jfacoustics a écrit:Près d’un an et demi après la première écoute, nous voilà appelés, Olivier, Robert et moi, à évaluer les évolutions de l’installation d’Igor.
Les aléas de la route ont retardé notre arrivée et la séance d’écoute prévue avant le déjeuner doit être annulée. C’est, donc, autour d’une bonne table et dans une ambiance chaleureuse, que nous mesurons, une nouvelle fois, toute l’étendue de la passion d’Igor pour son métier. Ses longues et patientes recherches destinées à obtenir une reproduction sonore aussi fidèle que la technique le permet font partie intégrante de sa démarche professionnelle. L'une des missions essentielles de son installation consiste à lui offrir un "parfait" outil d’évaluation de ses enregistrements. Bien que cette démarche se confonde, sur de nombreux points, avec celle d’une quête audiophile, je ne pourrai, tout au long de l’écoute, m’empêcher de ressentir à quel point elle possède ses propres exigences. Une focalisation ultra précise et l’assurance que les timbres reproduits par les voies droites et gauches soient d’une identité rare font partie de ces impératifs spécifiques. Les tests du bruit rose et de la voie parlée nous démontrent l’excellence atteinte sur ces critères.
La guitare et le piano nous amènent au sommet de ce que le système peut offrir. L’instrument présente de très beaux timbres et une réelle sensation de matière tandis que l’acoustique du lieu de l’enregistrement est rendue dans ses moindres détails. Du grand art…. J’avoue, toutefois, ressentir un léger malaise devant une image sonore dont l’ampleur a, délibérément, été sacrifiée à l'hôtel de la ponctualité.
En matière d’équilibre, tant le piano que la guitare se distinguent par une forme de luminosité que je ne connais pas à ces prises de son. L'effet est, ici, particulièrement agréable et procure une sensation de rapidité et de vivacité qui enchantent.
Von Bingen et Barbara me confirment, toutefois, que cette beauté est un rien surnaturelle et, comme moi, mes deux compères notent qu'une légère mise en avant des fréquences aigues donne aux voix un penchant aigrelet. Igor nous signale que, par rapport à la dernière courbe publiée, le niveau du tweeter a été relevé d’un dB. Un commutateur nous permet de revenir au réglage initial et d’effectuer des comparaisons instantanées.
Comme aucune des deux positions ne donne pleine satisfaction, la suite de l’écoute se déroulera en faisant appel à un réglage intermédiaire (+0.5dB). Le compromis ainsi obtenu est fort bon mais, si je pouvais agir librement sur la courbe d’égalisation, je tenterais l’expérience de créer une légère pente qui laisserait la zone environnant de raccord entre le tweeter et le médium à +1dB tandis que, par une baisse progressive, elle finirait, dans l'ultime octave supérieure, par se superposer à celle publiée récemment. Née des comparaisons entre l'écoute en positions centrale et latérale du canapé, cette proposition ne représente qu’une hypothèse que seule l’écoute pourrait valider. Comme je ne connais rien à la convolution, j’ignore si le travail exigé par sa concrétisation demanderait beaucoup de temps et d’énergie. A Jean-Luc et Igor de voir si le jeu en vaut la chandelle.
Il est plus que temps, à présent, d’en venir à l’objet de notre visite : quelles sont les principales évolutions depuis l’année dernière ? Le progrès le plus marquant concerne le grave, aujourd'hui, cohérent et parfaitement intégré au reste du spectre. La main gauche du piano ainsi que les extraits de Bartók nous le confirment à souhait. Les tambours de la Misa Criola par Carreras sont propres et correctement articulés (un piège terrible pour toute installation) mais la scène sonore n'a pas toute l'ampleur ni, surtout, la profondeur auxquelles je suis habitué.
Il me reste à conclure en m'excusant auprès d'Igor pour le caractère tardif de ce CR et en le félicitant pour les remarquables progrès accomplis depuis notre dernière visite. Au niveau de l'espace et des sensations de liberté que procurent un local plus grand et un positionnement plus libre des enceintes, la convolution ne peut abolir entièrement les lois de la physique. Elle représente, néanmoins, une voie de recherche extrêmement intéressante lorsqu'il faut composer avec le WAF et les contraintes architecturales. J'attends avec impatience le moment où sa mise en œuvre sera plus conviviale et, par le fait même, à la portée d'un plus grand nombre de passionnés. Le chemin parcouru depuis l'an dernier nous prouve que, là où bien des audiophiles auraient attendu le progrès d'un énième et hasardeux changement de matériel, Igor obtient une avancée plus tangible par un vrai travail de fond sur la mise au point.
