Il ne va être facile d’écrire un compte rendu de cette rencontre. Pourquoi ? Me diriez-vous.
Et bien l’Abyss s’attaque frontalement au sommet de la chaine alimentaire casqueuse et tout particulièrement au tout puissant SR009, machine de guerre électrostatique de la mythique marque Stax et l’on ne s’attaque pas impunément au roi de la montagne sans risquer de perdre sa chemise. L’on peut d’ailleurs se demander si Joe Skubinski n’aurait pas mieux fait de sortir un casque à 1000 $ performant, je pense qu’il aurait eu beaucoup moins d’ennuis.
Joe Skubinski a fondé JPS Labs en 1990, à l’époque il s’occupait énormément de câblage de micro ou recâblage d’amplis, d’enceintes etc.… Joe Skubinski à travailler dans les années 80 pour Bower & Wilkins. Les premières idées de conception d’un casque débutent fin 2008. Après de très nombreux modèles, le premier prototype est présenté au grand public lors du Can Jam 2012, le plus grand salon du monde dédié aux casques organisé par le site Head-Fi.
Les premières réactions sont fortement contrastées mais le casque ne laisse pas indifférent, « un fort potentiel « diront la plupart des gens. Hélas, la Hi-Fi dispose de vastes cimetières où de nombreux projets prometteurs ne sont finalement restés que de « fort potentiel ». Malgré les commentaires mitigés sur ce nouveau venu, l’idée un peu folle de vouloir réaliser le meilleur casque possible m’a séduit, probablement parce que j’aime les défis, surtout les défis impossibles et monter l’Everest sans oxygène quand on n’est pas un alpiniste chevronné c’est plutôt « couillu ».
La version définitive sortie un an après sa première apparition en public suivi bien évidemment des premiers avis. Grande surprise, le casque semble plutôt bon, voir exceptionnel !!! Et bien ! Me suis-je dit, il faut absolument que je le teste, j’en parle une première fois à Pierre (je lui parle souvent de mes découvertes), mais n’étant pas du tout fan des Planar Magnétique, notamment les Audeze, il n’était pas plus intéressé que cela. Peu de temps avant mon voyage en Asie je remonte à la charge et cette fois ci il m’écoute d’une oreille plus attentive « oui pourquoi pas » me dit-il.
Très peu de temps après mon retour de vacances Pierre me contacte pour me dire qu’il va recevoir en près pour test le fameux Abyss. Je lui fais part de mon enthousiasme et attend avec impatience son avis, la suite vous la connaissez. Bien évidemment Pierre m’invite à tester le monstre le W E du 30 novembre, afin de déterminer l’ampleur des dégâts de son système auditif. Je fus épaulé dans cette entreprise par l’ami Sylvain qui n’est pas un lapin de 3 semaines dans le monde de l’audio. Donc, W.E. à haut risque pour Pierre tellement il m’avait bien vendu sa salade. Je rappelle à ceux qui me lisent que je dispose d’un Ampli Electra retubé et d’un SR 009, le bestiau avait donc tout intérêt à disposer d’arguments plus que solides pour se frotter à un tel ensemble. Surtout que mon ampli avait moins d’un an et je déteste me faire doubler sur la ligne d’arrivée.
J’arrive finalement chez Pierre un peu la fleur au fusil en me disant « bon, dans le meilleur des cas ce bossu de notre Dame jouera Kif Kif avec mon Stax, surtout qu’à première vue je me suis dit « il est peut-être exceptionnel mais il ne gagnera pas le concours de beauté 2013 ». Cependant, à la prise en main, l’Abyss respire la solidité (un peu à l’image d’un tank panzer), le casque est entièrement en aluminium adonisé de couleur noire, le casque n’est donc pas des plus sexy, certes, mais ayant possédé un Taket H2+ et connaissant bien les Jecklin, l’on peut se dire qu’il y a pire.
La pose sur la tête n’est de prime abord pas des plus aisée, il n’y a pas de réelle étanchéité entre le pad et le pavillon de l’oreille, le faite de pouvoir tourner les pads de forme ovoïde permet d’ajuster un peu la hauteur du casque. Sinon, passé les premières minutes, il faut reconnaitre que le casque se laisse oublier.
LES ECOUTES
Le matériel utilisé :
Source ; Aurender S10 + Dac . PS Audio Perfectwave – Ampli électrostatique Eddie Current Electra retubé – Amplis électrodynamique Fostex HP-A8 et Auralic Taurus.
Les puissances d’écoute utilisées pour le test n’ont jamais dépassées pour ma part 75 dB sauf à de très rares exceptions.
Beaucoup de questions posées concernant l’Abyss, notamment sa spatialisation, le haut du spectre, son grave titanesque, sa neutralité, je puis vous dire que nous n’avons rien épargné à l’Abyss pour le mette à défaut et que l’essentiel des comparaisons se sont effectuées entre le système Stax et l’Abyss. La durée approximative des comparatifs correspond environ à une petite douzaine d’heures d’écoute sur des musiques que nous connaissions tous très bien.
