» 06 Juin 2014 15:58
L'origine de l'idée n'est finalement que secondaire. OK, c'est Bass qui y a pensé le premier, Hitchcock était réticent, mais ça n'est pas non plus Bass qui a convaincu Hitchcock de tourner ça en lui braquant un flingue sur la tempe ou en appelant le patron du studio.
Lis la bio de Steve Jobs. Jobs trouvait presque systématiquement que les idées qu'on lui soumettait étaient de la m... Il répétait ça quinze fois, vingt fois lors des réunions en petit comité.
Deux jours ou trois mois plus tard, il rappelait le mec qu'il avait humilié, parce que finalement, l'idée avait du potentiel, et que, d'un certain point de vue... Quitte peut-être à s'en attribuer le mérite ensuite.
Jobs n'a pratiquement rien créé de ses mains, mais il était capable de reconnaître, parfois avec recul, la valeur d'une idée, et de la pousser à fond ensuite jusqu'à ce qu'elle aboutisse à un résultat probant. Et, ça, c'est une compétence cruciale pour le travail en équipe. Si des gens comme Wozniack, Jef Raskin et quelques autres sont restés dans l'ombre, et que Jobs est mondialement célèbre, ça n'est pas parce que Jobs ne faisait que piquer des idées aux autres, c'est qu'il se concentrait sur les meilleures idées et qu'il en faisait un produit viable. Wozniak est certainement un type charmant, mais qui n'a conçu qu'une télécommande universelle depuis les années 80. Jobs a lancé le Macintosh, NeXT, l'iMac, l'iPod, l'iPhone et l'iPad (en plus de mettre Pixar en orbite) avec à chaque fois des collaborateurs différents. Les types travaillent parfois maintenant pour d'autres boîtes, parfois de gros concurrents comme Google mais ils n'ont rien conçu de comparable en terme d'impact.
Hitchcock, ça n'est pas une figure que des critiques qui n'auraient pas ta lucidité encensent comme un dieu. C'est un metteur en scène de talent, qui savait tourner tout un film avec ses idées (cf. La Mort aux trousses, qui est un condensé de toutes ses habitudes), mais qui pouvait aussi repérer (même à contrecœur) que l'idée d'un autre était bonne, la conserver, mais de ne pas s'encombrer de trop de mauvaises.
La scène du karting dans Shining, elle énervait Kubrick parce qu'il y avait un gros écart dans le niveau du son entre le moment où le gamin roulait sur la moquette et celui où il roulait sur un plancher dur. L'ingé son s'arrachait les cheveux, et à un moment un électricien ou un autre technicien, qui était simplement sur le plateau mais qui n'était pas spécialement compétent là-dessus, a balancé qu'après tout, ça faisait un effet intéressant d'avoir ce contraste. Kubrick a réfléchi, et puis...
Et grosso modo, c'est ce qui arrive de toute façon entre tout metteur en scène et tout acteur. Le perfectionnisme de De Niro sur le tournage d'Il était une fois en Amérique était d'une nature très différente de celui de Sergio Leone. De Niro rendait Leone cinglé, il se lamentait d'avoir fait la bêtise de choisir ce type qui était en train de saloper son projet de 15 ans... et puis on se retrouve au final avec un des meilleurs Leone et avec une des meilleures interprétations de De Niro.