Jean-Pierre Lafont a écrit:Bon, puisque je suis cité plusieurs fois, je me permets d'intervenir.
D'abord, je dois recadrer les choses, car on déforme très vite sur les forums.
Concernant l'anecdote de l'ISE à Amsterdam. Je ne critique pas les performances du Trinnov. C'est un excellent égaliseur et il m'arrive de le recommander.
Je dénonce seulement l'attitude pas très fair play d'un démonstrateur trop zélé. Il faut avoir été sur place pour comprendre. Imaginez une enceinte trois voies. Vous retirez le HP medium et vous ajoutez une quinzaine de dB sur les basses. Les voix sont inaudibles et les basses bourdonnent à vous donner la migraine. Et là, le démonstrateur dit: "vous écoutez actuellement un système d'écoute dans des conditions normales".
Et bien que ça plaise ou non aux défenseurs de ce produit, moi je maintiens que ce type a pris les visiteurs pour des imbéciles.
Affaire terminée.Concernant l'égaliseur en général. Que lui demande-t-on ?
De compenser les anomalies apportées par: les modes stationnaires, les modes pariétaux, les réflexions précoces, les échos flottants, les couplages avec les parois, les couplages mutuels, les colorations induites par les matériaux, la vibration des objets et l'excès de réverbération.
Ok, on ne va pas reprendre tous ces points, je vais en citer trois seulement, en prenant soin de ne pas parler de marque, ni même d'électronique.
1- Les modes stationnaires se manifestent par des écarts de pression importants (25 à 40dB) entre les différents endroits de la pièce (pensez en 3D). La position des noeuds (creux) et des ventres (bosses) de pression est stable d'où l'appellation "stationnaire" mais elle est différente pour chaque fréquence. Il est donc théoriquement facile avec un égaliseur de compenser les écarts d'amplitude fréquence par fréquence en un point donné.
Cependant, deux problèmes se posent. Un égaliseur de salle ne peut travailler qu'en atténuation. En prenant l'amplitude moyenne comme référence 0dB, si vous mesurez -30dB à une fréquence, vous devez baisser la fréquence voisine d'autant pour la mettre au même niveau. A la fin toutes les bandes de fréquences qui étaient autour de 0dB seront atténuées d'une trentaine de décibels au moins.
Ceci a plusieurs conséquences. D'abord, il faut que l'égaliseur soit capable d'une telle atténuation, ensuite vous avez perdu 99,9% de la puissance. En supposant que l'enceinte ait besoin de 2 watts pour produire le niveau d'écoute initial, il faudra lui donner 2000 Watts à certaines fréquences pour retrouver ce niveau après égalisation.
A ceux qui pensent qu'un écart de 30dB est exagéré, je tiens à leur disposition environ 1500 relevés de mesure qui prouvent le contraire. De tels écarts sont présent dans 99% des pièces d'écoute.
Donc, première utopie.
Ensuite, c'est très bien de compenser une anomalie en un point, mais que ce passe-t-il au fauteuil voisin ? La distance qui sépare un creux d'un ventre de pression vaut une demi longueur d'onde. Si vous avez une bosse à +6dB à votre position et un creux -25 un mètre plus loin, en atténuant la bosse, vous creusez davantage cette fréquence pour votre voisin car l'égaliseur applique la même variation partout.
C'est le point faible des égaliseurs, les écarts de pression relative en fonction de la position géographique restent constants.
2- Les réflexions précoces. Quand une onde réfléchie par une surface parvient à un auditeur une demi longueur d'onde en retard avec le signal direct, leur phase relative est opposée. L'amplitude résultante n'est pas complètement nulle car la surface ne réfléchit pas 100% de l'énergie, (seulement 95 à 99,9% en valeur statistique pour une paroi lisse en maçonnerie) mais elle est très faible.
On peut admettre que l'égaliseur va compenser l'anomalie au point de mesure. Mais le chemin parcouru par la réflexion perturbatrice n'est pas le même pour vous et pour votre voisin. Lui n'a pas observé de phase opposée et la correction qui est bonne pour vous ne le sera pas pour lui.
Certains objecterons que la mesure est moyenne avec plusieurs prélèvements ou avec plusieurs micros ou avec un micro à tête multiple, etc. Oui, la mesure est moyennée... mais la correction aussi. Supposons 2 auditeurs A et B. Avant la correction A recevait -26dB et B recevait 0dB. Avec correction moyennée A reçoit -13dB (c'est moins mal) et B reçoit +13dB (c'est moins bien). Où est l'intérêt?
3- Enfin on peut citer la réverbération. Les filtres à convolution inverse (quel que soit le procédé utilisé) renvoient l'image miroir négative des anomalies mesurées. En théorie, cette image contient la réverbération qui sera donc supprimée ou au moins atténuée. C'est mal connaitre la réverbération qui est phénomène diffus et aléatoire. Cela signifie que les réflexions contenues dans un champ réverbéré ne se produisent jamais deux fois de la même manière au même endroit. La correction calculée puis mémorisée dans l'égaliseur n'a pas d'effet sur la réverbération (à ne pas confondre avec la décroissance énergétique qui englobe les modes stationnaires et pariétaux).
Bon, j'arrête là. En résumé, la correction électronique peut compenser une partie des anomalies acoustiques dans une zone très restreinte dont l'étendue évolue avec la longueur d'onde, donc la fréquence du signal.
L'égaliseur ne peut pas corriger une surface occupée par plusieurs personnes. Son utilité sera donc très limitée dans un home cinéma.
Il est impuissant devant la réverbération.
Par contre, il corrigera très bien les écarts de la réponse en fréquence d'une enceinte.
L'égaliseur électronique est précieux quand on l'utilise dans un environnement acoustique sain, c'est à dire une pièce qui possède déjà une correction passive. Les écarts d'amplitude sont faibles et l'égaliseur permet de peaufiner pour obtenir une réponse encore meilleure.
Enfin, l'égaliseur peut donner l'illusion d'un mieux dans une pièce non traitée quand il s'adresse à un auditeur unique.
Mais dans l'état actuel de la technologie, un égaliseur, aussi sophistiqué soit-il ne remplacera pas une égalisation passive. Ci-dessous la réponse mesurée pour les trois enceintes de façade dans la régie A du studio de la Seine à Paris. Ces courbes ont été relevées sans égalisation électronique et sans autre réglage que le niveau du sub par rapport à la façade. (Enceintes Genelec 1038B, Sub 2x7071A)