Il me paraît intéressant et utile de vous montrer comment les fabricants et surtout les revendeurs de matériaux vous trompent légalement, souvent sans même le savoir. Voici un extrait résumé de mon livre à paraître.
Avant de vous jeter aveuglément sur le produit magique au pouvoir isolant exceptionnel, demandez et lisez attentivement la fiche où sont inscrites les caractéristiques techniques. Si la fiche n'existe pas, soyez très prudent.
La fiche technique vous dira si le matériau est :
- un isolant acoustique ou thermique.
- conçu pour isoler des bruits aériens ou solidiens.
- utilisable seul ou associé à d'autres matériaux.
- prévu pour une application au sol, aux murs ou au plafond.
1- La première difficulté consiste à lire la fiche et à y trouver les informations utiles. Dans 98% des cas, le vendeur ne peut rien pour vous car lui non plus n'y connaît pas grand chose.
2- Identifiez le produit. Les mousses rigides expansées ou extrudées (polystyrène, polyuréthanes), les doubles vitrages, sont des isolants thermiques.
3- Eliminez d'emblée les produits dont la lisibilité n'est pas claire ou ne correspond pas à une norme.
Par exemple:
"Liège de 40mm: atténuation à 1000Hz = 80% ou -14dB" ne veut absolument rien dire. On ne sait pas si le produit est utilisé seul ou sur un support, la nature du support, la méthode de mise en oeuvre, les conditions de mesure.
4- Méfiez vous sur les forums et des avis non vérifiables: "Mon beau frère a collé du xxxx sur les murs de son home cinéma, c'est génial, on entend plus rien"...
Isolation aux bruits solidiensLa plupart des produits d'isolation acoustique disponibles dans le commerce, concerne les bruits solidiens. On désigne ainsi les bruits transmis directement par la structure du bâtiment: bruits de chocs, chutes d'objets, bruits de pas, appareils sanitaires, ascenseurs.
Les isolants minces, sont presque toujours des isolants solidiens, mais ils ne sont pas forcément présentés comme tels. On les utilise en sous couche derrière une paroi.
Il existe deux indices différents pour les isolants solidiens :
1- L'indice d'affaiblissement du matériau testé en laboratoire. Il commence par Lw
Il exprime l'amélioration obtenue par rapport à une dalle de référence. Plus l'indice Lw est grand, meilleure sera l'isolation.
Exemples:
- Une sous-couche en mousse de 3mm sous un parquet procure un Lw de 16 dB(A)
- Une moquette sur sous-couche caoutchoutée procure un Lw de 30 dB(A).
2- L'isolement aux bruits de chocs peut également être mesuré sur site. C'est le cas pour un plancher par exemple. Dans ce cas, il s'écrit LnAT.
Il exprime pour chaque bande de 1/3 d’octave, centrée sur les valeurs comprises entre 125Hz et 4000Hz, le niveau sonore perçu derrière une paroi en fonction des chocs produits par une machine spéciale.
Plus LnAT est petit, meilleure sera l'isolation.
Une valeur de LnAT de 45 dB(A) procure un bon niveau de confort.
Exemples :
Plancher traditionnel en bois : LnAT = 98 dB(A), isolation quasi-nulle.
Parquet collé directement sur une dalle en béton LnAT = 77 dB(A), isolation faible.
Moquette sur thibaude : LnAT = 40 à 55dB(A), isolation acceptable.
Isolation aux bruits aériensAérien désigne les bruits transmis par l'air : voix, hifi, TV, instruments de musique, trafic routier. C'est le paramètre qui intéresse ceux qui veulent construire un studio ou un home cinéma sans déranger leurs voisins.
L'indice R exprime la capacité du matériau à s’opposer au passage des sons aériens.
Il est toujours mesuré en laboratoire (norme EN-ISO 140).
Un indice R relatif à un mur ou un plancher dans une habitation est obligatoirement faux (on utilise un autre indice DnT,A).
Pour simplifier l’évaluation des performances, et faciliter la comparaison entre les matériaux, on a créé un indice pondéré unique Rw. Il s’apparente à l’indice STC (Sound Transmission Class), utilisé dans les états Anglo-saxons.
L’indice global Rw s’obtient en comparant les valeurs de R mesurées en laboratoire pour chaque tiers d'octave, avec une courbe de référence (norme EN-ISO 717-1).
