Coffret Pierre Etaix
Criterion, 2013 (US)
BD-50, Zone A
Rupture1.33, N&B
1080p, AVC, débit vidéo moyen : 15707 kbps
French / Dolby Digital Audio / 1.0 / 48 kHz / 192 kbps
STA, amovibles
La copie est plutôt belle et très propre, mais des faiblesses ont évidemment subsisté. En particulier, le bord gauche du cadre reste souvent plus clair que le reste de l'image, au demeurant bien contrastée, et dans l'ensemble, la stabilité du cadre est variable. Cependant, la définition est dans l'ensemble très satisfaisante, malgré une mise au point pas toujours parfaite, et la restauration a été effectuée avec un beau respect du grain d'origine (ce sera le cas pour tous les films du coffret). Au vu du résultat final, il est en tout cas difficile de soupçonner des éléments d'origine quasi-irrécupérables (ce qui est, là aussi, le cas pour l'ensemble des films du coffret).
La piste sonore est ce qu'elle est et rappelle directement sa conception : les bruitages ont été enregistrés un peu à la va-vite, complètement séparément du tournage, et sonne donc assez étrange. Il y a parfois un côté très chaotique dans la piste qui lui donne un manque de clarté. Cependant, l'accompagnement musical, lui, est très clair. Enfin, de légers craquements se font entendre à 2-3 reprises mais rien de gênant.
Image : 8/10
Son : 6.5/10Heureux anniversaire1.33, N&B
1080p, AVC, débit vidéo moyen : 15639 kbps
French / Dolby Digital Audio / 1.0 / 48 kHz / 192 kbps
STA, amovibles
Plus belle que celle de Rupture, et plus homogène aussi, l'image d'Heureux anniversaire confirme l'impression donnée par la restauration de Rupture : une restauration respectueuse et efficace, même si quelques défauts d'origine subsistent invariablement, et quelques plans restent donc en retrait d'un point de vue du piqué.
Le son s'améliore aussi légèrement, grâce à un enregistrement d'origine de meilleure facture, et la piste est ainsi plus nette et surtout plus agréable à l'oreille.
Image : 8.5/10
Son : 7/10Le soupirant1.66, N&B
1080p, AVC, débit vidéo moyen : 23956 kbps
French / LPCM Audio / 1.0 / 48 kHz / 1152 kbps / 24-bit
STA, amovibles
Equivalente en rendu à Heureux anniversaire, la copie HD du Soupirant est d'excellente tenue. Un grain fin est, à nouveau, retenu et respecté, et le piqué et le niveau de détails sont régulièrement agréablement surprenants (on ne peut, évidemment, que regretter qu'Arte n'ait pu sortir de coffret Blu Ray de ces films en France). La copie est très stable, et immaculée, avec un contraste bien géré, permettant une belle palette chromatique.
La piste mono s'inscrit dans la continuité, avec un accompagnement musical clair et assez ample (et ne saturant jamais), mais aussi un bon rendu des dialogues, qui restent intelligibles et rarement sourds.
Image : 8.5/10
Son : 7.5/10
Film : 7.5/10Yoyo1.66, N&B
1080p, AVC, débit vidéo moyen : 23975 kbps
French / LPCM Audio / 1.0 / 48 kHz / 1152 kbps / 24-bit
STA, amovibles
Même rendu global que Le soupirant : copie extrêmement propre et stable, grain fin retenu, remarquable piqué et très bon niveau global de détails (certains plans, comme dans le bureau de Yoyo en fin de film, sont particulièrement beaux).
Même combat aussi pour le son, malgré une poignée de lignes de dialogues un peu moins claires que les autres. La musique est là aussi très claire et ne sature jamais.
Image : 8.5/10
Son : 7.5/10
Film : 7.5/10Inspiré par Chaplin et Linder, entraîné par Tati (pour qui il dessinera plusieurs affiches), Etaix est aussi clown de formation (sa femme, Annie Fratellini, 1ere femme Auguste de l'histoire, formera d'ailleurs les cirques et l'académie Fratellini), musicien, dessinateur, réalisateur du tout 1er film au format Omnimax, et doux rêveur avant tout. Bref, un touche à tout resté modeste, comme de peur d'être comparé à ces modèles, et dont les films, bloqués par un imbroglio juridique, sont restés invisibles pendant 20 ans.
Ses films sont à cette image : amusants et constamment inventifs, avec un sens du rythme et du comique trouvé dans le moindre recoin de la vie quotidienne, Etaix s'y amuse à transformer en gags tout ce qu'il trouve. Avec sa silhouette fine et allongée, son élégance récurrente, quasi mondaine, et son visage comme absorbé par l'horizon, difficile d'ailleurs ne pas penser à Keaton et à son sens du comique burlesque, où toute action banale devenait une folle aventure.
