Haut-rendement, les fausses vérités
» 15 Jan 2006 14:20
Bonjour,
Nouveau sur ce forum, je peux donner l'impression de prendre le train en marche. Toutefois, je suis passablement peiné de voir combien le haut-rendement peut-être réduit à quelques poncifs tournant autour d'une approche limitante de l'idée même.
Si la plupart des réflexions lisibles ici sont statistiquement vraies, elles ne tiennent cependant pas compte de tous les paramètres, notamment ce que le HR, contrôlé, bien utilisé, procure d'intimité avec les interprètes, les instruments jusqu'à la couleur du vernis ou le grain des cuivres…
Il est vrai que l'approche même du haut-rendement est difficile, celui-ci n'étant guère disponible que par quelques rares objets manufacturés, souvent issus en droite ligne (même non avouée) de la sono pour les modèles à pavillon ou, pour le Large-bande, de réalisations artisanales au son souvent typé façon Lowther, Loth-X, Supravox, ou plus homogènes mais à la valorisation délicate telles les Ocellia, Black Forest, Bauhorn, Strad, Reps ou AER.
Le reste est le plus souvent l'assemblage plus ou moins inspiré d'audiophiles passionnés, quelquefois fanatiques, passant leur vie avec fer à souder, oscillo et tournevis à la main, obtenant parfois des résultats tout à fait exceptionnels, même si jamais totalement stables ou cohérents, et requérant l'air de rien une mise en œuvre qui, si elle n'était pas du domaine du bricolage plus ou moins avisé, coûterait une fortune. Mais certains de ces systèmes sont à même de prouver qu'il n'y a subjectivement aucun phénomène de projection lorsque l'association Chambre de Compression – Gorge – Pavillon, et la réalisation du pavillon sont maîtrisés. Les mesures que certains considèrent comme définitivement parlantes ne le sont qu'à condition d'accepter l'idée que des mesures plus poussées sur des systèmes conventionnels donneraient également des résultats alarmants ! Qui a réellement mesuré un haut-parleur à dôme à fort niveau sur un message musical et non pas un générateur ? Probablement personne, attendu qu'une telle procédure n'existe pas vraiment dans les normes. Mais nous devons tous convenir que - à l'exception de tweeters fortement ferrofluidés qui certes encaissent des déluges de watts mais en n'exprimant pas grand-chose de plus qu'un éventuel bel aigu filant haut mais sans impact et sans densité - puissance acoustique engendre systématiquement distorsion et projection.
L'usage du pavillon devrait être pensé dans un contexte d'utilisation plus confortable, à savoir avec du recul, afin de pouvoir bénéficier d'un de ses atouts majeurs : l'énergie ne s'écroule pas avec la distance, contrairement aux HP traditionnels.
En gros, plus on multiplie les chambres de compressions, mieux il vaut se reculer pour homogénéiser le tout.
Quelques réalisations artisanales mais commercialisées valent tout de même le coup d'être écoutées, telle par exemple, la jolie réalisation (d'un point de vue rendu sonore !) de chez Haut-parleurs Systèmes, le modèle Analogue, qui donnera une bonne idée de ce que peut-être un bon système à pavillon frontal.
Maintenant, pour lutter contre quelques idées reçues, il conviendrait peut-être de définir ce qu'est le haut-rendement. Je ne m'y aventurerai que du bout des doigts, sachant que déjà les critères sont variables selon les esprits. Vouloir donner une règle mathématique n'est pas une approche satisfaisante. Plus ou moins de 96 dB, 99, 104 ? peu importe : j'ai plutôt envie de considérer qu'il s'agit d'un état d'esprit, au sein duquel il y a des paliers, et des approches obliques timides. Je tends à penser que le haut-rendement ne doit pas être une quête en soit, mais le résultat d'une démarche globale : pour reproduire au mieux les impulsions musicales, qui, de fait, sont des transitoires purs, des HP aux équipages mobiles légers, aux BL élevés sont mieux placés pour y parvenir, sans s'inquiéter prioritairement de critères type Module de Young, vitesse de transmission du son dans les membranes et autres considérations pseudo scientifiques qui, concrètement, ne s'avèrent guère probantes.
Et, dans cet état d'esprit peut rentrer aussi le rapport à l'électronique en amont : le haut-rendement, n'est-ce pas au fond, la possibilité d'utiliser au mieux quelques électroniques exceptionnelles, de faible puissance, sans contre-réaction notamment, dont la magie, la volupté sont souvent prises en référence (tel ampli à transistor s'approche vraiment du son de la mythique 300B, combien de fois l'avons-nous lu ?), sans être vraiment connue, précisément parce qu'elle n'est pas facile à exploiter, à savourer, engendrant des simplifications de pensées, façon : les triodes sont molles dans le grave, n'ont pas d'énergie, etc… Simplifications hélas renforcées là encore par la statistique. Beaucoup de réalisations, beaucoup de snobisme, peu d'élus hélas. Et la déferlante chinoise, qui semble prendre un malin plaisir à limiter le tube à ses défauts (chaleur artificielle, grave envahissant et gras du bide, mollesse générale au lieu de moelleux, masse grasse au lieu de densité), n'aide pas à redresser l'image que quelques réalisations magnifiques et pas toujours hors de prix s'évertuent à maintenir noble et insurpassable.
