nitri a écrit:Je pense qu'on éviterait les malentendus si quelqu'un comme pio ou Philippe donnait la liste des étapes nécessaires à la conversion 24/96 vers 16/44.1.
Il faudrait dire ce qu'on attend de chaque étape et les problèmes qui peuvent se présenter.
Etape 1 : enregistrer. On passe de l'analogique au numérique avec l'ADC. On doit choisir le format : fréquence d'échantillonnage, pour choisir la bande passante. Mini 44100 Hz (fréquence du CD) pour 20 kHz de bande passante. On peut choisir 88.2 ou 96 ou 192 etc pour enregistrer aussi des ultrasons au dessus de 20 kHz. On choisit aussi la quantification en bits. Mini 16 bits pour une dynamique de 96 dB à toutes les fréquences (la résolution du CD). 24 bits pour 144 dB de dynamique théorique.
Contrainte : la bande passante du signal doit être réduite proprement avant de faire la conversion. Sinon, il y a plein de distorsion audible. Donc il faut filtrer. D'après Philippe Muller, seuls les bons ADC filtrent bien.
Propriété souhaitée : le signal devrait être uniformément bruité à un niveau correspondant à la dynamque choisie afin de "ditheriser la quantification". Cela permet d'exploiter à 100 % les 16 bits si on choisit 16 bits. Le meilleur résultat est obtenu si le bruit est au-delà de la bande audible. A -96 dB, avoir du bruit à 16 kHz ne présente aucun problème audible.
En pratique, rien ne permet de présager de la bonne exploitation des 16 bits disponibles.
Etape 2 : lecture. Effectuée dans le convertisseur DAC. Le principe est aujourd'hui standardisé : on suréchantillonne afin de respecter le niveau et la phase du signal jusqu'à 20 kHz au moins.
Etape intermédiaire possible : convertir de 24/96 (haute résolution) à 16/44.1 (résolution CD).
Pour bien réaliser cela, il faut appliquer un filtre passe-bas particulier. Le meilleur choix semble être un filtre à profil en cosinus. Pas mal de convertisseurs semblent plutôt utiliser des filtres Sinc, c'est-à-dire des brickwall les plus violents possibles, qui ne touchent à rien jusqu'à la fréquence de coupure, et suppriment tout un Hertz plus haut. Ils ont l'inconvénient de provoquer un ringing (oscillation ultrasonore) inutile. Cela ne change pas grand chose, mais il est plus propre de ne pas s'encombrer de cette oscillation, en échange d'un peu de bande passante perdue. On coupe alors en cosine en atténuant progressivement entre 20 kHz et 22.05 kHz, sans oscillation résiduelle, au lieu de couper brutalement à 22.05 kHz, en provoquant une résonance à cette fréquence.
Pour passer de 24 à 16 bits, afin de ne pas provoquer de bruit de fond, on utilise un dither avec noise shaping. C'est-à-dire qu'on bruite délibérément le signal entre 16 et 22 kHz, à un niveau très bas. Le bruit prend toute l'imprécision de la conversion, et a la propriété de moyenner les erreurs aux fréquences musicales, de sorte que si on ne regarde qu'elles, elles sont moins bruitées que sans dither. L'opération déplace le bruit 16 bits depuis la zone sensible de l'oreille (3 kHz) vers les hautes fréquences où l'oreille est très peu sensible (20 kHz).
Légende urbaine : il y aurait un consensus à faire entre résolution temporelle et résolution fréquentielle dans le choix du filtre pour le convertisseur DAC. Il faudrait choisir un filtre doux, qui altère les aigus, afin de conserver une meilleure réponse impulsionnelle, donc de meilleures transitoires, et un filtre dur pour conserver toutes les hautes fréquences, mais en altèrant les transitoires. Wadia, entre autres, ayant été adepte de la première solution. Ce serait aussi un principe appliqué dans le mastering HDCD.
En réalité, cela vient d'une incompréhension de l'analyse spectrale : l'étalement des transitoires n'a lieu qu'à la fréquence de coupure (22050 Hz) et au-dessus. Aucun étalement n'existe en-dessous, dans le signal enregistré, ne serait-ce qu'à 21 kHz, même avec le filtre le plus agressif possible.
Gbo a contribué à démystifier cette légende ici (je conseille d'ailleurs la lecture de son guide du suréchantillonnage pour une meilleure compréhension :
viewtopic.php?t=29842033&postdays=0&postorder=asc&start=0 ), et nous avons largement illustré le sujet sur head-fi.org avec Jazz :
L'argument initial :
http://www.head-fi.org/forums/f133/impo ... ost5501442Je commence à démonter l'argument page 4 de la discussion, mais on passe aux choses sérieuses page 5 :
http://www.head-fi.org/forums/f133/impo ... ost5506514On aborde le "time smearing" (étalement des transitoires) page 8 :
http://www.head-fi.org/forums/f133/impo ... ost5516784Cela étant dit, comment faire un bon enregistrement en 16 bits 44.1 kHz ?
La technologie des DACs, en lecture, a depuis ses débuts adopté le suréchantillonnage pour bénéficier du filtrage numérique en opérant à plus de 4 fois la fréquence d'échantillonnage : conversion vers 176.4 kHz et plus, et traitement haute résolution en interne. Ainsi, tout DAC (hors les modèles NOS, que l'on peut qualifier d'ésotériques et colorés, car ils introduisent délibérément des distorsions) travaillant sur un signal 44.1 kHz opére en réalité entre 176.4 kHz et 11.2896 MHz de fréquence d'échantillonnage en interne, sans que l'utilisateur en soit informé.
Nous avons vu que le traitement numérique est également bien plus simple pour l'enregistrement que le traitement analogique. Et ce non seulement pour le filtrage, mais surtout pour la quantification, car on peut maîtriser totalement le dithering et son noise shaping. Par conséquent, un ADC censé numériser à 44100 Hz 16 bits sera bien plus efficace s'il numérise en réalité en 176 kHz 24 bits en interne, pour appliquer ensuite une conversion vers 44100 Hz 16 bits. Cette opération peut se faire sans que l'utilisateur en ait connaissance, comme un DAC suréchantillonne pendant la lecture.
Mais lorsqu'on produit des enregistrement musicaux, on souhaite pouvoir régler au moins le volume, et accessoirement compresser, mixer, etc l'enregistrement, avant de masteriser le produit fini à 44.1 kHz 16 bits.
C'est pourquoi l'opération de conversion depuis la haute résolution vers la résolution du CD est repoussée à la dernière étape au lieu d'avoir lieu dans l'ADC. On travaille donc en 24/96, 24/88.2 ou 24/48 jusqu'au dernier moment, et pour réaliser le master du CD, on passe en 16/44.1.
C'est donc pour une raison purement contingente que l'opération de conversion de la haute résolution vers la résolution du CD est visible. Normalement, sans mixage et sans mastering, un ADC réglé "nativement" en 44.1 kHz 16 bits devrait, pour une performance optimale, travailler en haute résolution en interne, et personne ne s'en apercevrait.