Bonjour à tous,
Olivier (Le daim), Robert et moi avons eu le plaisir d’être reçus dans le studio d’Igor. C’est avec un vif plaisir que nous avons eu l'occasion de découvrir l’antre d’un preneur de son dont nous apprécions tout particulièrement le talent. Jusque-là, je n'avais eu l'occasion d'écouter que deux de ses réalisations et, sans aucune flagornerie, je n'hésite pas à affirmer que qu'elles font, toutes deux, partie du cercle très fermé de mes références absolues en la matière.
Nous avons pu en découvrir de nombreuses autres tout aussi remarquables (Igor, s'il était possible d'en obtenir un petit listing, ce serait merveilleux…). Pour celui qui souhaite se faire une réelle idée du niveau atteint par son installation, l'écoute de chacune de ces plages peut être extrêmement révélatrice.
Ceci étant dit, passons à l'écoute proprement dite. La première partie de la séance a été consacrée à la comparaison de plusieurs réglages. Nous avons alterné les écoutes :
- avec et sans convolution,
- avec convolution en phase minimale ou linéaire
- en filtrage IIR, sans convolution (quelques courts instants).
La convolution avec phase linéaire s'est rapidement imposée. Restait le choix entre deux courbes : la petite dernière, la "11" et celle précédemment préférée par Igor, à savoir, la "8". Olivier, Robert et moi sommes rapidement tombés d'accord pour préférer la 11, à nos yeux, nettement plus équilibrée et musicale.
Restait un dernier paramètre susceptible de modifications : le niveau du SW. L'échelle des réglages permettait d'évoluer entre 15 et 23. Les premières écoutes se sont faites à 23, puis, Igor a alterné les valeurs de 21 et 23. Bien que ces variations ne soient que de l'ordre de quelques dixièmes de dB, j'ai demandé à Igor s'il était possible d'obtenir la valeur intermédiaire de 22 et, très rapidement, Robert et moi sommes tombés d'accord pour considérer que le meilleur équilibre était obtenu de la sorte. Olivier, quant à lui, trouvait la main gauche du piano plus expressive sur 21.
C'est sur la courbe de convolution 11 et avec le SW à 22 que ce sont poursuivies les écoutes. Si Olivier préférait, le plus souvent, rester confortablement assis à la place droite du canapé, Robert et moi avons, pour chaque plage écoutée, alterné les positions centrale et latérale. Il est important de signaler que notre préférence pour la courbe 11 et le niveau du SW à 22 était très claire pour les deux points d'écoute et que les effets bénéfiques de la convolution restaient perceptibles en position latérale.
Les récents commentaires de tubeaddict ont suscité la polémique. Je n'entends absolument pas m'immiscer dans ce conflit mais il est une chose que je me dois à la vérité de dire. Igor nous a fait écouter la courbe qu'il avait présentée à tubeaddict et à son accompagnant. Il s'agissait de la courbe de convolution 8 avec le niveau du SW à 15 (ou 17, je ne me souviens plus parfaitement, Igor précisera). Je l'ai dit clairement à Igor, si c'était là ce qui nous avait été présenté, nos conclusions auraient été bien moins enthousiastes que ce n'est le cas aujourd'hui.
Après l'évaluation des réglages, reste à situer l'installation d'Igor par rapport à ce que nous propose généralement la haute-fidélité.
Lorsqu'il s'agit d'analyser la qualité sonore d'une installation, il faut, selon moi, distinguer deux types de caractères sonores. Les premiers peuvent être explicités par un vocabulaire aisément compréhensible par tous. Je place dans cette catégorie la description :
- d'un déséquilibre tonal
- d'une coloration tant par excès que par défaut,
- des caractéristiques de l'image sonore tridimensionnelle (largeur, profondeur, ponctualité…)
- de l'aptitude de l'installation à respecter les écarts de dynamique et, en particulier, à reproduire des niveaux sonores élevés sans écrêtage ni distorsion ou sensation de tassement.
Soyons clairs, sur tous ces plans, l'installation d'Igor offre des prestations de haut niveau. Une écoute aussi dépourvue de réels défauts se rencontre rarement dans le cadre de la haute-fidélité commerciale et certainement pas au cours des écoutes de salons ou chez des revendeurs. Seuls quelques rares particuliers y arrivent par expérimentations successives et après de longs tâtonnements.