Dans cette aperception du HR, des JBL K2, des TAD ou autres, n'ont de haut-rendement que les mesures. Pour le reste, elles demandent du jus et de la contre-réaction en masse (sans considération de qualité, je comprends qu'on puisse aimer ce type de reproduction, flatteuse, puissante, virile…), par le simple fait qu'elles associent - via un filtrage pas des plus légers - des HP aux équipages mobiles lourds (pour obtenir un grave profond et flatteur) et dont le rendement réel n'excède pas les 94 dB à l'air libre, avec des CdC de 104 dB ou plus !
Alors que, parallèlement, quelques réalisations plus convenues par exemple chez Mulidine ou chez Apertura, sont magnifiées par l'emploi de beaux amplis 300B, bien qu'elles ne soient pas à priori des chantres du HR et bien sûr à condition de ne pas attendre de telles associations de sonoriser un stade !
D'ailleurs, sur ce point précisément, ne part-on pas souvent sur une fausse piste : pourquoi l'idée du HR est-elle systématiquement liée à l'idée d'écouter fort !
Alors que le vrai bénéfice du HR bien maîtrisé est tout le contraire : le privilège, dès les plus bas niveaux, de bénéficier de toute l'expressivité de la musique, la sensibilité, le frémissement, la possibilité d'aller chercher des informations du côté du subliminal, où les enceintes traditionnelles demandent déjà un minimum de dB pour s'exprimer. Certes, à l'autre bout de la dynamique, on ira, sur quelques fortissimi plus loin également, mais sans que l'écoute à fort niveau soit une condition, un en-soit !
A partir de cette demande différente, les considérations changent, les effets de projection ou autres ne deviennent pas un mal nécessaire.
Passons rapidement sur les enceintes atypiques Audio-Note, qui ont des limites certes, mais que de musique, non ? à condition de ne pas chercher l'esbroufe mais la sensualité et le naturel, ou les Audio-Linéaire Y 21/2, correctement drivées, des deux voies toutes deux, utilisant des haut-parleurs pas ahurissants mais appartenant bel bien au domaine du HR y compris aux mesures (97 à 98 dB)…
Et enfin, s'il est vrai que, majoritairement, les Large-bandes ont tendance à corner, il existe quelques exceptions majeurs qui offriront un rendu moelleux, dense, plus rapide et naturel que n'importe quel autre système, révélant grain et jaillissement de timbres, au grave pas spectaculaire mais timbré, riche, pulpeux, vif et subtil, avec des dimensions d'instruments plausibles (bon sang, une contrebasse ne fait pas trois mètres de diamètre !), et à l'aigu puissant, donnant de la masse au son (mais ne montant pas inutilement et artificiellement haut sans matière et sans couleur comme la plupart des dômes) ; bien sûr, ces haut-parleurs d'exception exigent d'être bien employés, ce qui, c'est vrai, est difficile et engendre des créations bien plus complexes qu'un cumul de HP à deux balles dans des caisses extérieurement somptueuses…
AER, Reps, Fertin à excitation, voire même le modèle ferrite à condition d'accepter que son rodage est fort long (colles, fibrillation des cônes, etc..), ou même quelques Lowther dans leurs versions revues par Magavox, même si, selon moi, le Fertin Excitation, depuis qu'il a été revu en collaboration avec Fidelta, reste la référence, sans doute parce que délivré de l'obsession d'obtenir à tout prix l'équipage mobile le plus léger du monde… Mais quel moteur ! Ah, certes, l'emploi n'en est pas simple : des HP comme celui-ci peuvent facilement être laminés par une utilisation approximative, charge ou alimentation…
Le Phy-Hp, dont quelqu'un parle un peu plus haut. Oh certes, il est, utilisé seul, très limité aux deux extrémités, mais ce qu'il fait, il le réussit comme aucun HP consensuel. Et, somme toute, il n'est pas si difficile que cela à relayer en haut (FT 90 ?) ou en bas…
D'ailleurs, si Lowther existe toujours, Supravox, Yamamura, Fostex, n'est-ce pas la preuve, qu'on le veuille ou non, que même si la restitution doit être accompagnée de défauts rédhibitoires pour certains, les sensations procurées par ce type de LB ne se retrouvent nulle part ailleurs, hors toute considération de coût ?
La musique, bon sang, la musique, n'est-il pas temps de s'extraire de critères hifistes pour se recentrer sur l'essentiel ?
Désolé pour cette longue diatribe improvisée et désordonnée, mais je ne veux pas que l'image du HR soit systématiquement ternie par ce qui, je le répète, ne sont que des vérités statistiques mais pas absolues, d'autant que, si nous sommes honnêtes avec nous-mêmes, nous appliquerions la même sélectivité limite eugéniste pour à peu près n'importe quel autre système : un amoureux de Thiel ne jurera que par Thiel et regardera de haut le reste de la production, idem pour les adeptes de JMR ou Pro-Ac, Naim, peu importe, la liste des chapelles est longue…
Respectueusement vôtre…