Comme convenu, Olivier
Même si la forme et le déroulement de ce compte-rendu laisse à penser qu'il s'agit plutôt d'un test en bonne et due forme, il n’en est rien. Il ne s’agit que d'un retour d'expérience, profondément empreint par la subjectivité de son auteur sous l’emprise de l’émotion procurée par le chant d'une de ces merveilleuses boîtes à musique surnommées Casques.
C’est pourquoi je compte sur votre compréhension et votre indulgence. Merci de garder cela à l’esprit lors de vos interventions.
Voili, voilou, il ne me reste plus qu'à vous souhaiter une bonne lecture !…Comme j’ai coutume de le dire : Non seulement il y a une vie après le boulot, mais j’affirme mordicus qu’il y en une aussi avant ! Le boulot est donc coincé pile-poil entre les deux et il n’a pas intérêt à broncher celui-là, nom mais des fois !!!
Bref, tout ça pour vous imprégner du fait que les congés revêtent dans mon esprit et dans mon cœur un caractère sacré.
Mais alors, quel coup du sort avait bien pu se produire pour que je me retrouve devant mon écran, à clavioter furieusement, quelques jours avant cette reprise professionnelle ô combien fiévreusement attendue comme vous vous en doutez désormais !
A cause d’un woody, mais attention pas n’importe quel woody, puisqu’il ne s’agit ni plus ni moins que du plus célèbre d’entre eux : Le RS-1, dit "mèche courte" !
Encore un Grado ?!! Et oui, on n’échappe pas à son destin, ou alors un truc dans le même genre. Je vous laisse tout le loisir d’en décider :
- Le destin : Appuyer sur la touche 1.
- Un truc du même genre : Appuyer sur la touche 2.
- Pour les indécis : Restez en ligne, une hôtesse va vous répondre… Enfin, je l’espère pour vous.
Bon, on a assez rigolé à présent, passons aux choses sérieuses.
A tort ou à raison j’ai le sentiment que le, ou plutôt, les RS-1 occupent une place à part dans le cœur des aficionados de la marque. Après tout, on peut tout à fait être emblématique d’une marque sans être forcément positionné au plus haut sommet de sa gamme.
Jusqu’à récemment j’ignorais qu’un RS-1 en cachait plusieurs autres. Si j’ai tout compris, il semble que la saga du RS-1 commence en 1995 et s’avère régulièrement parsemée de diverses modifications d’ordre cosmétique : Couleur du bandeau d’arceau, des drivers, des chambres, des boutons, du style de sérigraphie, sans oublier la référence et enfin le packaging. Et aussi des modifications d’ordre sonore, au travers des drivers, câbles et pads... Pfiou, quelle histoire !
Avant le mien, référencé Classic et précédemment baptisé Semi-Vintage, il y eut donc les RS-1 Super Vintage et Vintage A avec leurs superbes coffrets de bois, puis les Vintage B, les Classic (mon mien !) S’ensuivront les Buttonless RS1 (qui perdent aussi leur tiret pour la petite histoire) et le dernier en date répondant au nom de RS1i pour improved. Voilà, ça devrait être tout, enfin sous réserve de n’avoir rien omis ou mal interprété.
Chacun des Grado que j’ai eu l’opportunité d’essayer jusqu’à présent m’a apporté son lot de surprises. Le RS-1 a-t-il fait figure d’exception ? Tss tss tss, ne brûlons pas les étapes, siouplaît.
C’est pour qui le classieux coffret en bois avec Grado gravé sur le dessus ? Arf… Pas pour moi, à moins de passer commande auprès du constructeur. Ces coffrets semblent en effet avoir été l’apanage des RS-1 Super Vintage et Vintage A, versions autrement plus coûteuses que la mienne en seconde main, prestige oblige. J’hérite donc ici d’une solide boîte en carton qu’il serait tout de même injuste de qualifier de boîte à pizza... ou alors, à la rigueur, de boîte à pizza de qualité supérieure.
Il semblerait qu’aucun adaptateur 6,35/3,5 mm n’était fourni avec mon exemplaire. Si c’est effectivement une généralité, c’est assez choquant. D’une part, vu les spécifications en matière d’impédance et de sensibilité du RS-1 lui permettant l’usage d’une source de type baladeur même si je reconnais volontiers que sa conception ouverte n’est pas adaptée à une utilisation nomade dans n’importe quel environnement. D’autre part, vu le rang qu’il occupe en tant que fer de lance de la prestigieuse gamme Reference Series... Mais, surtout, avec le tarif qui est le sien !