Nous savons tous à quel point, pour Igor, l'obtention d'une image tridimensionnelle de qualité et, en particulier, une focalisation précise représentent des critères qualitatifs de grande importance. Ça tombe bien, il s'agit là d'un sujet qui me passionne depuis bien longtemps. L'an dernier, sur un forum aujourd'hui disparu, j'avais effectué une présentation détaillée de mon installation, suivie d'une "journée découverte". Les aptitudes tridimensionnelles de mon système représentent le point qui, à en croire les CR, a le plus impressionné mes visiteurs.
En cette matière, je n'ai aucune prétention à avoir inventé la pierre philosophale mais, à force d'expérimentations et tâtonnements, je crois avoir assez bien fait le tour des conditions qu'il convient de réunir pour obtenir une bonne image 3D. Un examen attentif de l'installation d'Igor me pousse à croire que peu de ces critères sont réunis dans son studio. Il ne me semble, dès lors, pas étonnant de constater que, sans convolution, la tridimensionnalité n'est pas au rendez-vous. La bonne nouvelle est que, pour ceux qui, en raison des contraintes de leur environnement domestique, ne peuvent satisfaire ces critères, la convolution permet, pour une très grande part, de "rattraper le coup".
Face à une même installation, les ressentis tridimensionnels peuvent varier fortement d'une personne à l'autre et je suis fort curieux savoir si, lors de la visite qu'il m'a promise, Igor partagera ma perception selon laquelle l'image que j'ai pu obtenir chez moi est encore plus ouverte et profonde sans, pour autant, manquer de focalisation.
Un de mes deux grands questionnements en abordant notre visite chez Igor était le suivant : la perfection de la phase permise par la convolution apporte-t-elle une dimension nouvelle à la spatialité ? Par rapport à ce qui peut être obtenu par des voies plus naturelles, à condition de mettre les petits plats dans les grands, ce n'est pas ce qui m'est apparu ce dimanche. Toutefois, je le répète, ce fait n'enlève rien à l'intérêt de la convolution dans un environnement où le perfectionnisme audiophile est limité par des contraintes domestiques.
Mon autre sujet de curiosité était de découvrir jusqu'où la notion de "courbe cible" associée à un arsenal de mesures dernier cri et aux connaissances scientifiques de haut niveau d'un Jean-Luc Ohl pouvait nous amener. Bref, jusqu'à quel point, la qualité sonore est-elle objectivable ?
Je l'avoue franchement, sur ce point l'écoute faite chez Igor s'est révélée troublante. Sur le chemin du retour, Robert m'a dit : "A bien y réfléchir, si on tient compte de tous ce que nous considérions, jusqu'ici, comme les critères qu'il est nécessaire de satisfaire pour obtenir une bonne écoute, Igor a tout faux… sauf que ça marche, et même drôlement bien." C'est aussi mon sentiment. Est-ce la plus belle écoute que nous ayons faite dans notre vie ? Aucun de nous trois ne le ressent ainsi mais nous sommes unanimes à la placer dans notre top 10 personnel. (Je tiens à rappeler que, si nous n'avions pas pu écouter la courbe 11, nos conclusions auraient été fort différentes…)
Dans cette configuration, l'équilibre subjectif est excellent et la cohérence des registres très réussie. La sonorité légèrement typée Focal que semblait encore présenter le tweeter en configuration 8 est, ici, gommée par le rééquilibrage général. L'articulation sur les cordes est excellente et le médium à dôme en béryllium offre une très bonne sensation de rapidité.
Le grave me laisse un sentiment un peu plus mitigé. Grâce à l'excellent SW, il descend très bas sans efforts. C'est particulièrement sensible sur les notes les plus profondes de l'orgue. En fait, il s'intègre de manière tellement harmonieuse aux autres registres que, dans les notes continues, il se fait parfaitement oublier, ce qui, pour moi, représente la plus belle qualité que l'on puisse attribuer à un grave. C'est lorsqu'on lui demande de brutales accélérations, qu'il me convainc parfois un peu moins. Dans Bartók, toutes les formes de percussions ne me semblent pas passer avec un égal bonheur. A certains moments, cela semble parfait puis, l'instant d'après, je ressens quelque chose de bizarre, en tout cas, de différent de ce à quoi je suis habitué. Où se trouve la vérité ?
