Nexus.6 a écrit:corsario a écrit:Et on peut par exemple imaginer que sur des écoutes plus longues les effets de ces petites différences se cumulent et que ces petites différences additionnées les unes aux autres finissent par faire une vraie différence sur une ou deux heures d'écoute. Le fait qu'une différence soit petite sur 30 seconde, ne veut pas forcément dire qu'elle soit purement et simplement négligeable en général.
Je ne sais pas si ce "cumul" peut se faire. En effet, si l'on tient compte que la mémoire auditive est de quelques secondes, ce cumul ne peut se faire que sur cette période.
La mémoire auditive dont je parle (c'est pas de moi, c'est documenté sur le web), c'est elle qui intervient quand l'on perçoit aisément une différence en faisant un switch instantanné A/B alors que le même switch en permutant les cables, si il prend pusieurs secondes, brouille toutes les pistes.
Donc sur de longues périodes, je ne vois pas l'ensemble oreille+cerveau décortiquer plus finement le message sonore pour en extraire l'information recherchée (le 10kHz), mais plutot je le vois comme un système cherchant une référence pour s'en acoutumer (on peut apprecier un vieux poste à lampe en grandes ondes, un MP3 ou une chaine hifi), le fameux "rodage" des oreilles qui n'est pas celui des appareils testés.
D'ou le but d'éliminer le facteur mémoire dans les tests ABX en autorisant une plus grande rapidité de comparaison.
Ensuite, on peut se questionner pour savoir ce que vaut (en terme de cout) une différence qui s'estompe après quelques secondes. Mais cela est un autre débat.
Il me semble que cette mémoire courte est souvent évoquée à tort pour justifier le phénomène d'habituation des oreilles, qui créerait un phénomène faux de sensation de rodage: pour 2 raisons liées à chaque élément de cette proposition ( l'effet rodage serait faux, et du à un défaut de mémoire auditive):
la mémoire auditive peut effectivement comporter des aspects fugaces, non persistants, mais c'est oublier et masquer, volontairement ou non, toutes les autres mémoires qui montrent sans arrêt leurs remarquables performances.
Prendre pour prétexte la fugacité de la mémoire auditive pour annuler, discréditer toute "expertise" menée sur des durées inter écoutes de plusieurs secondes est un peu (beaucoup même) réducteur, et exclut les autres mémoires efficaces.
Certaines mémoires auditives ont des facultés qui s'étendent à des périodes qui peuvent se compter en jours, semaines, mois et années même.
Personnellement, je ne me considère nullement comme une "oreille d'or", ni comme ayant des facultés auditives particulièrement développées. Je me considère parfois même comme handicapé sur ce point face à quelques uns de mes visiteurs, caractérisant des écoutes en quelques minutes là où il m'a parfois fallu des semaines. J'ai néanmoins été capable de discerner à l'oreille seule qu'un ami violoniste avait changé de violon de concert depuis la dernière représentation datant de plusieurs mois.
Pareil pour l'exemple plusieurs fois cité par Haskil, du vieux pianiste dur de la feuille pour la conversation, qui a été capable d'affirmer avec justesse la transformation acoustique d'une salle qu'il avait pratiquée des mois (années?) auparavant. Transformation réfutée par le régisseur, mais qui s'est révélée exacte après examen, le dessous de la scène ayant été entre temps en partie comblé par des gravats.
Je peux témoigner aussi du fait que je reconnais à plusieurs mois d'intervalle des instruments proches, par exemple des hangs de Steve Shehan, percussionniste du Hadouk Trio. Je suis incapable de dire si celui qu'il utilise est celui accordé sur une gamme iranienne ou une gamme hongroise, mes connaissances musicales ne vont pas aussi loin. Mais je suis capable de reconnaitre s'il utilise un hang suisse, ou un modèle français, qu'il qualifie lui même de "diesel", même sans avoir entendu les références depuis plusieurs mois.
Ces reconnaissances auditives et leurs formidables capacités (de reconnaissance de timbre, de justesse de notes, d'accord,...) montrent que le temps long n'est absolument pas un facteur limitant pour la reconnaissance ou la différenciation sonore.
Il existe effectivement des mémoires différentes, dont une mémoire courte, mais la mémoire n'est pas que courte, comme aurait pu faire penser le propos de Nexus.
Ca, c'était une partie de la réfutation sur le rodage.
L'autre partie, c'est cette histoire d'habituation d'oreille, qui expliquerait par une accoutumance les différences ressenties.
Cet argument, qui est une possibilité à envisager, ne tient pas longtemps la route si on analyse clairement les différences sonores liées au rodage, et ne tient pas non plus quand, comme beaucoup, on est amené à faire fréquemment des rodages sur des appareils soit identiques, soit différents, et qu'en plus on a une caractérisation bien précise du manque de rodage sur certains appareils.
Cet effet "l'oreille s'habitue", et aussi comme on trouve parfois "le rodage n'est qu'un leurre des fabricants et vendeurs pour faire en sorte que les utilisateurs s'adaptent à des défauts des appareils" est une tarte à la crème qui ne résiste pas à un examen un peu sérieux.
Je ne dis pas que cet argument est parfois utilisé de manière peu correcte, voire malhonnête, par des vendeurs, je dis que cet argument servant à réfuter le phénomène du rodage ne tient pas, à mon avis et selon mes expériences et expérimentations, celles de nombreux constructeurs, vendeurs et utilisateurs.
Et je rajoute aussi que contrairement à ce que beaucoup essayent de faire croire, le phénomène du rodage gêne et complique beaucoup plus les pratiques des professionnels (fabricants, vendeurs, ...) qu'il ne leur enlève d'épines du pied ou leur sert de facile réponse à des problèmes délicats.
A tel point que certains fabricants et revendeurs préfèrent oublier, ou nier ces phénomènes, sur des appareils qui y sont sensibles (ce n'est pas le cas de tous les appareils, il y a aussi pour certaines fabrications des raisons objectives de ne pas tenir compte du rodage, puisqu'il est sans effets, ou mineur, ou très limité dans le temps)
Et enfin, concernant la mémoire auditive, je suis assez près des opinions de Corsario (l'effet cumul de différences quasi insensibles individuellement, à la fois en quantité sur un même critère, mais aussi en multiplication s'il s'agit de différences infimes concernant des critères très variés).