Il n'aura pas fallu bien longtemps pour que le Planet retourne définitivement dans son carton. L'espace du disque de démonstration n°14 de la NRDS aura suffit.
Ce qui frappe le plus, dès les deux premières plages, c'est le changement d'échelle de la scène sonore. Le violon, le piano, prennent tout à coup une ampleur qui les rapprochent de leurs dimensions en grandeurs natures. Les instruments présentent une matière plus étoffée, qui dessine des volumes plus crédibles. Le clavecin de la plage 3 se fait à la fois plus fin et plus charpenté. La voix de Marina Vlady et celle du soliste de la plage 13 acquièrent une humanité et une présence troublante.
L'espace sonore s'ouvre et s'épanche avec plus de volubilité. Le violoncelle de Sonia Wieder-Atherton vit maintenant dans un lieu que l'on ressent autour de l'instrument. Le soliste de la plage 13 chante dans une salle dont on entend le retour acoustique.
Les grandes envolées du piano de la plage 4 permettent de se rendre compte que les notes graves sont détaillées, différenciées et non plus amalgamées comme auparavant; leur timbre propre est maintenant audible. La harpe de la plage 10 en a fini de présenter des bosses agressives sur ces cordes les plus graves.
Le grave pourtant, ne se déploie pas avec toute la puissance espérée sur les percussions de la plage 10 ou sur les accords puissants de la 11e sonate de Beethoven. Qu'importe! On ne peut malheureusement tout attendre d'un lecteur. Il faut un amplificateur à la hauteur.
A la hauteur, tout d'abord, de la rapidité du lecteur. L'instrument à cordes de la plage Deli (n°12) explose littéralement, avec une rapidité phénoménale, complètement inédite chez moi. Comme on s'en douterait alors, les timbres retrouvent des couleurs et de la variété.
Quel beau piano nous avons sur la plage 5! Les frappés de mains sur la plage 14 présentent bien le caractère sec et le soupçon de frotté qu'il faut pour apprécier cette manière de jouer des percussions à peau. Et puis! Et surtout! Ah! La voix de ce chanteur guadeloupéen, un peu étranglée et grassouillette, avec une capacité émissive d'une si touchante insuffisance! Si l'on analysait ce que l'on entend, il faudrait dire que l'on devine le jeu de sa langue derrière les sons. Il faudra rendre justice à une telle intégrité, qui permet d'apprécier le son des instruments sans oublier de faire briller leur chatoiement de timbre naturel.
Il faudra aussi rendre justice au respect des rapports de proportions entre les sources émissives, cela dans le cadre de l'esthétique de la prise de son. Enfin, je comprends pleinement ce qu'est cet effet de loupe sur le violoncelle, cette présence de Marina Vlady et l'effacement de l'accordéoniste, pudiquement en retrait derrière elle.
Mais ne boudons pas notre plaisir. Ne nous privons pas d'être rasséréné. La plage 15 (clochettes) est très nettement moins bruyante qu'avec le Planet. Et surtout, quelle pureté de l'aigu! Aucun effet de flou ou de battement ne vient polluer le tintement cristallin! Si ce lecteur n'a pas l'amplificateur qu'il lui faut (car seul il ne transforme pas la chaîne au niveau qui pourrait être le sien), il a trouvé les enceintes qui lui conviennent, et dont j'ai depuis le tout début apprécié la qualité de l'aigu.
Le mariage est à ce point réussi qu'il me faut souligner que les disques suivants, écoutés pour la détente autant que pour le test (Céline Dion, Klubbheads, Alex Gopher) ne réveillent plus les duretés qui me hantaient depuis que j'ai installé ces Cabasse Iroise chez moi. Adieu la douleur, vive la douceur!
En fait, ce lecteur, à lui seul, fait sonner la chaîne comme si on y glissait subrepticement un honnête amplificateur à tube. Onctuosité, fluidité, mais en même temps netteté des attaques. Et, surtout, ce médium d'une texture admirable qui m'exalte. Une texture enrichie par de nombreuses informations qui passaient auparavant à la trappe. Que ce soit sur les sonorités électroniques d'Alex Gopher ou sur l'accompagnement de Céline Dion, les notes prennent tout à coup une
personnalité. Des notes, j'en surprends même là où je n'en entendais pas! Tel effet sonore sur Alex Gopher sort tout à coup du néant! Tel accord arpégé sur la plage 5 du disque NRDS apparaît soudainement!