Je termine ce chapitre consacré à la première catégorie de critères subjectifs en soulignant les excellentes aptitudes dynamiques du système. Les volumes sonores importants ne lui font pas peur…
Reste à aborder un domaine où, entre audiophiles, l'incompréhension peut être grande. Certains ressentis apparaissent aussi clairs et évidents à certains que, au travers du vocabulaire utilisé, obscurs, voire chimériques, pour celui qui ne les a jamais ressentis. Grand X parlait de "queues des notes" et BPhil de "silence entre les notes". D'autres utilisent des expressions comme "transparence", "sensation de matière", "présence de micro-informations", "air autour des instruments et des voix", "micro-dynamique" et, enfin, l'arme absolue de l'incompréhension mutuelle : "musicalité". Quels que soient les mots utilisés, les réfractaires ne se laisseront jamais convaincre que, aussi maladroites que soient nos tentatives pour exprimer un ressenti "indicible", celui-ci n'en correspond pas moins à une réalité évidente pour toute personne qui en a pris conscience. La discussion sur un mode rationnel n'apporte que d'inutiles conflits et la révélation, si elle se produit un jour, ne pourra venir que d'une écoute transcendante…
Sur l'ensemble de ces critères éminemment subjectifs et émotionnels, nos craintes étaient grandes en venant chez Igor. J'ai déjà mis les pieds dans quelques studios de monitoring et, à une certaine époque, j'ai pas mal fréquenté les salons professionnels où j'ai pu assister à quelques démos d'enceintes actives. Je me souviens tout particulièrement de plusieurs écoutes organisée par une marque (pour éviter le carton rouge, je ne la nomerai pas) que d'aucuns considèrent comme le top mais qui, à mes yeux, représente, surtout, le top mondial de l'anti-musicalité. Heureusement, l'installation d'Igor n'a rien à voir avec ces caricatures musicales et, je dois bien le reconnaître, nous avons été très heureusement surpris de lui découvrir de réelles qualités de transparence, de matière et d'aération. L'heureuse surprise nous aurait-elle rendus trop indulgents ? Sur plusieurs critères, il me semble qu'on peut encore aller plus loin. Je songe, en particulier, à la sensation d'aération et d'espace que j'ai l'habitude d'avoir plus développées chez moi. Je suis curieux de voir si Igor partagera mon ressenti.
Bien sûr, les objectivistes purs et durs s'offusqueront de notre étonnement. N'est-il pas tout naturel qu'un système dont la mise au point technique a été poussée aussi loin sonne de manière parfaite ? Je n'entrerai pas dans cette polémique qui, de toute façon, ne déboucherait sur rien. Je me permettrai simplement de signaler que, lorsqu'on remonte dans l'historique de ce sujet, cela doit bien être la dixième version "parfaite" qui est proposée à l'auditeur et qu'Igor nous a avoué qu'il était très heureux que la séance de dimanche, initialement prévue il y a quelques mois, ait dû être reportée.
Comprenez bien que je n'ai rien contre la mesure. J'y recours même abondamment et un avec un matériel relativement sophistiqué. Tout ce qui peut concourir à objectiver la qualité sonore représente, à mes yeux, une avancée majeure. Mettre un système au point à l'oreille demande une oreille éduquée et des aptitudes qui ne sont, malheureusement, pas à la portée de tous. Je serais la personne la plus heureuse du monde si, pour aller jusqu'au bout des potentialités offertes par mon matériel, je pouvais, grâce aux miracles d'un algorithme concocté par J.L. Ohl ou un de ses confrères, obtenir en quelques minutes ce qui me demande des dizaines (des centaines ?) d'heures de travail "à l'oreille". Si, en plus, il était possible de s'affranchir de la nécessité de disposer d'un local aux qualités acoustique de premier plan ainsi que des contraintes liées à un positionnement des enceintes qui, pour être optimal, ne peut pas être très waf, on pourrait, enfin, parler de véritable démocratisation de la très haute-fidélité et ce serait merveilleux. Le travail entrepris par Jean-Luc et par Igor est du plus haut intérêt pour tout audiophile et je suis vraiment heureux que la notion de "courbe cible" permette, déjà, d'arriver aussi loin. Toutefois, pour quiconque a un minimum d'oreille, il est clair que nous sommes face à une histoire en train de s'écrire et non à un ensemble de certitudes fixées depuis belle lurette… Bien entendu, je n'oblige personne à penser comme moi.
Igor, encore un tout grand merci pour ton accueil et pour cette journée si instructive. J'espère vraiment te voir bientôt parmi nous.
Paul