Le daim a écrit:Mon cher Lem. Question de Candide qui découvre la civilisation: qu'est qu'une comparaison ABX ? Cordialement Olivier
Je suis étonné qu'un expert en systèmes audio tel que toi soit aussi candide sur un tel sujet…
La littérature est abondante sur le sujet des ABX, y compris sur les forums (même ceux que tu as peut-être l’habitude de fréquenter et sur lesquels le terme ABX est quasiment un gros mot…
).
En 2 mots, pourquoi je trouve que c’est une procédure incontournable dans un cas comme ça ? Je vais le résumer à ma façon ; de plus experts que moi me corrigeront si je me trompe.
Tu as 2 players, mettons J-River et J-Play. Tu les compares en écoute totalement libre, seul ou avec des co-auditeurs. Tu entends des différences. Bien ! Maintenant, d’où viennent ces différences ? Peux-tu être certain que ce ne sont pas de simples impressions d’écoute et qu’elles sont reproductibles ? Si tu entends une différence, cela signifie que tu peux préférer l’un à l’autre, et donc être capable de les reconnaître, et donc de savoir quand c’est J-River qui joue et quand c’est J-Play. Sinon, la différence n’est peut-être pas si sensible, et finalement ce ne sont peut-être que des impressions fugaces, non reproductibles.
Pourquoi devrait-on douter de ce qu’on entend ? Vaste sujet mais quelques pistes. Es-tu tout à fait certain que J-River et J-Play joue un même fichier exactement de la même manière, notamment que le gain est étalonné de la même manière (une différence audible peut provenir d’une différence de niveau, même très faible). On peut être influencé par le simple fait de savoir que l’on écoute alternativement 2 sources différentes: savoir que l’on entend 2 sources peut suffire à ce que notre cerveau pense entendre une différence (quand on cherche une différence, souvent on la trouve, mais existe-t-elle pour autant ?). On peut être influencé par le contexte de l’écoute comparative : si on écoute avec des collègues, on peut être tenté inconsciemment d’entendre des différences (si lui l’entend, je devrais l’entendre aussi, etc…). Bref, les biais psycho-acoustiques sont nombreux.
Or, comme je postule que tout le monde souhaite choisir une source qui procure bien une différence audible, et pas seulement qui donne l’impression d’une différence audible (je mets de côté les motivations liées à d’autres considérations : fonctionnalité, plaisir esthétique, voire positionnement du produit, etc.), la méthode de l’ABX est un garde-fou très utile.
Tu me répondras : je suis de bonne foi, j’ai l’habitude des écoutes, je sais m’abstraire de tous ces biais potentiels, etc. Je te répondrais : dans ce cas, il devrait t’être d’autant plus facile de vérifier que tes sens ne te jouent pas de tour et de t’imposer une procédure de reconnaissance randomisée qui te permette de valider que (1) tu sais entendre une différence entre les 2, et (2) reconnaître chacun de ces 2 players dans des conditions qui sont statistiquement valides. Ni plus ni moins.
Maintenant, comment ça se passe ? Va lire les liens indiqués par Mahler, la réponse s’y trouve. Pour faire simple, il s’agit de procéder à un test de reconnaissance d’une référence A et d’une référence B, sur une série suffisamment longue pour statistiquement écarter la possibilité d'une reconnaissance aléatoire. Donc, tu as 2 sources : A pour J-River, B pour J-Play, et tu passes plusieurs tours de test. A chaque tour, on te passe une source X et tu dois dire si l’échantillon que tu entends est A ou B. Tu peux prendre le temps que tu veux pour écouter ou ré-écouter X, A et B, et même écouter différents extraits de musique supposés mettre en évidence de telles différences. Puis tu choisis, X est-il A ou est-il B ?
Pour le faire sans boîtier ABX, avec un player, il te faut l’aide d’un opérateur neutre qui te passe X, puis A et B autant de fois que tu veux (et encore, les puristes t’objecteront que c’est déjà un biais possible…). Bref, autant c’est très lourd et souvent impossible à mettre en place sur de l’électronique, des câbles ou des enceintes, autant pour comparer 2 players audio (ou 2 formats de fichiers), c’est assez simple.
Au bout d’une quinzaine de tours de reconnaissance, tu as un échantillon de reconnaissances (ou tentatives d’identification de A et de B) qui te donne un taux de confiance tel qu’on peut dire que le choix de X=A ou X=B n’est plus du hasard. En pratique, ça signifierait donc que dans des conditions d’écoute normale, tu saurais identifier A ou B dans 95% des cas, et donc les différences que tu entends ne sont pas imaginaires, ou sont suffisamment audibles pour « justifier » ta préférence.
En cas d’échec, cela ne signifie pas qu’il n’y ait de différence audible, simplement que tu n’as pas été en mesure de les identifier de manière fiable et répétitive, et chacun peut en tirer les conclusions qu’il veut :
pour ma part, ça veut dire au minimum que les différences entre 2 sources sont trop incertaines pour que le critère de mon choix repose sur des différences audibles, et je donne alors ma priorité à d’autres critères (prix, fonctionnalités, fiabilité supposée…).
C’est avec ce point en tête que je disais plus haut qu’en ce qui me concerne, je n’ai jamais en écoute simple identifié de différence audible entre 2 players, et donc je n’ai jamais cherché à procéder à un ABX pour les valider. Mais si toi tu en as entendues, alors cela vaut la peine de tenter l’ABX pour écarter tout biais
.