Igor, encore un grand merci pour ton accueil et à bientôt dans un pays, qui malgré la proximité du lieu-dit, n'est pas toujours si morne plaine…
Bien amicalement,
Paul
Mon cher Igor. J’approuve tout-à-fait le compte-rendu de Paul au sujet de notre dernière visite chez toi. Je dois avouer que je l’ai laissé s’exprimer le premier car je connais sa faculté d’analyse qui lui permet non seulement de donner un avis global sur la qualité d’une installation (il a estimé que la tienne avait atteint un très haut niveau et je partage cette appréciation) mais également de mettre le doigt sur ce qui constitue les particularités du tissu musical que nous avons entendu (la parfaite architecture de la structure sonore, que ce soit celle d’une voix, d’un instrument ou d’un ensemble de musiciens, la clarté du message qui, si l’on en croit le témoignage de Syber, se confond avec la réalité de ce qui a été enregistré à la condition d’en accepter la dynamique). A mon âge, l’acuité auditive se perd et je préfère laisser à Paul ou à d’autres le soin d’émettre un avis éclairé sur les questions de haute voltige audiophile. Mon unique terrain de chasse est désormais la seule musique car c’est ce que je suis encore capable d’appréhender à peu près convenablement, même si les hautes fréquences (au-dessus de 5.000c/s)me sont désormais inaccessibles. Je puis encore heureusement entrer en contact avec le sens d’un morceau de musique et en ressentir toute la beauté qui, quoi qu’on en pense, n’est heureusement pas réduite à la composante sensuelle d’une courbe de réponse.
C’est ainsi par exemple que je me souviens d’avoir entendu la nonne (des antiennes de l’abbesse von Bingen écrites au 12ème siècle et admirablement chantées par Mme Schroeder, une de tes très remarquables réalisations), que j’avais déjà entendue lors de ma précédente visite, il y a plus d’un an, et que je connais bien car je possède le disque. Ce qui m’a frappé, c’est la parfaite représentation de la cantatrice dans l’espace stéréophonique et le parfait agencement des harmoniques de la voix qui donnaient une grande humanité à cette interprète invisible. Pourtant la voix était plus éthérée que celle que j’avais l’habitude d’entendre chez moi et l’acoustique du cloître où l’enregistrement a eu lieu moins enveloppant. Je t’en ai fait la remarque et tu m’as répondu que c’était la volonté de l’interprète d’être ainsi produite, dans la pureté de sa voix de soprane. Cela illustre bien la différence relevée par Paul, différence entre le désir de l’ingénieur du son d’entendre reproduire par son installation ce qu’il a voulu mettre dans son enregistrement et ce que l’auditeur demande à sa chaîne : le plaisir d’entendre une musique reconstituée selon son propre imaginaire. Je dois avouer que mon imaginaire préfère entendre la nonne chanter au milieu d’un cloître comme elle a sans doute chanté de son vivant sous les voutes gothiques de son couvent que d’entendre Mme Schroeder sans architecture, toute bonne soprane qu’elle soit. Cela n’enlève rien à l’admiration que j’attache à ce disque, à son interprète et à son ingénieur du son. Si, tout en écoutant pour votre plaisir un témoignage évident de la musique du moyen-âge, vous voulez tester la bonne intégration des registres de votre installation et la parfaite cohésion de la restitution stéréophonique, n’hésitez pas à faire appel à la nonne.
Un autre exemple qui m’avait frappé, bien que j’apprécie moins cet interprète, c’est le piano d’Amoyale dans les nocturnes de Chopin. Je ne possède pas une bonne mémoire et je ne puis donc affirmer avec certitude que ce que j’ai entendu était meilleur que ce que j’avais entendu il y a un an. C’est cependant ce que je crois d’après mes souvenirs. Une bien meilleure mise en relief en trois dimensions du coffre du l’instrument (à la condition d’être assis au point G), et plus particulièrement une assise solide pour la main gauche qui donne l’indispensable poids à la restitution de l’instrument, une assise plus solide que dans mon souvenir d’autrefois. Cette impression rejoint je crois l’avis de Paul sur une meilleure tenue des graves. Je puis donc croire que ma mémoire ne m’a pas trahi.
Elle ne m’a sans doute pas trahie non plus lorsque j’ai apprécié plus qu’avant l’audition du magnifique enregistrement du concerto pour cordes, percussions et célesta de Bartok. Un disque auquel on revient immanquablement lorsqu’on veut se pénétrer, avec de la très belle musique, des qualités de dynamique et de lisibilité d’une installation. Ici bravo, c’était parfait et les grands crescendos du troisième mouvement étaient reproduits dans toute leur ivresse barbare sans tassement ni bavure. Un peu plus de spatiale profondeur pour l’orchestre ? C’est possible mais cela ne m’a pas interpelé.
Enfin, mon cher Igor, je te remercie avec Paul, et aussi au nom de Robert, pour l’excellent accueil et le non moins excellent repas que nous avons partagé avec toi sur les bords de lac d’Eaubonne. J’espère d’ailleurs tu seras mon hôte très prochainement dans ma lointaine Belgique où les champs de l’amitié sont bien plus grands que les champs de bataille!
Cordialement Olivier