GBo a écrit:Aucun musicien ne joue en imaginant ce que l'on peut entendre à trois mètre de lui, ou 5 ou 10
Rien n'est plus faux, à part Florent Pagny peut-être, et certaines formes de free jazz les plus débridées (mais pour d'autres raisons)
Plus sérieusement, les instruments de l'orchestre ne seraient pas conçus pour sonner aussi fort si tu avais raison (cf. les améliorations de Bohem qui ont donné la flûte traversière actuelle par exemple), ou pour les instruments un peu plus faibles, on n'en mettrait pas autant!
Un (vrai) chanteur lyrique s'entraine pour être entendu par 2000 personnes sans micro, est-ce que cela a du sens s'il ne chantait que pour lui? quelle serait la signification du "son d'ensemble" d'une section de cordes ou d'une chorale si chacun jouait/chantait pour ce qu'il entend? le son d'un violoniste meilleur de là où il est? mon oeil, c'est complètement déséquilibré.Non moi je veux entendre avant tout ce qu'entend le musicien qui joue de son instrument
C'est ta préférence, mais pas "le meilleur" puisque cela ne l'est pas pour tout le monde
Et cela pose un problème pratique d'ubiquité: quel instrumentiste choisir lorsqu'il y en a plusieurs dizaines dans un orchestre? Et oui, il faut commencer à mettre des micros partout (vachement naturel), et les problèmes techniques commencent (phase etc..). Mais ça se fait. Sur certains disques on entend même distinctement le "coup de potard" à la console destiné à "zoomer" sur un instrument...
Enfin je pense que les pros t'en parleront mieux que moi.
cdlt,
GBo
+ 1 avec GBO !
Un musicien, un chanteur ont besoin du retour de la salle pour jouer ou chanter. Et ils adaptent en permanence via le couple oreilles/cerveau leur son intérieur pour qu'ils correspondent à celui qui sera entendu par les auditeurs dans la salle.
Et on ne chante ni ne joue de la même façon dans une salle de 300 places, chez soi, ou dans une salle de 3500 places...
Mais le résultat est le même : si Pavarotti chante dans un restaurant en étant assis en face de toi : tes oreilles ne vrilleront pas, car il ne projettera pas sa voix de la même façon que s'il arrivait sur le plateau de Bastille...
Idem pour un pianiste ou n'importe quel instrumentiste qui peut jouer sur la différentiation de volume sonore, sur les attaques et autres paramètres du jeu...
Par ailleurs : un piano sonne beaucoup mieux à 3 ou 4 mètres de distance qu'à la place du pianiste... quand celui qui écoute ne joue pas lui même...
Idem d'un violon : la seule "vraie" différence entre un Stadivarius, un Guarnerius et un Pic ou un Steiner, quatre grands, grands facteurs de violon, par exemple : c'est que les deux premiers gardent leurs qualités dans une grande salle de 3000 places dans un concerto quand les deux autres perdront une partie des leurs....
C'est difficile à expliquer mais, par exemple pour le piano, le son est perçu différemment quand on le produit soi-même que quand on est assis à côté de celui qui joue...
Bref tout ça pour dire que la musique enregistrée est elle aussi toujours un compromis et dans le meilleur des cas elle réinvente une façon d'écouter voir de concevoir un instrument. Au disque le Pic et le Steiner joués par un grand violoniste sonneront comme lui le veut et comme si c'étaient des Strad ou des Guarnierius... Car le son est dans sa tête.
Le piano de Glenn Gould n'existe que dans ces disques... Il n'existe pas dans la réalité. Pour deux raisons :
1) il a cessé de jouer en public en 1964 (de mémoire);
2) le son émacié de ce piano, châtré dans le grave, clair est un mélange de ce que CBS faisait pour les autres pianistes de l'époque (cf. les disques de Rudolf Serkin, Philippe Entremont, Nelson Freire, Vladimir Horowitz), conjugué au fait que Gould enregistrait sur des antiquités de piano (comme Horowitz du reste dont le piano est un modèle ancien très clair avec des basses ronflantes), sauf les dernières années ou il a pris un Yamaha neuf (son plus rond, d'ailleurs d'un coup).
Le piano de Gould totalement infidèle à ce que l'on aurait entendu dans une salle de concerts (et les live de Gould d'avant 1964 ne sonnent pas pareil...) est une création artistique admirable.
Bref tout ça pour dire que les prises de son naturelles, vraisemblables, sont si rares qu'en entendre une peut être gênant...
Car beaucoup d'audiophiles ont un son intérieur qu'ils veulent absolument entendre. Quand ils ne l'entendent pas, ils décrêtent alors que ce n'est pas bon. Le problème c'est eux qui sont conditionnés. Mais ce n'est pas leur faute.
Alain
Alain