La pâte sonore s'enrichit, et avec elle l'ambiance. Le piano de la plage 4 du disque NRDS est vivifié par ces bruits de chaise qui nous indiquent qu'il y a un homme à son clavier, et par ces bruits de cordes, de mécanique, ces résonnances boisées qui nous disent que l'instrument a une existence. Mais ce qu'il y a d'intéressant est que jamais ces détails ne se détachent, ne s'imposent, ne submergent la musique. Ils ne sont pas surimprimés au son, ils sont tissés dans sa trame, ce qui confère plénitude et cohérence à ce lecteur. Un lecteur qui ne projette rien à la figure, mais reste toujours maître de lui-même.
Mais trève de plaisanteries! Passons aux choses sérieuses et étudions le comportement de l'appareil sur le Sacre du Printemps (Boulez). Le progrès est là, assez net. La persistance des défauts d'équilibre de la chaîne aussi.
Dès l'introduction, on constate que les instruments de la petite harmonie sont localisés de façon beaucoup plus stable et précise qu'à l'accoutumée. Le positionnement latéral et en hauteur s'accompagne aussi de l'esquisse d'un positionnement en profondeur dans les rangs.
Les timbres et le détouré des cordes sont en progrès; l'enveloppe sonore produite par les instruments est intéressante: ce n'est pas une précision chirurgicale, mais bel et bien un détouré du corps de l'instrument accompagné de son volume d'émission.
Le plus frappant est la reproduction de l'acoustique du lieux de la performance! Le lecteur tire très bien partie de l'aptitude de ces Cabasses à reproduire des informations très au-delà du cadre des enceintes, et notamment sur les côtés. Il se forme comme une bulle, qui ne dépasse pas (encore?) l'auditeur pour aller dans son dos, et dans laquelle l'acoustique de la salle de concert efface et remplace celle de ma pièce d'écoute.
Cependant, il n'en demeure pas moins que l'on ressent une compression générale du message qui se traduit par une sensation de manque de liberté. La résolution, la focalisation reste nettement en retrait.
Vraiment, si cet appareil n'est pas parfait, au moins sais-je maintenant qu'il a
la signature que les Cabasse Iroise attendaient depuis longtemps. Encore heureux que j'ai auparavant mesuré l'amélioration stupéfiante qu'un bon amplificateur me procure. Car, sans cela, j'aurais peut-être rejeté ce lecteur pour son manque de nervosité et pour son léger flou. Mais cela, je sais maintenant que je ne peux l'attribuer à la seule source, car même le Planet savait se montrer nerveux, vif, rapide, précis avec un amplificateur qui avait ces qualités (Neodio, Etalon). Mais le Planet n'a pas la résolution de ce lecteur-là, encore moins ses timbres, sa
douceur et sa fluidité.
Alors tant pis: je continuerai à écouter de la musique encore un certain temps en rêvant de la sonorité finement ouvragée d'un Etalon ou d'un Neodio.... ou d'un autre amplificateur encore inconnu, car je sais maintenant tout le bien que je pourrais en tirer.
Ayant découvert les Cabasses Iroise, qui ont su me conquérir par l'entendement bien avant de faire mon bonheur, je m'étais dit guéri du virus de la haute-fidélité. Je me déclare maintenant en voie de convalescence.
Quelques mots, tout de même, sur l'objet de cette véritable déclamation.
Ce lecteur tout de noir vêtu en impose par sa finition cossue et sa fabrication robuste. La façade s'orne d'une fenêtre de verre luisant d'un noir profond où s'affichent en un bleu-vert fantomatique des informations écrites dans une police distinguée. Une sortie casque réglable est disponible. Une petite série de commandes toutes aussi noires que la façade s'alignent d'un côté de l'afficheur. D'autres touches plus discrètes en élégante finition laiton rehaussent l'ensemble d'une touche raffinée.
Le boîter rassure par sa rigidité extérieure, encore renforcée à l'intérieur par une armature en métal qui occupe presque la hauteur du boîter et qui le compartimente afin d'y loger les différentes parties du circuit. L'équipement interne est fixé sur l'épais plancher du châssis métallique, lui-même pressé par de nombreuses vis sur une contre-plaque en métal qui forme le fond apparent de l'appareil. Le verso du couvercle est renforcé par trois bandes stratifiées en époxy collées transversalement et il est découplé du chassis par des cales synthétiques. Quatre pieds faits d'une solide matière plastique, chaussés d'épaisses pastilles en matériau absorbant et découplés du boîtier par des rondelles en cuivre supportent la quinzaine de kilogrammes de l'appareil. Les vis de fixation ne sont pas centrées dans les pieds afin de varier et de diffuser les modes de résonnance.