Sachez que dans la grande majorité des cas, le fabricant donne l'affaiblissement total de son produit et du mur qui le supporte. Par exemple, vous trouverez un matériau en dalles adhésives qui isole de 32dB. En réalité, il est posé sur une cloison Ecopan qui isole déjà de 28dB. Le matériau n'apporte que 3dB supplémentaires dans la bande 125 - 5000Hz (source CSTB, produit No-bruit).
Autre exemple:
Les valeurs et la courbe citées ci-dessous ne veulent absolument rien dire car on ne connait pas l'affaiblissement initial de la toiture. Il est donc impossible de connaître l'amélioration apportée par le produit.
Cas particuliers
Pour être judicieux, le choix du matériau isolant doit aussi tenir compte de la nature du bruit auquel il sera exposé. En effet, la tonalité d’un bruit peut être dominée par les hautes ou les basses fréquences.
Par exemple, un trafic à circulation rapide n’a pas la même tonalité que le son grave d’un moteur d’autobus dans un trafic urbain.
Malheureusement, l’indice pondéré brut Rw ne tient pas compte de la nature du bruit et donne une information incomplète.
Afin d’éviter des erreurs d’investissement et certaines déceptions, on a introduit deux facteurs de correction pour obtenir un indice exploitable dans tous les cas de figure : Rw (C;Ctr).
Les bruits dont le contenu spectral s’apparente à un bruit rose (énergie constante par octave), appartiennent au registre commun et reçoivent le facteur de correction C.
Les bruits plus riches en basses fréquences s’apparentent davantage à la courbe normalisée du bruit du trafic routier urbain. Dans ce cas, on applique le facteur de correction Ctr.
Ces facteurs de correction ont généralement une valeur négative, c’est à dire que l’affaiblissement brut Rw, trop avantageux, sera corrigé vers le bas.
Exemple :
Le fabricant d'un matériau donne un indice : Rw (C;Ctr) = 38dB (-1;-3).
Cela signifie que l’indice d’affaiblissement brut pondéré Rw est égal à 38dB,
diminué de -1dB pour le bruit rose et de -3dB pour le trafic routier urbain.
Vous remarquerez aussi que les parois isolent toujours mieux les aiguës que les graves.
Applications:
Indice Rw (C) : activités domestiques, conversations, jeux d’enfants, radio, télévision, bruit routier rapide (>80km/h) ou éloigné.
Indice Rw (Ctr) : home cinéma, discothèques, studios d’enregistrement ou de répétition, trafic routier lent.
Pourquoi le facteur de correction Ctr pour un home cinéma?
Ce n'est pas une méthode courante, c'est un choix personnel.
Regardez le graphe publié page 86 de ce forum. Il montre la densité spectrale des sons émis par le film "la guerre des mondes". On remarque, et c'est vrai pour tous les films que le registre grave (inférieur à 125Hz) représente environ 90% de l'énergie émise.
La bande bleue, en bas du graphe, montre les fréquences prises en compte pour calculer l'indice d'affaiblissement.
Autrement dit, 90% du son produit par un film n'est pas pris en compte par les indices données par les fabricants. Vous pouvez le vérifier sur l'image ci-dessus ou sur le graphe page 85 qui provient d'un PV officiel et commence à 100Hz. D'ailleurs on voit que ça commence à ce gâter dès 160Hz. Or, c'est justement cette bande de fréquences graves qui est la plus difficile à isoler !
Cette lacune n'est pas due aux seuls fabricants. Les mesures aux basses fréquences, sont très difficiles à mener, souvent erronées et ce sont les normes officielles qui limitent la bande de fréquences à mesurer. Mais cela ne fait pas notre affaire car c'est justement les graves dont nous avons le plus besoin.
Personnellement, et contrairement à tout le monde, je donne les valeurs d'isolement à 63HZ (obtenues par le calcul). Elles ne sont pas toujours bonnes, mais elles donnent une idée de ce que le client est en droit d'attendre. Par exemple, pour un affaiblissement identique, je donnerai un indice R de 2dB là ou un autre dira RW 62dB.
Si vous demandez l'affaiblissement R à cette fréquence chez les fabricants, vous n'obtiendrez jamais de réponse.Appliquer le facteur de correction Ctr à un produit destiné à isoler un HC est une sage précaution. D'ailleurs, regardez l'indice Ctr de l'image citée plus haut.
Enfin, sachez que l’indice mesuré en situation réelle est toujours inférieur de plusieurs décibels aux valeurs calculées ou mesurées en laboratoire.
Bon, et bien après ça, bonne recherche...JPL