Premier round sur un jazz très bien enregistré je commence par mon Stax. Bon, rien à signaler, c’est superbe. Je chausse l’Abyss
mais c’est quoi ça !! Premier élément, la spécialisation bien plus vaste que sur le Stax, l’image sort de la tête un peu à la façon d’un K1000. Il y a une réelle sensation d’aération. Autre point marquant, la dynamique. Dans la famille Abyss on ne rigole pas, l’enfant est turbulent, ça swing, ça déménage sans jamais projeter. Sacré vitalité. Enfin le timbre des instruments semble plus plein, un peu à l’image d’un LCD3 mais avec un meilleur niveau de résolution. Je repasse au Stax, pas de doute possible, l’image est plus étriquée, la contre Bass à moins de corps, ça « percute moins », l’Abyss vient de me mettre un petit coup sec derrière la nuque.
Je me ressaisie, je regarde d’un sale œil l’Abyss, je me dis « attend ce n’est pas fini », je demande à Pierre de me passer un petit Diana Krall. Je l’écoute avec le Stax et franchement la classe, là je pense que le Stax va marquer des points, je chausse à nouveau l’Abyss en confiance, « mais c’est pas vrai ! »
L’abyss présente une image profonde et pourtant, le spectacle se passe au quatrième rang (cohérence étonnante entre la profondeur et la largeur). Là où avec le Stax nous sommes au premier rang, la voix me semble similaire au 009 mais avec un très léger grain qui apporte une humanité stupéfiante, les effets de salle sont plus présents aussi sur l’Abyss. Sur cet exemple je pourrai comprendre la préférence du Stax et son côté plus doux, plus lisse, mais sur l’Abyss c’est plus « tactile ». A ce moment je me dis que la partie s’annonce plus que difficile pour mon SR 009.
Nous enchaînons sur de la clarinette, histoire de voir ce que vaut l’Abyss dans le haut du spectre.
Sur ce morceau l’on retrouve les grandes forces de l’Abyss, spatialisation, dynamique, des timbres « pleins » concernant les envolées de la clarinette, l’Abyss n’éprouve aucune difficulté malgré plusieurs passages afin de bien vérifier qu’il n’y ait aucune anomalie, mais non, ça monte haut, sans stridence ni dureté. Dans une comparaison directe avec le SR 009 là je pense que nous sommes plus sur une préférence, je n’ai pas trouvé l’Abyss mieux et le coté lissé doux du 009 me plait beaucoup, Ouf enfin !!
Nous voulions aussi tester le fameux bas du spectre de l’Abyss sur du tambour japonais « mon dieu !! » (Pour un athée comme moi c’est terrible de l’écrire). L’on a monté le son afin d’avoir un aperçu des capacités à descendre du casque et je peux vous dire que le résultat est plus que spectaculaire, ça percute comme jamais, l’on retrouve en partie les sensations physiques d’un gros système enceintes, les graves sont texturés, tendus d’une violence étonnante et restent extrêmement propre, du jamais entendu. Franchement le passage au Stax reste une épreuve cruelle, il ne faudrait d’ailleurs jamais faire subir à son Stax ce genre d’épreuve au risque de le traumatiser.
Sur les grandes formations classiques comme le magnificat de Bach, là encore la spécialisation surprend, c’est vif sans jamais en faire trop, l’on tape du pied, l’on s’étonne du résultat obtenu. Le Stax reste plus compact, les timbres plus éthérés, cela reste magnifique mais l’Abyss repousse encore plus loin l’expérience musicale.
Le W.E. s’achève et après avoir passé tous les genres possibles le terrible verdict tombe (d’ailleurs je me suis bouché les oreilles pour ne pas l’entendre).
L’Abyss remporte la rencontre quatre à zéro.
Que peut-on en conclure à l’heure du bilan je dois bien dire que je ne m’attendais pas à cela, sa prestation est tous à fait remarquable il est parvenu à mette en difficulté le fameux SR 009.
A-t’ il des défauts ? Sur le plan sonore certainement. Aucun casque fut il l’Abyss n’est exsangue de défaut, pour cela il faudrait une bonne semaine de tests, je n’en ai personnellement pas trouvé de probant, on en trouvera soyons patient. Sinon, l’on peut faire remarquer son prix très /trop important, son câble un peu rigide, son look industriel, mais ne vous inquiétez pas il ne plaira pas à tout le monde, d’ailleurs aucun casque ne plait à tout le monde.
Faut-il pour autant ranger son Stax au placard ! Surement pas (pour ma part je garde le Stax et son ampli même si j’envisage l’achat d’un Abyss). Le côté aérien, léger, doux et très transparent raviront toujours les amoureux de l’électrostatique. L’Abyss est un autre animal, puissant, musculeux mais toujours en maitrise, il est une étonnante expérience, un casque qui malgré son air bourru recèle des trésors en forme de notes de musique.
Une dernière chose, l’Abyss utilise comme ampli le Fostex HP-A8 et Auralic Taurus. Certes, ce sont de bons amplis mais il existe mieux. Je suis prêt à parier que sur une configuration « sans compromis » l’Abyss risque de faire encore un peu plus de dégâts.