» 15 Mai 2010 8:20
Ces derniers temps, la discussion a dévié (assez longuement) sur l'évaluation du bruit ambiant. Ce paramètre est crucial car il détermine la nécessité ou non d'isoler la pièce HC. Ne le sous estimez pas.
La mesure est difficile. Elle demande un matériel de bonne qualité. J'ai donné des pistes (plus ou moins fiables) accessibles aux amateurs et des d'explications. On pourra y revenir mais pour l'heure, beaucoup d'entre vous attendent qu'on passe à autre chose.
Ceux qui n'ont pas besoin d'isoler peuvent réfléchir à la correction. Pour les autres, nous allons voir par étapes, comment on isole une pièce d'habitation.
Si on est amené à isoler, c'est parce que des sons non désirés entrent ou sortent de la pièce.
Nombre d'entre vous abordent l'isolation comme si le son passait à travers les murs: première erreur. Pour savoir par où passe réellement le son, il faut d'abord connaître quelques mécanismes de la propagation.
Dans l'air, le son se propage en sphères plus ou moins concentriques (suivant la directivité) autour d'une source (enceinte) à la vitesse de 344m/s. En quelques millisecondes, le son remplit la pièce et rencontre toutes les parois, sol, murs, plafond.
En heurtant les parois, l'énergie sonore se disperse en trois parties.
1) Une partie est réfléchie dans la pièce. C'est ce qui crée les résonances et la réverbération.
2) Une autre partie traverse la paroi et continue sa course dans la pièce voisine.
3) Enfin, une partie non négligeable circule à l'intérieur de la paroi vers le reste du bâtiment.
La première partie ne nous concerne pas pour l'instant.
La seconde est généralement la seule à être prise en considération car c'est la seule que tout le monde comprend. La troisième, trop souvent négligée, c'est qu'elle est solidement attachée aux autres éléments de construction du bâtiment. Nous y reviendrons plus tard.
Attardons nous quelques instants à la seconde partie. Celle où l'énergie traverse les murs.
D'abord, la quantité d'énergie reçue par les parois est largement sous estimée. L'oreille est notre capteur de son. La surface exposée est celle de nos tympans. Environ 50mm² par oreille, ça suffit pour capter l'énergie sonore dont nous avons besoin. ça suffit aussi pour faire mal quand le son est trop fort.
Considérons une pièce rectangulaire vide de 25m² au sol et 2,5m de hauteur, la surface développée des parois est 100m². Si on compare cette surface avec celle de nos tympans, la pièce reçoit 1 million de fois plus d'énergie sonore que nos oreilles. Cette énergie est suffisante pour faire vibrer les murs comme vibrent nos tympans. Chaque paroi se comporte alors comme un piston, c'est à dire la membrane d'un grand haut-parleur. Evidemment, la magnitude du mouvement est très faible, mais il faut la comparer à la surface.
Prenons l'exemple du plafond. La magnitude de la vibration ne dépasse pas 1/10e de millimètre à 100Hz (c'est un exemple). C'est invisible à l'oeil nu, mais sur 25m², c'est énorme. Posez votre main sur un mur quand la musique joue assez fort. Vous sentez la vibration? Dans notre exemple, le déplacement d'air est le même que celui d'une membrane d'un haut-parleur de 38cm avec un mouvement de 22mm! Un super boomer chez le voisin de dessus! Même chose pour les autres parois. C'est à dire 6 boomers qui sortent de la pièce!
Autre détail généralement pas ou mal considéré: les murs ne sont pas en carton. En appuyant la main sur la membrane d'un HP vous pouvez arrêter le mouvement, ou en tout cas l'amortir fortement, parce que la force que vous exercez est considérable en regard de la force et de la masse de la membrane. Un mur de 6 x 2,5m en parpaing creux pèse 5 tonnes. Vous pouvez toujours vous appuyer dessus, vous n'êtes pas en mesure de lutter et la vibration restera intacte.
Les forums (y compris celui-ci) regorgent de recettes illusoires à base de matériaux minces collés sur les murs. Quand on colle un revêtement directement sur une paroi pour l'empêcher de vibrer, seul l'effet de masse intervient. Or, pour agir, l'élévation de la masse doit être énorme. Par définition, un matériau mince, est toujours trop léger pour amortir la vibration d'un mur (même le plomb). Pour qu'il commence à jouer un rôle audible, il faut que sa masse soit au moins égale à celle de la paroi qui le supporte.
Cette observation est régie par une loi physique bien connue, qui s'appelle "loi de masse". La formule s'applique aux parois désolidarisées (sans liaison mécanique rigide avec les parois adjacentes), sans ouverture (ni porte ni fenêtre), et homogènes. Elle n'est donc exacte qu'en laboratoire, mais elle donne une bonne indication de l'affaiblissement idéalement possible. La loi montre qu'en doublant la masse de la paroi (c'est à dire en passant de 5 tonnes à 10 tonnes) on peut espérer gagner 6 décibels ! (souvent moins, jamais plus).
Alors, que faut-il penser des forumeurs qui collent du Sempatap(*) sur les murs pour isoler ???
Bon, je pense que ça suffit pour aujourd'hui.
Je voudrais pas que le sujet ressemble seulement à un cours. Il y a suffisamment d'éléments pour vous interpeler. J'attends vos réactions sur ce premier aspect de l'isolation.
JPL
(*) J'aurais pu citer No-bruit, Stop-Bruit, Bituline, Plastibruit, Sheetblok, Soundblock et bien d'autres encore. Je n'ai rien contre ces produits ni les marques qui les distribuent. Simplement, ils sont fait pour d'autres usages et je dénonce l'erreur et l'obstination (pour ne pas dire la bêtise) de ceux qui les utilisent mal.