» 02 Jan 2021 13:31
Quelques compléments d'explication...
Warner Bros et New Line faisaient partie depuis le début des années 90 du même groupe, Time Warner. Comme HBO, New Line appartenait au groupe Time Life, qui avait fusionné avec Warner Bros pour former un nouveau conglomérat. New Line était toutefois resté très autonome et se targuait parfois du fait que le patron du studio n'avait jamais rencontré son homologue chez Warner Bros. De fait, dans les années 90 et au début des années 2000, on était en pleine phase "cinéma indépendant" et chaque major avait sa division dédiée à ça (Searchlight pour Fox, Miramax/Dimension pour Disney, USA/Focus pour Universal, etc.). Pour Warner, New Line (qui avait plutôt fait dans le cinéma de genre et d'exploitation dans les années 80) remplissait ce rôle. Ils avaient des accords de distribution et d'édition vidéo avec WB aux USA, mais pour tout le reste, New Line faisait ce qu'il veut et avait des accords de distribution à l'international en place avec plein d'autres boîtes à l'étranger. Dont Metropolitan FilmExport en France. Typiquement, ce genre de contrats doit courir, si ce n'est à perpétuité, sur des décennies.
New Line avait été la seule boîte à miser sur une trilogie de Peter Jackson autour du Seigneur des anneaux. Ils n'avaient pas encore de gros moyens pour La Communauté de l'anneau, mais le succès du film les a fait changer de dimension. Après la fin de la trilogie, il y a eu toutefois une série de contentieux juridiques sur les parts que les uns et les autres étaient censés toucher, dans la grande tradition de la "comptabilité créative" chère à Hollywood, et New Line ne voulait plus bosser avec Peter Jackson sur d'autres projets liés à Tolkien.
New Line a donc misé sur une autre trilogie, celle de Philip Pullman, À la croisée des mondes (His Dark Materials). Le premier film, La Boussole d'or, a été un fiasco commercial, tuant d'emblée toute perspective de tourner les deux suivants. Au même moment, le patron du studio revenait à la réalisation avec Mimzy, le messager du futur, un autre bide. L'année d'après, New Line a été absorbé par Warner Bros. C'est alors devenu une boîte de prod qui développe des projets au sein de Warner, plus ou moins un "label" pour des comédies ou des films de genre (ils font maintenant les Creed, par exemple). Depuis l'absorption, les nouveaux projets New Line appartiennent intégralement à Warner, et l'accord avec Metropolitan ne s'applique donc plus dessus. Mais New Line avait bien entendu toujours le copyright sur la musique, le design (style aspect de Gollum) et plein d'éléments du SdA. Jackson n'aurait pas pu les contourner et passer par un autre studio s'il voulait produire ou réaliser Le Hobbit et maintenir une continuité avec la trilogie qu'il avait déjà faite.
Pour Le Hobbit, il y avait aussi un truc assez tordu qui est que MGM détient les droits de distribution sur toute adaptation, sans avoir pour autant les droits d'adaptation. Dans la pratique, ils sont co-producteurs de la trilogie (c'est d'ailleurs eux, pour se faire plus de cash, qui ont poussé à ce que ça soit une trilogie), moins en apportant de l'argent qu'en accordant à Warner ces fichus droits de distribution. MGM était déjà à l'époque une boîte exsangue, qui n'aurait pas pu réunir en solo le financement des films, et qui n'avait plus non plus les moyens ou la structure pour les distribuer. Mais ce sont eux qui ont fait pression pour que ça devienne une trilogie tout en maintenant la date de sortie du premier film, quitte à délayer la sauce de façon grossière (une autre piste aurait été de tourner Le Hobbit en deux parties, et de faire un troisième film assurant la jonction avec le SDA, mais ça aurait évidemment pris plus de temps).