Enfin, passons au RS-1 lui-même à présent. Ce Casque est une plume. De facto, mes ultimes à priori au sujet des modèles supra-auraux s’évanouissent. Aucune pression ne se fait sentir, je bouge la tête naturellement, sans contrainte ou appréhension. Les bowl pads (L-Cush) en mousse ne me procurent pas ou très peu d’irritations. Le câble monobrin inamovible d’une bonne section ne s’entortille quasiment pas. L’arceau métallique, similaire à celui du SR325i s’avère suffisamment large et très robuste, habillé d’un élégant bandeau de cuir noir à la finition soignée. Quant au look… On laisse le côté cheap et on conserve tout le reste : Visuellement je confesse volontiers qu’il fait son petit effet, ses chambres en mahogany (acajou) rehaussant superbement son look vintage. C’est la Grande Classe quoi…
A mon avis, cette boîte à musique-là, c’est bel et bien en compagnie de SUPERTRAMP, DIRE STRAITS, TOTO, Chris REA, PINK FLOYD, THE MOTELS, YES et consorts qu’elle chantera le mieux : Plutôt de l’énergique, du frénétique et évidemment du métallique, même si je ne suis pas friand du genre.
Frétillant d’impatience, j’attaque illico avec
telegraph road. Je dresse l’oreille, la profondeur n'est pas le point fort des Grado, néanmoins l’intro laisse percevoir un étagement des plans (pour un Casque) certes serré, mais distinct.
Si les Grado que j’ai écouté jusqu’alors ont bien un point en commun, c’est celui concernant la présentation : Frontale, celle du RS-1 ne fait pas exception à la règle, étant bien plus large et plus haute que celle du SR125. Je percevrais très vite que la bande passante ne change pas seulement sur le papier (12 Hz à 30 kHz) vis-à-vis de celle du SR125.
Quid de la sonorité alors ? Difficile de répondre précisément, car ce premier galop d’essai m’a fait valser cul par-dessus tête. C’est qu’il s’emballe sacrément l’animal !
Un peu sonné par ses ruades, j’en conclus vite qu’entre mon RudiStor avec la capacité dynamique qui est la sienne et ce Grado qui n’est pas d’une nature à être soutenu et à fortiori boosté sur cet aspect, la synergie n’est pas idéale. Le mieux est parfois l’ennemi du bien, ça semble être le cas ici, tout au moins en ce qui me concerne.
Branché sur la sortie bas-gain, le RS-1 dégage tant d’énergie qu’elle écrase détail et ambiance, là où le SR125 s’en sortait avec brio. N’ayant pas d’autre ampli Casque, j’emprunte à ma fille mon ancien préampli B & K PRO10, qui fut le prédécesseur du RudiStor.
C’est bien ce que je pensais, le RS-1 fait preuve d’une vitalité hors du commun sans que cela vire au matraquage dans les forte. Le léger tassement de la dynamique que j’avais constaté par le passé avec le PRO10 en devient avantageux. Hormis l’étroitesse de l’image, je dois dire que la sortie Casque de ce préampli délivre globalement une sonorité qui me plait davantage que celle du RP-33 SE. Mais il va bien falloir composer avec ce dernier, au moins pour l’instant.
Tant qu’on n’a pas tout essayé… Zou ! Je décide de tenter une seconde chevauchée avec le RudiStor, cette fois sur sa sortie haut-gain. C’est un peu moins confus, les envolées des guitares grimpent toujours aussi haut, avec un peu plus de modulé, de délié. Mais l’association ne fonctionne pas réellement pour moi. Ce n’est plus seulement sur la dynamique dont le duo fait preuve, mais aussi sur les pointes dans le haut-médium/aigu qui ont tendance à me tinter désagréablement aux oreilles.
Concrètement, en repassant à la volée du RS-1 au SR125, je perçois parfois davantage de nuances et de subtilités avec ce dernier, alors que le RS-1 lui est pourtant nettement supérieur. Le SR125 se paie donc, dans un premier temps, le luxe de souffler la première place au RS-1 ! Y a comme un problème, là non ?
Cogitations : J’ai l’impression que les amplis large d’épaules, aux gros biceps tatoués ne sont pas du goût du RS-1. C’est avec un autre genre d’amplis qu’il faudrait l’associer et à tubes de préférence, semble t-il. Oui, mais lequel ? Un Mapletree Audio Design ? Un Melos ? Un Musical Fidelity ? Un WooAudio ? C’est une sacrée gageure, la plupart de ces bestioles batifolant généralement outre-Atlantique.