Sur la face arrière gauche, une paire de borniers plaqués or au standard RCA pour les sorties analogiques. A l'arrière droit, l'embase secteur IEC. Au centre, une sortie numérique coaxiale au standard S/PDIF et une sortie optique.
La sensation tactile à l'usage des touches est agréable. Le tiroir qui surplombe l'afficheur s'ouvre avec discrétion. On est heureusement surpris par sa finition lisse et par sa solidité, plus encore par l'absence de jeu lors des mouvements. Les dimensions du baquet relèvent du sur-mesures: les disques s'y lovent comme dans un gant! Si la lecture de la table d'allocation se fait remarquer, la lecture des disques se fait dans un silence total. L'ergonomie et le confort d'utilisation de l'étroite télécommande sont remarquables.
C'est cependant au coeur de l'engin que l'on puise la plus grande satisfaction.
L'afficheur débrayable est isolé entre la façade et une plaque de blindage dans laquelle se découpe le passage du tiroir.
La mécanique à asservissement électronique est fixée aux renforts longitudinaux. En surplomb, la carte de gestion de la mécanique et de décodage des signaux numériques, carte à haute densité réalisée entièrement en composants de surface.
A côté de la mécanique, une vaste carte où est réalisée la conversion numérique/analogique et l'étage de sortie. Au verso de la carte, les signaux en PCM transitent par un premier circuit intégré comportant un filtre numérique à coefficient variable et le formateur de bruit avant d'être envoyés vers une unique puce unissant cependant huit convertisseurs numérique-analogique, soit quatre par canal. L'horloge maîtresse en composants discrets est placée tout à côté de la puce de conversion; le signal pénètre dans le convertisseur après être passé dans un étage tampon et il renvoyé vers les autres circuits numériques. Pour éviter le risque de fluctuation du voltage en sortie du DAC, les signaux issus des huit convertisseurs sont d'abord convertis en courant au sein de deux puces séparées et blindées par des feuilles de cuivre avant d'être sommés deux à deux puis envoyés en mode différentiel vers un circuit de conversion courant-tension. On remarque autour de ces puces plusieurs régulateurs de tension locaux et un copieux découplage à l'aide de condensateurs chimiques de très haute qualité, d'autres à film et le cas échéant par des condensateurs céramiques montés en surface immédiatement à l'entrée des puces.
Le filtre passe-bas est d'un type assez particulier, appellé GIC (General Impedance Circuit). Il est placé en parrallèle au trajet du signal. Ce dernier est ainsi vierge de tout condensateur ou ampli op en série! Et, partout encore, un copieux découplage réalisé à l'aide de condensateurs chimiques de grade audiophile (Nichicon Fine Gold Muse, Elna Silmic) et par des condensateurs à film. Presque toutes les résistances du circuit analogique sont des Riken RMG non-inductives à film carbone et sortie sur fil rigide en cuivre OHFC plaqué or. Les points de masse sont réalisés à l'aide d'une tige en cuivre.
Derrière le bloc de la mécanique, une carte portant neufs des 15 alimentations régulées, plus trois alimentations stabilisées pour des circuits secondaires. Certains radiateurs de régulateurs sont en cuivre, et les gros condensanteurs de filtrage de l'alimentation des étages de sorties sont amortis par des feuilles gauffrées du même métal.
Au dessus de ces alimentations, la carte de mise en forme du signal pour les sorties numériques.
Le dernier espace disponible est bien rempli par le filtre secteur et deux grands transformateurs d'alimentation à noyeau en R, un pour les circuits numériques, l'autre pour les circuits analogiques. Les transformateurs ne sont pas fixés directement au fond, mais reposent sur une platine en cuivre.
Cet inventaire (pourtant encore bien incomplet!) pourra aisément faire comprendre pourquoi ce lecteur se révèle infiniment supérieur à un Rega Planet!
Je vous laisse maintenant deviner de quel lecteur il s'agit. Les plus intelligents ont évidemement trouvé depuis un certain nombre de lignes!
Que personne ne triche