vanel a écrit:Merci. Tu viens de démontrer que le vinyl n'est pas un truc de bobos. Par contre, le vélo pliable, très tendance en effet
edit; oh zut, ce n'est pas un vélo pliable. Mais tendance, quand même.
De rien.
Chacun ses conclusions, plus ou moins rapides
J'aime bien ce billet de Pierre Schneider sur le sujet :
Il va encore falloir tout racheter?Vous êtes snob ? Limite bobo ? il ne vous a pas échappé que le disque vinyle faisait un retour en force dans les pages « art de vivre » de votre magazine préféré. A mon époque, quand vous n’étiez pas encore nés, jeunes lecteurs nationalistes et acnéiques, le CD avait envahi les Fnacs pour une raison évidente : enfin, on allait pouvoir se débarrasser du disque microsillon! Le marché a perdu la mémoire entre temps.
Quand le CD est arrivé, il fallait le vendre à une cible qui avait déjà tout en la matière. Il fallait donc convaincre que c’était mieux. Les publicités de l’époque ont montré des divas dont les robes sortaient de la même usine que la couverture de survie du mineur chilien standard. On découvrait le « son laser » - on entendait surtout de la réverbération, en fait. On pilonnait dans le même temps un autre compartiment de la cible avec le gimmick « écran plat coins carrés ». Le consommateur CSP+ n’était pas madré comme aujourd’hui. Quand on lui disait « digital », il comprenait vaguement que ça sonnait mieux et ça lui suffisait.
Pas besoin de s’efforcer, d’ailleurs. Le CD était évidemment un immense progrès. Il ne se rayait pas. Il ne s’usait pas. Il n’y avait pas de souffle. Il n’y avait plus de ces craquements qui affligeaient même les disques neufs. Et les mieux renseignés ajoutaient : « le CD, on peut le copier sans baisse de qualité ». C’est à ce moment là que la phrase « je suis en train de redécouvrir toute ma discothèque » est devenue courante. « Mais alors il faut tout racheter ? » l’est devenue tout autant. Maintenant, on a l’habitude.
Etant rock’n’roll depuis trois mois seulement, je n’avais pas pu « redécouvrir toute ma discothèque » car je n’avais pas de discothèque et aucune envie de toucher à celle de mon père, exclusivement classique. Ceci ne m’empêcha pas de chercher à entendre moi-même ce qu’on n’entendait pas avant. J’y réussis. (« Music for the masses » de Depeche Mode, dans l’intro de « The things you said », l'écho de la boîte à rythmes)
Le CD était objectivement supérieur car plus fidèle au phonogramme d’origine. J’ai donc pris le retour du vinyle pour une belle rigolade. Un truc pour les types qui portent des cols en V sans rien dessous. Vous voyez le genre : je vote Voynet, j’achète mon café équitable chez Starbucks, mon sashimi préféré c’est le dauphin et j’ai vu tous les films de Michel Gondry. Ah oui, et j’ai redécouvert la chaleur du son analogique des vieux 33 tours de mes vieux, sur mon ampli à tubes. Ce genre-là .
Voilà donc la sale bête qu’on avait jeté à la poubelle en 1988 qui revient par la fenêtre. Il se vendrait plus de vinyles que de SACD, une manière de dire que la « haute fidélité », on a eu tort d’y croire : ce n’est pas ce que veut le peuple. Le peuple qui dépense 30 euros pour le dernier Cœur de Pirate, s’entend.
Dissonance cognitive et idiots utilesBien entendu, devant une telle dissonance cognitive, le discours justificatif n’a pas tardé. C’est un vrai plaisir de l'écouter. « La musique sonne comme l’artiste l’avait voulue » (avec les clics et les rayures). « Avec le vinyle, on a le son d’origine et pas une approximation en escalier ». (Et le micro, et les enceintes, elles ne distordent rien non plus) « Le son est plus chaud » (C’est mauvais pour la planète). « Le son est analogique » (et ta sœur ?) « Je redécouvre ma discothèque » (un jour peut-être, tu finiras par écouter la musique, tout simplement). « Le théorème de Shannon stipule que… » (ce n’est pas un théorème, et en plus un théorème, ça ne stipule pas). Je garde le meilleur pour la fin : « le support le plus crédible pour le son HD, ce n’est pas le Blu-Ray ou le SACD, c’est le vinyle ». Et bientôt, sans doute, les 33 tours en DTS multicanal?
Un artiste français, qui est un peu le BHL des synthétiseurs, qui eut du succès dans les années 80 avec un instrument nommé « harpe laser » et des concerts grandiloquents, qui a été mis en chansons depuis par Oldelaf et Monsieur D et qui tente maintenant de vendre dans les Fnacs un dock iPod à 800 euros, raconte sur son site que « le vinyle a été remplacé par le CD, de qualité largement inférieure ». Ce simple fait devrait suffire à apprécier à sa juste valeur le niveau des sectateurs du vinyle et de leurs arguments.