Tiens, tiens… Et pourquoi pas un SinglePower ? A l’instar d’un PPX3-6CG7 retubé se trouvant juste à quelques encablures et ne demandant qu’à être cordialement invité à se joindre quelques jours à un RS-1 et davantage si affinités !
Et voilà comment, quelques jours plus tard, mon infortuné RudiStor et ses transistors se retrouvent, il faut bien l’avouer sur la défensive, partageant au moins provisoirement le devant de la scène avec ledit SinglePower à la fort seyante robe noire laquée, subtilement auréolé du rougeoiement de ses tubes. Bienvenue à bord matelot !
Ma danoise de platine, une Thule CD150B, en est toute retournée. Pensez-donc, RP-33, PPX3 et PRO10… Pas moins de trois sémillants cavaliers qui tout d’un coup se disputent la faveur de l’inviter au bal !
Est-ce le fait de l’avoir associé, voltage natif U.S. oblige, à un transfo 110/220 Volts de forte puissance ? En tout cas, le niveau de la dynamique régresse, mais autant que je l’avais supposé, en dépit du fait que le RudiStor est d’une conception double mono en Classe A, contrairement au SinglePower. De prime abord, je dirais que cela claque un peu moins et que le rendu des basses est aussi moins impacté. Mais ce Casque dégage tant d’allant et d’énergie !
Je commence tout de même à me poser des questions : Le punch du RS-1 serait-il alors uniquement à mettre en cause ? Pour la bonne et simple raison qu’il est trop excessif à mon goût ?
Les écoutes avec le nouveau venu seront éloquentes. C’est vrai, la dynamique dont fait preuve le RS-1 ratatine tout ce que j’avais connu auparavant, mais cette fois l’association fonctionne dans la mesure où le PPX3 apporte cette pondération et cette touche de rondeur dans le haut du spectre qui font défaut à mon RP-33 SE. Que reste t-il à ce dernier alors ? Oula ! Pas mal de choses, je trouve : Une présentation plus large, plus aérée, davantage de punch donc (?!!!) et un zeste de transparence en plus. Choix cornélien alors ? Non, le SinglePower sera vite désigner comme l’heureux élu.
Doux Jésus, je n’avais jamais encore entendu la guitare de Chris REA (
set me free) être aussi flamboyante. Là où un K340 me donnait l’impression que ses envolées touchaient le ciel dans le lointain, avec le RS-1 c’est devant moi que celles-ci l’ouvre en deux pour le traverser dans un ultime cri de défi aux accents d’une clarté qui me laisse pantois. J’en sortirais certes un peu groggy mais totalement aux anges !
YES
owner of a lonely heart,
changes, THE SCORPIONS
holidays,
still loving you et j’en passe… Les extraits qui s’ensuivront me confirmeront que sa restitution des guitares électriques est un pur bonheur, mais quel talent ! Rugissantes, aguicheuses, plaintives ou grondantes, j’ai du mal à imaginer un instant qu’elles puissent laisser de marbre ! Le SR125 n’était qu’une mise en bouche. Le RS-1, c’est le grand festin !
L’un des grands atouts du RS-1, c’est son médium. Il ne ressemble pas à celui du SR325i, d’une telle froideur que j’en frissonne encore, brrrr… Il ne ressemble pas non plus à celui du SR125, plus équilibré, plus policé. Il ne s’apparente pas pour autant à celui d’un K340, même s’il possède un charme certain, alliance de clarté et de chaleur. Ici, le K340 restera indétrônable, comme de coutume.
Et ces basses… Quel punch ! Il faut entendre
private investigations avec ce Casque. Si elles ne sont pas abyssales, ni pléthoriques, elles n’en possèdent pas moins une fulgurance et un impact époustouflants.
DIRE STRAITS (20th Anniversary Edition) -
brothers in arms -
why worry (4.00 mn)Je le confesse volontiers, je suis sur un petit nuage à l’écoute de la partie purement instrumentale du morceau. Spatialisation, expressivité, nuance... Si je n’irais pas jusqu‘à dire que la musique déborde des écouteurs il n’en reste pas moins que durant une poignée de minutes, je me régale, souriant au son des instrus qui s'ébattent en toute liberté, les échos subtils des guitares et des claviers aériens s'interpellant tout à tour. Je ponctue doucement de la tête envers cette batterie qui se la joue sobrement percutante… Wow ! Le RS-1 sait aussi faire magnifiquement vibrer la corde sensible si j’ose dire.
DIRE STRAITS (Edition Super Bit Mapping) -
love over gold -
love over gold Les notes du clavier, papillonnantes, progressent de la gauche vers la droite pour revenir à leur point de départ, semblant tâtonner quelques instants avant de s’éteindre graduellement (5.26 mn/6.07 mn)Eloquent : Le RS-1 ne laisse aucune chance au SR125, lui qui faisait ma joie depuis quelques semaines, en termes d’ouverture. L’image se déploie davantage, la progression des notes est plus perceptible.
