Arantius écrit : Harnoncourt ne possede pas "la verite", furt non plus, pas plus qu'aucun interprete... Et je pense que tous les interpretes en sont conscient... Si seulement tous les auditeurs pouvaient en etre aussi conscients...
Je suis totalement en phase avec cela. Et comment ! A partir d'un certain niveau de réalisation, c'est exactement cela... en dessous de ce seuil, ils peuvent avoir un peu tout faux
Seul le compositeur possede la verite, et personne ne pourra jamais la retranscrire exactement...
Cela pourrait se discuter, car des interprètes contemporains vivants, avec lesquels dont j'ai pu parler de cette donnée, avouent que des interprétations différentes de ce qu'ils avaient pu envisager leur ont fait découvrir un visage différent à une musique qu'ils avaient pourtant composée. D'autres, interprètes de leur propre musique, font parfois des choses un peu différentes de ce qu'ils écrivent en matière de tempo, voire de notes : Rachmaninov par exemple qui fait des ocatava bassa ou supra pour mieux sortir de l'orchestre : il compose en jouant et d'une certaine façon ses enregistrements ont une valeur musicologique et une valeur en tant que texte très importante.
Un vieil exemple : Fauré disant à Clara Haskil qui venait de jouer Thème et variations : "Je ne pensais pas avoir mis tant de musique dans cette oeuvre. Surtout ne changez rien".
Maxwell : je pensais bien à ce que tu précises : un piano chez Mozart n'a pas le même sens que chez LVB ou Prokofiev. Une note pointée ne s'interprète pas de la même façon chez LVB que chez Mozart. Il y a un texte fondamental sur les tempos mozartiens aux Oxford University Press par Jean Pierre Marty.
Un exemple connu : comment battre le mouvement lent du Concerto en ut majeur KV 461 ?
Chez LVB comment interpréter les tempos et les indications de mesure des variations de l'Opus 111 ? Comment jouer les accords qui précèdent l'arioso de l'Opus 110 : en crescendo ou sans ? Comment augmenter le son après son émission quand l'accord est tenu dans le mvt lent de l'opus 106 ? Et d'autres joyeusetés de ce genre. Quant à la musique de piano de Brahms, parfois on en perd son allemand...
Quant aux partitions imprimées : les symphonies de LVB, comme des partitions beaucoup plus récentes (La mer de Debussy, par exemple), sont bourrées de fautes dans les éditions utilisées de façon courrante.
Les partitions LVB de Furt sont bourrées de fautes, celles de HVK aussi. ça ne les empêche pas de bien diriger cette musique. Mais ils ne la dirigeraient pas plus mal, s'ils avaient des partitions moins fautives et moins surchargées d'indications, de corrections de prétendues fautes d'harmonie. Le premier des deux chefs ne s'en préocuppaient pas; le second un peu plus, pas énormément mais un peu plus. Il est du reste souvent très nettement plus fidèle dans le respect des nuances dévolues aux cuivres...
Il faut certes, et tu en seras le premier d'accord en tant que chef, faire la différence entre une partition fautive ou pas et ce qu'un interprète en fait. Mais on ne peut pas reprocher, en l'occurence à Harnoncourt, qui en tant qu'interprète ne m'émeut pas toujours, de s'intéresser de près aux sources pour commencer à travailler sur un texte qui soit le plus propre possible.
Surtout, on ne peut le disqualifier au nom de la prétendue mise à mal du texte beethovénien, car il changerait du tout au tout pour faire ce qu'il veut, quand finalement certains auditeurs prennent pour des fautes de ce chef... ce qui n'est que le rétablissement d'une grande partie des volontés de LVB.
Après on a le droit de dire : "j'"aime pas. Moins de dire qu'il déforme tout. En tout cas, ces deux premières symphonies sont des joyaux.
Ces façons de faire - s'intéresser de très près aux sources ; ne pas y prêter une grande attention - domine l'interprétation de la musique depuis le début du XIXe siècle et divise le monde des interprètes en deux. La pratique sur instruments anciens qui remonte à la fin du XIXe siècle, ainsi que les recherches qui vont avec, se sont simplement amplifiées pour le pire et le meilleur.
Au moins, ça oxygène.
Mais je crois sincèrement que si d'un coup de baguette magique, on pouvait effacer le nom de quelques chefs de notre mémoire, la perte serait moins grande de rayer celui de Barenboim que celui d'Harnoncourt dans le répertoire des symphonies de LVB et de Mozart. Et il se trouve que j'aime plutot bien celles de Barenboim, mais elles ressemblent trop à ce que l'on connait par ailleurs en mieux réalisé en plus convaincant et émouvant.
Quant à Klemperer : il appartenait à l'école dite de la nouvelle objectivité qui a marqué l'Allemagne des premières décennies du XXe siècle, dans la suite esthétique des écrits de Busoni.
Comme HVK, Kleiber père, Schuricht; Szell, Reiner et d'autres, il a été marqué profondément, un électrochoc, par les concerts donnés par Toscanini dans l'Allemagne des années 1920.
Il n'est pas inintéressant de savoir que ces chefs là on suivi la première tournée de l'Italien en Allemagne et qu'ils ont écrit leur fascination pour la révélation qu'ils ont été pour eux... dans l'interprétation justement des symphonies de LVB. Ce qui a provoqué l'ire de furt et de Pfitzner du fait qu'un rital ne pouvait rien comprendre à l'ame allemande.
Comme Wagner, jeune débarquant à Paris, pas encore le grand Wagner de la fin, pas encore post romantique donc, l'avait été un siècle plus tôt en découvrant le LVB de la Société des concerts du conservatoire : "il n'y a qu'à Paris qu'on entend les symphonies de Beethoven jouées comme elles doivent l'être."
Alain