Ainsi « on » se rend compte qu’on a écouté de la merde pendant trente ans. On « réalise ». Il était temps. Les amateurs de vinyle, ceux qui entendent la différence, sont pourtant de bonne foi. Une oreille entrainée est une chose rare et faillible : le même morceau écouté plus fort semblera toujours meilleur même s’il ne l’est pas. Et la notion de restitution fidèle, sur laquelle toute la hifi est implicitement basée, a moins de sens pour des musiques électrifiées où la coloration artificielle et la distorsion sont souvent essentielles.
Il y a bien pire au demeurant, c’est la compression dynamique. Ce mal nécessaire, imposé par les caractéristiques physiques du support, consiste à niveler le « volume ». Sans elle, l'aiguille ne tient pas dans le sillon, ni le sillon dans le disque. La compression dynamique présente toutefois un avantage non négligeable à l’ère digitale et mobile, celui de garder audibles les passages calmes dans un environnement bruyant. Autoradio et iPods y gagnent.
Les inconvénients sont néanmoins très importants. Le son compressé est uniformément fort, donc très fatigant. Et, bien entendu, il est distordu. Les caractéristiques du CD, par contre, permettent de s’en affranchir : c’est une raison objective de la supériorité de ce medium sur le vinyle. Je note au passage que le genre musical le plus lié à la hifi, celui où la « fidélité » de la restitution sonore est la plus importante, la musique classique, est le seul à ne pas proposer de marketing vinyle.
L’invocation du « théorème » de Shannon pour étayer que le CD perd des sons que le disque conserverait ne vaut guère mieux. Ce « théorème », rappelons-le, n’est qu’une règle empirique qui aide à fixer la fréquence d’échantillonnage d’un signal analogique. Ceux qui déplorent les sons perdus sont les mêmes qui n’entendent plus le 20 kHz depuis longtemps en raison de leur âge, CD ou pas. Même en échantillonnant à 192 kHz, ça ne servirait à rien, sauf peut-être à leur chien, s’il est mélomane. Pour ma part, je n’entends plus le sifflement suraigu qui finit « A day in the life » depuis plusieurs années. Il est toutefois possible que des fréquences suraigües puissent être « perçues » physiquement (par les os ?) et donnent du relief à des signaux en 96 kHz, ce qui est la seule façon d’expliquer l’apport du SACD qui, lui, me semble audible.
Travaux pratiquesL’affaire me semblait réglée avec l’édition anniversaire de « In the court of the crimson king ». Une édition de geek : l’album en remix de 2009. L’album en remaster de 2004. L’album en 5.1 sur DVD audio. L’album en prises alternatives. L’album en live. L’album en vidéo (bon, OK, c’est juste une minute de Greg Lake). Et, le plus important, l’album sur vinyle, c'est-à -dire un transfert sur CD du premier pressage en 69. Parfois je trouve que les subtilités d’une réédition de phonogramme demandent plus d’efforts de compréhension que les concepts de base d’un réseau informatique.
Bon bref, la comparaison vinyl-CD ne laisse aucun doute sur la supériorité du médium digital. Et laisse voir qu’aujourd’hui encore, même un studio professionnel ne peut pas éliminer le bruit de fond et les crachements d’un 33 tours. Ecoutez le début de « Moonchild » où c’est patent.
Toutefois, pour être convaincu définitivement, il me fallait écouter un 33 tours neuf sur une platine décente. J’ai donc acheté une Project Debut III et rejoint le club des audiophiles heureux du 33 tours.
Ce fut gé-ni-al. Petite madeleine à la puissance 13. J’ai cru retomber en enfance tant les souvenirs me sont revenus en masse : souvenirs de tous les défauts oubliés du 33 tours. Qu’il fallait régler un contre-poids sur le bras de mon pickup. Qu’il fallait pendre une masselotte audit bras pour faire de l’ « anti-glissage ». Que les consignes de réglage de ces poids, qui auraient fait les délices d’un examinateur du bac, étaient totalement fantaisistes. Que les disques étaient à double face, pleins de poussière et d’électricité statique. Que ça crachotait comme jamais sur les passages calmes – même sur un disque neuf. Que la mise à la masse générait les clics d’électricité statique qu’elle était censée supprimer. Que les disques étaient régulièrement voilés et que, contrairement à la règle de Shannon, ça s’entendait. Que l’indication de temps écoulé ou de temps restant n’existait pas, non plus que l’avance rapide. Qu’un bras mal balancé faisait toujours entendre le canal gauche plus fort que le canal droit, ou l’inverse. Que certaines syllabes sifflantes envahissaient toute l’image sonore. Qu’il fallait acheter un préampli phono en plus de tout le reste. Et, petit détail, qu’on payait aujourd’hui près de 175 francs un disque qui en coutait 75 à l’époque.