Mais attention, tout Casque a ses forces et ses faiblesses y compris au niveau qui est le sien. L'excellence omniprésente, l'absolue polyvalence demeurent avec le RS-1 comme avec chaque autre, inaccessible et illusoire.
Katie MELUA -
call off the search -
lilac wineLa voix s’élève, étincelante, en zébrant le silence qui l’entoure (3.00 mn)Mmm… Je recherche confusément quelque chose. Tout est trop proche, trop confiné. Le RS-1 ne parvient pas à me faire baigner dans l’ambiance du lieu, qui devrait se faire fugacement l’écho du lyrisme exprimé à cet instant, là où un HD 800 ou un K1000 y étaient parvenus et avec quelle maestria ! Dommage, car la force et la clarté dont le RS-1 a su faire preuve avaient de quoi faire chavirer le cœur.
Tom McRAE -
tom mcrae -
untitledDès l’ouverture les notes de piano s’égrènent, fluides et limpides. Et une poignée de secondes plus tard cette voix qui s’élève, aux accents d’une âpreté si poignante… L'impression de proximité entre l'auditeur et l'interprète est saisissante. Et je suis à nouveau viscéralement convaincu que c'est, avant toute autre chose, cette intimité qui m'a attiré irrésistiblement vers cette voie... au point qu'elle soit devenue la seule qui me satisfasse.
Le piano s’exprime avec une conviction dénuée de brutalité pour s’apaiser sur l’extinction de la note finale (3.19 mn) Le RS-1 est mis en difficulté par son équilibre tonal, davantage orienté vers le haut-médium. Si les notes de piano sont restituées avec beaucoup de finesse, de clarté et de sensibilité ; Elles manquent de matière pour que l'émotion dont je suis la proie soit totalement à son comble. Et puis il y a aussi cette coloration qui altère une véracité que j'attends plus forte dans les accents de la voix du songwriter.
Et oui, inutile d’espérer une restitution des voix comme je l’avais trouvé avec le DT 880 et le grain particulier qu’il savait leur donner. Il faut accepter le fait que la fidélité, l’équilibre ne sont pas le propre du RS-1. Il restitue la musique à sa façon avec la présentation, la signature, le sens du rythme et la séduction qui lui sont propres.
Evidemment, c’est le lot commun de la plupart des Casques, comme le DT 880 précité. Mais avec lui, je trouve que cela s’avère encore plus éloquent. L’équilibre tonal du RS-1 tire vers le haut du spectre et la rondeur dont fait preuve le SinglePower ne remettra tout de même pas en question la sonorité « brute de décoffrage » du RS-1. La douceur n’est pas dans sa nature, il n’est pas taillé pour cela. Soyons lucide, il peut être éprouvant par sa sécheresse, sa fulgurance, sa vitalité. De facto, quelque soit ce qu’il restitue, on ressent l’énergie du RS-1, à fleur de peau, prête à bondir toutes griffes dehors dès la moindre sollicitation.
Certains Casques laissent à leurs auditeurs le loisir de vagabonder ou d’être contemplatifs… Impossible de se laisser aller à ça avec lui. On ne parle plus ici d’écoute, mais de ressenti avec le RS-1. On n’entend plus, on VIT la musique à travers ce Casque en battant la mesure du pied, de la tête... Ce Casque, c’est un peu comme un feu d’artifice sauf qu’il ne partira pas dans tous les sens simplement histoire d’illuminer le ciel. Chaque couleur, chaque figure de style est telle qu’il veut qu’elle soit. Si le RS-1 sait être bougrement festif, il n’en tient pas moins fermement les manettes.
De cette rencontre, j’aurais tendance à distinguer deux philosophies de restitution : L’une que je qualifierais de « cérébrale » à l’instar des Casques comme le DT 880, le K340, le K1000 ou autres Stax. Une voie faite de sobriété, de pondération, de douceur, de rigueur…
…Et l’autre que j’intitulerais de « viscérale » dont le RS-1 incarne le plus haut degré à ce jour en ce qui me concerne. Une voie résolument typée, énergique, omniprésente, organique…
Rien de péjoratif là-dedans cela dit, j'apprécie autant les deux voies au gré de mes envies, de mes humeurs...
Rebelles ou élégiaques, sèches ou électriques… Dieu que les guitares sonnent magnifiquement à l'écoute du RS-1 !!!
Août 2009