Son 1er court métrage, Rupture, part ainsi d'une histoire toute bête : un homme, qui vient de se faire plaquer par sa petite amie, va passer le court métrage à se battre avec sa table, son papier et ses stylos afin de lui écrire une lettre de rupture.
Dans son 2ème court, Heureux anniversaire, notre héros passe son après midi à chercher dans Paris des cadeaux pour fêter son anniversaire de mariage avec sa femme. Peine perdue, évidemment, lui se battant avec les embouteillages parisiens, elle picorant pendant ce temps le repas qu'elle avait préparé pour cette occasion. Là aussi, un point de départ banal ouvre un horizon de périples.
Dans les 2 cas, le sens du rythme et du détail fait la force des courts métrages.
Etaix est concis, drôle, jamais répétitif ou ennuyeux, et les 2 courts témoignent déjà d'une thématique qui reviendra régulièrement : le calme apparent du héros face à un environnement qui semble lui en vouloir. La frustration pointe doucement, jusqu'à un final qui, le plus souvent, emmène notre héros ailleurs : dans Rupture, sa chaise à bascule l'envoie par la fenêtre. Dans ses 2 longs métrages suivants, il s'émancipera de ses parents (et finira, symbole évident, dans un quai de gare) ou finira par fuir l'endroit à dos d'éléphant.
Le soupirant, son 1er long métrage, et probablement le mieux accueilli par la critique et le public, retrouve ces éléments : la transformation du quotidien en aire de jeu géante, l'anecdote et le détail devenant propices à un absurde décalage comique.
C'est ainsi que le héros passera une séquence entière à ramener chez elle une jeune femme dans sa chambre, située dans les étages d'un hôtel particulier, elle perdant ses chaussures et vêtements dans les escaliers, au grand dam des habitants passant par là, croyant que le protagoniste la déshabille sans aucune pudeur à même la cage d'escalier.
Dans la lune (presque littéralement, le héros étant passionné d'astronomie), fantasmant sur une star (nommée Stella...), passant le film à essayer de rencontrer une fille pour lui sans voir celle qu'il a sous les yeux, notre soupirant traverse l'écran complètement ailleurs : étranger aux choses du flirt, étrangers à la communication avec ses parents ou avec sa fille au pair suédoise. Et lorsque le héros finit par accéder aux coulisses du show où doit apparaître Stella, c'est en fait lui la bête de foire, l'élément source d'action, et non tous ces acteurs et clowns et danseurs gravitant dans le music hall.
Pour son 2e long, Etaix fracture sa narration, là où Le soupirant était très direct : dans Yoyo, un millionnaire (Etaix) se retrouve ruiné suite au krash de 1929, retrouve son ex femme qui travaille dans un cirque avec Yoyo, son fils (leur fils, en fait), et part avec eux pour devenir clown. Ellipse subite. 10 ans plus tard, le fils a grandi, et Yoyo, devenu clown lui aussi, est maintenant joué par Etaix.
Le film est aussi morcelé formellement : les 30 1eres minutes, situées en 1927, sont du cinéma muet, sauf pour quelques bruitages sonores. Puis, le film avance en 1929, et avec l'arrivée du cinéma parlant, le film le devient lui aussi (bien que, chez Etaix, les dialogues soient rarement nombreux et/ou vitaux).
Thématiquement, cependant, le film reste cohérent avec ce qui précède. Tout d'abord avec une construction des gags souvent inventive et visuelle, Etaix transformant tout dans des jeux d'échelles et de cadrages : on croit voir une cheminée, c'est en fait le haut d'une caravane; une peinture de nature morte devient un trompe l'oeil inversé où un servant cache une bouteille de whisky; et lorsqu'Etaix dit au revoir à une charmante gymnaste de cirque dans un couloir d'hotel, c'est pour mieux que le bout du couloir s'illumine, et donne directement sur la piste étoilée où la gymnaste s'élance alors.
Mais surtout, Etaix profite de Yoyo pour mettre en scène le monde du cirque qu'il aime tant.
Yoyo est avant tout un film sur un clown, imaginaire mais aussi bien réel. Etaix est un clown, il aime faire le clown, et lorsque le film boucle la boucle, ramenant le fils en fin de film là où était le père en début de film, c'est à dire enfermé dans une tour d'ivoire, tous puissants mais profondément mélancoliques et bourrés d'ennui, c'est pour mieux s'échapper à dos d'éléphant, comme dans un rêve d'enfant. Comme quand Yoyo avait 10 ans.
Magique et poétique, le cinéma d'Etaix l'est sans aucun doute.