un effet whaou qui n'a rien à faire là (si on recherche la reproduction à l'identique qui est le postulat de base de mon intervention).
Alors, dans un tel contexte est-ce que le HDR est synonyme de progrès futur ds l'industrie du cinéma ?
Oui bien sûr le HDR à la mode ciné (on gagne un 1 diaph) fournit un headroom qui va être intéressant dans certaines situations complexes. Gagner un stop est par ailleurs largement suffisant lorsqu'on est sur une grande base. Mais sa maitrise va prendre un peu de temps car le but du HDR au ciné n'est pas de rechercher l'effet whaou mais juste de rendre l'illusion plus crédible ou plus efficace. Donc le workflow HDR devra être maitrisé en terme d'effet sur l'image. Lorsqu'on augmente la luminance d'une couleur, l'œil ressent une perte de saturation qu'il faut impérativement compenser. C'est qqchose dont en tient compte par exemple qd on développe des fichiers RAW en photo ou lorsqu'on joue avec photoshop. C'est pour cela qu'il faut avoir des gamuts un peu plus élargis en HDR. Maintenant le DCI-P3 reste largement suffisant à 100 nits.
En attendant, la plupart des BRD HDR ne sont que des boosts de la courbe de tonalité SDR (+ des corrections de saturation) via un algo qui bosse tout seul avec un contrôle humain par derrière. Sauf cas exceptionnel (The revenant par exemple), le "mieux" est donc définit par un algo et une personne qui n'a rien à voir avec le réal, le dir. de la photo et l'étalonneur qui ont créé le film. Et c'est fait via une chaine qui est loin d'être maitrisée et normalisée car nos projos n'ont pas le même pic de blanc que les moniteurs utilisés pour créer cette version HDR ... Donc oui, c'est différent. Mieux, je ne sais pas. On pourra dire que c'est mieux à coup sûr le jour où les étalonneurs ciné créeront systématiquement de vrais étalonnages HDR et qu'on les retrouvera sur nos galettes.