Des avantages, aussi ? Oui, certes, comme la pomme dans le vitriol des tontons flingueurs : il y en a. Une pochette de douze pouces, c’est plus joli. Un changement de face toutes les 20 minutes, ça empêche de s’ennuyer. Le crachouillis des rayures, ça fait comme avant, vintage. On apprend vite à utiliser Audacity pour faire des copies de sauvegarde de ses vinyls (attention concept™).
Bref, aucune raison musicale dans tout ça. Des raisons fétichistes, par contre, il n'y avait que ça, largement partagées dans le milieu. Bien avant que l’on parle de « l’objet-disque », j’avais acheté mon premier Pink Floyd, mon premier Cure, mon premier Oldfield, mon premier U2, mon premier New Order et bien d’autres sur la seule foi de leur pochette. Je ne suis généralement pas tombé trop mal. Je comprends d’autant mieux ceux qui aiment le design aujourd’hui rétro des pochettes de jazz ou de chanson française des années 50 ou 60. Ce n’est pas pire que la collection de timbres.
Ta mère, elle rembobine les CDDu moment que l’on ne prétend plus que le son est meilleur ou plus authentique, pourquoi pas le vinyle ? C’est un rien régressif, artistique, ça fait joli dans le salon, cela permet de jouir du storytelling sans entraves et si l’on aime les sons compressés et colorés d’une certaine manière, personne ne vous l’interdira. Et puis il y a le côté collectionneur. Devant les bacs de Monster Melodies l’autre jour, j'ai compris que j’avais oublié le remix ultra-confidentiel de « People are people » par Adrian Sherwood sur maxi 45 tours en vinyle coloré imitation tye-dye, jamais repris dans aucune des six coffrets de mini CD. Ca aussi, c’est übergeek mais pour certains, ça compte.
Outre tous ses défauts, le produit-vinyle est pollué par son positionnement marketing flou. Haut de gamme, c’est certain, il suffit de voir les prix. Mais est-ce un produit vintage ? ou un média qui a vocation à sortir de sa niche ? Doit-il jouer sur la nostalgie, rééditer les classiques avec le master de l’époque ? Ou doit-il être un medium de luxe, conscient de son caractère usable, et proposant en plus le CD un téléchargement de son phonogramme ? Est-ce que cela a un sens d’adjoindre à un 33 tours un disque de « bonus track » et de le transformer en un double album ? Les maisons de disques n’ont pas encore choisi.
Autre question plus gênante : le succès ou le déclin d’un artiste dépend-il du support ? Tout à fait au hasard, est-ce que Yes est mort quand il a été édité sur CD et qu’on n’a plus pu distinguer aucune des couvertures superbes de Roger Dean? Je n’insinue pas, je constate.
Pour ma part, la cible de marché étant l’amateur mûr et aisé, qui a tout racheté sur CD depuis belle lurette, il me semble naturel de se focaliser sur la copie d’ancien : pas de bonus track, packaging inchangé. Gamme : l’âge d’or du be-bop à belles pochettes ; la chanson française quand elle était bonne ; les classiques du Rock, de l’apparition du 33 tours jusqu’à sa mort. Pas Vampire Weekend, donc.
Pour la même raison de cœur de cible CSP+ nostalgique collectophile, on pourra tolérer des enregistrements anciens mais de publication récente (Dylan et sa collection de bootlegs). Et peut-être aussi les publications Lo-Fi confidentielles (la SYR de chez Sonic Youth). Le concept marketing d’ « analogique » va très bien avec.
La publication sur vinyle de Muse me laisse autrement plus perplexe, de même que les opus récents de Migraine Farmer ! Si on voulait vraiment être cohérent et vintage, on n’éditerait de cette dernière que le clip de « Tristana », et en VHS s'il vous plait.
L’amateur aisé aime les grosses cylindrées : n’oublions donc pas le luxe (le dernier Eno, le « live at Leeds » des Who, quelques Miles Davis) qui devra rester focalisé sur quelques très grands albums. Le jour où « Obscured by clouds » de Pink Floyd aura une édition anniversaire avec 3 Blu-Ray, un T-Shirt, des pogs et une clé USB d’improvisations de Rick Wright à l’orgue, il sera temps de lancer le revival de la cassette.
La cassette, vous savez, ce truc qui se rembobinait. Objectivement supérieur au CD elle aussi, puisque les CD sont scandaleusement privés du rembobinage, pourtant pratique. La cassette! Toute la chaleur et l'authenticité du pleurage et du scintillement! L'eldorado audiophile de l'oxyde de chrome! La preuve que c'est mieux : une cassette vierge a toujours couté plus cher qu'un CD vierge. Qu'est ce qu'on attend, bordel?
Avec humour, Cordialement
Jean louis