Brel chante des marins d'Amsterdam qu'ils «pissent comme [il] pleure sur les femmes infidèles» — ce qui, pour le coup, me paraît mysogyne. Ajoutons-y les propos sur les hommes prêts à partir à l'aventure, et les femmes qui les retiennent en leur faisant des enfants (entretien de 71 dans le CD du récital à Knocke le Z) et il semble qu'on ne puisse pas conclure autrement.
Pour Brassens, je pense le cas différent. Ne disons rien de la Non-demande en mariage ou d'autres passages dans lesquels Brassens est plus libertaire et libre que nombre de nos contemporains.
Il y aurait certes le cas des paillardes, comme
Fernande. Deux lectures ou deux niveaux de lecture me paraissent envisageable.
Il semble donc, Fernande, Félicie, Eléanor le fassent bander. Mais Lulu ne le fait pas bander — ce qui du reste, est son droit: toutes les femmes ne sont pas bandantes, loin de là — les nonnes, les personnels féminins de l'armée de terre, Michèle Alliot-Marie, LMère Thérésa, Thatcher, Condoliza Rice, les chanteuses de la pop star' provoqueront, diront certains, des bandaisons différentes, proportionnelles à la propension bandatoire du mâle auquel elles s'adressent:
"la bandaison papa, ça n'se commande pas" — proposition, qui, pour ma part, qui me paraît d'une clarté biblique!
Mais il y a aussi une autre lecture, dans laquelle il ne faudrait pas oublier les couplets. Ce refrain relève en effet d'«Une mani' de vieux garçon» qui «agrémente sa solitude aux accents de cetet chanson», laquelle chanson «retentit dans la guérite de la vaillante sentinelle». Bref, elle est de celles que «chante le séminariste à genoux sur son reposoir» — raison pour laquelle Georges propose aux solitaires »d'en faire un hymne national».
Autrement dit, il est surtout question ici des manies onanistes des gardiens de phares, des séminaristes, des militaires et du Soldat inconnu! Non seulement c'est une chanson paillarde — genre noble s'il en est et méritant en soi qu'on lui consacre un volume — mais qui plus est, la chanson est ici à double sens:
de qui se moque-t-on? de la pauvre Lulu? Qu'on se rappelle de l'autre exclamation: «Gloire à Dom Juan qui fit reluire un soir ce cul déshérité ne sachant que s'asseoir…» — il me paraît plus probable que sont raillés dans Fernande les mâles masturbatoires prennant les femmes pour objets dans le temps même qu'ils s'avèrent incapables de les satisfaire.
Avec tonton Georges faut se méfier: le petit sourire en coin n'est jamais bien loin.
C'est ainsi que, quand il chante:
«95% sur cent, la femme s'emmerde en baisant: qu'elle le taise ou le confesse, c'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses — les pauvres bougres convaincus du contraire sont des cocus» — cela revient à incriminer les hommes… «Sauf quand elle aime un homme avec tendresse, toujours sensible alors à ses caresses, toujours bien disposée, toujours encline à s'émouvoir: elle s'emmerde sans s'en apercevoir! …/… C'est à seule fin que son partenaire, se croie-t-un amant extraordinaire, que le coq imbécile et prétentieux perché dessus ne soit pas déçu!». Il est des femmes mal baisées: ce dont la faute incombe aux mauvais baiseurs nous chantent le poète!
Et même s'il chante aussi (dans les Casseuses):
«Quand vous ne nous les caressez
Pas chéries, vous nous les cassez
Oubliez-les si faire se peut
Qu'elles se reposent un peu» — ce qui, pour le coup est effectivement, quelque peu mysogyne…
Dans Misogynie à part se trouve peut-être une explication:
« Misoginie à part, le sage avait raison:
Il y a les emmerdant's, on en trouve à foison,
En foule elles se pressent.
Il y a les emmerdant's, un peu plus rafiné's,
Et puis, très nettement au-dessus du panier,
Y'a les emmerderesses.
La mienne à elle seul', sur tout's surenchérit,
Ell' relève à la fois des trois catégori's,
Véritable prodige»
etc…
Je soupçonne franchement ici une charge hénaurme!! L'emmerdeuse étant dénoncée comme frigide et bigotte au point de lire du Claudel tandis qu'on lui prodigue à genoux des dévotions qui sont bien de chez nous, qui ne voit l'exagération et le comique de type grossissement proche de Rabelais?
Pensons au passage sur Claudel:
«qu'on aille chercher dedans son oeuvre pie
un aphrodisiaque, non ça c'est d'l'utopie» !! — dont j'ai à la maison une version chantée en public à Bobino le jour de la première en 1972: Brassens rit tellement qu'il est obligé de s'interrompre!
Alors, le débat reste ouvert, certes:
Brassens était-il misogyne? phallocrate? — ou un paillard libertaire?
Cdlt
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